Le dilemme de l’investissement locatif au Luxembourg
Dans le contexte d’un marché immobilier en hausse, l’investissement locatif peut présenter un attrait non négligeable. Il garantit aux investisseurs des revenus réguliers qui tendent à croître au rythme de l’inflation, tandis que la valeur en capital du bien immobilier a toutes les chances d’augmenter elle aussi. C’était le cas au Luxembourg depuis de nombreuses années. Toutefois, la donne a changé et les investisseurs potentiels devront reconsidérer leur stratégie.
L’investissement locatif a le vent en poupe depuis plus d’une décennie. Il offre une alternative aux marchés d’actions et d’obligations, fournit un revenu stable et a produit des rendements extrêmement satisfaisants au cours des dernières années. Les valorisations du marché immobilier luxembourgeois se sont envolées, le prix moyen passant de 4.896€ par mètre carré en 2016 à 9.511€ à son apogée en avril 2022.
Cet extraordinaire essor a également constitué un moyen utile de participer à moindre coût à un marché du logement par ailleurs relativement onéreux. Les investisseurs qui ne souhaitaient pas acheter une grande maison familiale, ou qui n’avaient l’intention de résider que quelques années dans le pays, ont pu acquérir une maison plus modeste et la mettre en location s’ils ne l’occupaient plus. Les capitaux ainsi dégagés ont par conséquent pu être déployés ailleurs, tout en conservant une exposition à la croissance du marché de l’immobilier.
Toutefois, la prise de décision en matière d’investissement locatif s’est sensiblement compliquée. Ces dernières années ont vu la fin du long cycle haussier du marché, avec des prix moyens de 8.382€ au mètre carré à août 2024. Si la plupart des marchés du logement en Europe se sont repliés ces dernières années, le Luxembourg a fait figure d’exception, en cela que sa marge de repli est plus importante par rapport à son récent sommet. Selon Eurostat, le marché grand-ducal a connu la plus forte baisse dans l’UE au cours des 12 mois précédant le premier trimestre 2024 (10,9%), soit nettement plus qu’en France (4,8%) et en Allemagne (5,9%). Pour le Luxembourg, cette baisse n’était plus que de 5,1% au cours des 12 mois précédant le 3e trimestre 2024.
Des coûts d’emprunt élevés
La situation actuelle s’explique en partie par la hausse des coûts d’emprunt. Alors que les investisseurs avaient pu obtenir des prêts hypothécaires en vue d’un investissement locatif relativement intéressants lorsque les taux d’intérêt étaient bas, ces derniers ont nettement progressé depuis 2022. Malgré un début de repli des taux d’intérêt au second semestre 2024, les emprunts restent nettement plus coûteux qu’au cours de la dernière décennie où les taux étaient au plus bas, et il est peu probable qu’ils renouent avec de tels niveaux dans un avenir proche.
La hausse des coûts d’emprunt et la baisse des prix de l’immobilier ont compliqué les décisions d’investissement locatif.
La hausse des coûts d’emprunt et la baisse des prix de l’immobilier ont compliqué les décisions d’investissement locatif. Cela peut représenter un problème ou une opportunité selon le point de vue de l’investisseur. Ce dernier peut ainsi acquérir à moindre coût des biens immobiliers luxembourgeois présentant un potentiel intéressant à long terme, mais cela peut également être symptomatique d’un déclin à plus long terme du marché immobilier du Grand-Duché.
Toutefois, pour l’instant, il est peut-être plus important pour les investisseurs de considérer l’évolution des prix des loyers. Si les prix d’achat baissent et que les revenus locatifs augmentent, l’investissement locatif devient une stratégie plus attrayante pour les nouveaux investisseurs. Dans ce cas précis, la situation actuelle est plus favorable, puisque les loyers ont continué à augmenter au Luxembourg, passant de 24,15€ par mètre carré et par mois en août 2021 à 28,10€ trois ans plus tard. Les prix demandés pour les biens locatifs augmentent de 7,5 à 8% par an.
Certains facteurs à plus long terme laissent également présager une croissance future des prix du marché locatif luxembourgeois. Le pays compte un important contingent d’expatriés, en mission pour un ou deux ans. La proportion de résidents n’ayant pas la nationalité luxembourgeoise s’élevait à 47,3% au début de l’année 2024, répartie entre 170 nationalités. Tout cela contribue à la vigueur du marché de la location, de nombreuses personnes préférant un logement de courte durée pour correspondre à leur situation du moment.
