Avantages et inconvénients de l’investissement à effet de levier
Les mises en garde contre l’effet de levier ne manquent pas, et le rôle néfaste qu’il a joué dans bon nombre de crises financières n’est plus à démontrer. Cela dit, l’effet de levier est largement utilisé au sein des portefeuilles d’investissement, et parfois à bon escient. En amplifiant l’exposition à une classe d’actifs, il permet en effet d’améliorer les rendements. Il doit toutefois être employé avec la plus grande prudence.
Qu’il soit utilisé par des investisseurs ou des entreprises, l’effet de levier financier consiste à emprunter de l’argent pour investir dans des actifs, ou à réaliser une quelconque opération ayant le même objet. Si le rendement de ces actifs est supérieur au coût de l’emprunt, l’investisseur dopera son rendement sans avoir à engager de capitaux supplémentaires. Mais l’inverse est tout aussi vrai: l’effet de levier est susceptible d’amplifier considérablement les pertes si un investissement tourne au vinaigre.
Dans la pratique, les investisseurs recourent constamment à l’effet de levier (l’exemple le plus évident concernant l’achat d’une maison) et celui-ci a de nombreuses applications judicieuses, mais il peut également être source d’instabilité et de volatilité. La crise financière mondiale de 2007-2008 a ainsi découlé d’un effet de levier excessif au niveau du marché immobilier américain et des produits dérivés basés sur ce dernier, ce qui a eu pour effet de démultiplier l’impact de l’effondrement d’une partie somme toute relativement limitée du système financier.
L’énorme portefeuille de produits d’investissement adossés à des créances hypothécaires de Lehman Brothers représentait quatre fois la valeur de ses fonds propres. Ce fort effet de levier, en particulier sur le marché des titres adossés à des créances hypothécaires, a largement contribué à la vulnérabilité et à l’effondrement de l’entreprise pendant la crise. D’autres institutions de renom auraient à coup sûr connu le même sort si elles n’avaient pas été rachetées in extremis par des groupes financièrement plus sains ou renflouées par les autorités publiques.
Il existe plusieurs façons de générer un effet de levier, à commencer par les prêts bancaires
Autres formes d’effet de levier
Il existe plusieurs façons de générer un effet de levier, à commencer par les prêts bancaires: les investisseurs connaissent le taux d’intérêt dans le cas des prêts à taux fixe, ainsi que le montant exact qu’ils doivent rembourser et la durée des mensualités. Il est donc facile de déterminer le taux de rendement minimal de tout investissement recourant à l’effet de levier bancaire. Si l’on prend l’exemple d’un prêt assorti d’un taux d’intérêt de 3% sur une période de cinq ans, il est essentiel de s’assurer un rendement annuel minimum des investissements supérieur ou égal à ce taux, afin de pouvoir à la fois rembourser le prêt et dégager un bénéfice.
Les emprunts à taux variable, tels que les avances en compte courant, comportent davantage de risques dès lors qu’ils rendent les investisseurs vulnérables aux fluctuations des taux d’intérêt. Ces risques ont été particulièrement manifestes en 2022 et 2023, lorsque les banques centrales ont rapidement relevé leurs taux afin de juguler l’inflation. Les emprunteurs qui avaient opté pour l’effet de levier en pensant que les taux resteraient à des niveaux aussi bas que 2 ou 3% se retrouvent aujourd’hui confrontés à des paiements d’intérêts beaucoup plus importants que prévu, qui risquent de dépasser leurs rendements. En tout état de cause, il est important que les particuliers et les entreprises comparent les coûts des différentes options de crédit et évaluent l’adéquation de chacune d’entre elles à leur situation et à leurs besoins financiers spécifiques.
Il est par ailleurs possible pour les investisseurs bien informés de recourir à des produits dérivés pour incorporer un effet de levier au sein d’un portefeuille. Plutôt que de recourir à l’endettement pour acheter un volume plus important d’un actif donné, les produits dérivés permettent aux investisseurs de s’y exposer sans réellement posséder l’actif sous-jacent ou sans devoir déployer la totalité de la mise de fonds généralement nécessaire pour un investissement direct.
Ils impliquent généralement le type d’effet de levier le moins prévisible et le moins stable, car les prix fluctuent tous les jours. Certains types de produits dérivés exposent les investisseurs à un risque de pertes accrues, raison pour laquelle Warren Buffett, partenaire d’investissement de longue date de Charlie Munger, les a qualifiés d’« armes financières de destruction massive ».
Pourquoi les investisseurs prendraient-ils le risque de recourir à l’effet de levier?
L’effet de levier permet d’accroître votre pouvoir d’investissement en renforçant votre exposition à un actif sous-jacent pour un même montant d’investissement initial. Dans un contexte de coûts d’emprunt bas et de croissance économique atone, l’effet de levier peut être utilisé de manière stratégique pour augmenter les rendements sur un marché par ailleurs morose.
Cependant, il convient de garder à l’esprit que l’effet de levier appliqué à l’investissement est une arme à double tranchant: s’il a le pouvoir de doper les rendements, permettant aux investisseurs de réaliser des gains plus importants à partir d’un capital initial plus faible, il s’accompagne également d’un risque accru de pertes substantielles. Cette dualité s’explique par le fait que le levier amplifie l’effet des mouvements du marché, ce qui implique des gains ou des pertes accru(e)s en cas d’évolution respectivement favorable ou défavorable du marché du point de vue de l’investisseur, soulignant la nécessité d’une gestion prudente des risques.
Dans la plupart des cas, cependant, l’effet de levier peut être utilisé principalement pour optimiser lentement mais sûrement les rendements d’un investissement au fil du temps, en tirant parti de la tendance haussière habituelle des marchés, en particulier lorsque les coûts d’emprunt sont faibles. Les entreprises s’appuient en outre sur l’effet de levier pour procéder à des acquisitions ou pour investir dans des technologies et des équipements. Les investisseurs évaluent généralement l’effet de