Coûts d’achat et dépenses courantes
L’investisseur qui acquiert des biens immobiliers pour les mettre en location doit tenir compte non seulement du dynamisme des marchés de l’achat et de la location de biens immobiliers, mais aussi des coûts qu’il peut s’attendre à encourir. L’investissement locatif implique des coûts initiaux, notamment des droits de mutation, des frais de notaire et des frais juridiques, qui peuvent représenter plus de 10% du coût total de l’achat du bien.
L’investissement locatif implique des coûts initiaux, notamment des droits de mutation, des frais de notaire et des frais juridiques, qui peuvent représenter plus de 10% du coût total de l’achat du bien.
Les propriétaires peuvent par ailleurs être amenés à supporter les frais courants. Ils peuvent avoir à rembourser un prêt hypothécaire qui varie dans le temps en fonction de l’évolution des taux d’intérêt. Si les charges sont généralement à supporter par les locataires, il existe des coûts d’entretien permanents, tels que la réparation des fuites et des équipements et le remplacement des appareils défectueux. Ces coûts peuvent être importants et influencer le type de bien immobilier choisi par un investisseur sur le marché du locatif – par exemple, une résidence neuve nécessitant peu d’entretien plutôt qu’un bien plus ancien.
La recherche d’un locataire peut également entraîner des frais. Si certains propriétaires n’hésitent pas à placer leur bien sur des sites de location populaires en espérant que tout se passe pour le mieux, d’autres préfèrent la sécurité d’un agent. Cela peut offrir une certaine protection si un locataire ne paie pas le loyer ou pose d’autres problèmes, et peut servir de canal de communication. Certaines agences proposent un service de gestion continue en plus de la recherche de locataires. Cette solution est certes plus coûteuse, mais peut s’avérer utile si les propriétaires vivent à l’étranger.
Les investisseurs en herbe doivent également tenir compte de l’incidence des revenus locatifs sur leur situation fiscale. Au Luxembourg, les revenus locatifs sont imposés au taux marginal du propriétaire, c’est-à-dire au niveau d’imposition le plus élevé dû sur les différentes tranches de revenus. Bien que diverses déductions soient possibles, notamment pour les honoraires des agents immobiliers, les réparations et les intérêts sur les emprunts contractés pour acheter le bien, une partie des revenus locatifs devra toujours être imposée. En outre, les investisseurs qui vendent leur bien locatif en réalisant un bénéfice seront probablement tenus d’acquitter un impôt sur les plus-values réalisées lors de la vente.
Tenir compte du marché
Tout investissement locatif doit impérativement être envisagé du point de vue du locataire également, en identifiant le marché cible pour le bien – qu’il s’agisse d’étudiants, de jeunes actifs, de familles ou d’expatriés. Pour les expatriés, les besoins peuvent porter sur un logement familial ou une maison avec un jardin, tandis que les étudiants auront tendance à rechercher un logement plus sommaire moyennant un loyer plus abordable, mais peuvent préférer un emplacement central ou bien desservi par les transports publics.
Les périodes d’inoccupation constituent généralement le plus gros problème des propriétaires de logements mis en location. Chaque mois où un investisseur rembourse un prêt sans percevoir de revenus locatifs représente une perte pour son rendement global. Attendre le prix le plus élevé possible peut donc être une bonne stratégie lors d’une vente, mais dans le cas d’une activité d’investissement locatif, le mieux peut être l’ennemi du bien. En même temps, il est généralement utile de prendre des mesures pour rendre les locataires heureux et les garder plus longtemps.
Le processus décisionnel relatif à l’investissement locatif au Luxembourg a changé. Les investisseurs s’étaient habitués à une hausse constante des prix des logements et à une croissance régulière des revenus locatifs. Toutefois, la faiblesse du marché immobilier et la hausse des coûts d’emprunt ont rendu les calculs plus complexes. Alors que la Banque centrale européenne commence à réduire les taux d’intérêt toutefois, l’heure est peut-être venue de réexaminer la question de l’immobilier locatif.
Si les prix d’achat baissent et que les revenus locatifs augmentent, l’investissement locatif devient une stratégie plus attrayante pour les nouveaux investisseurs.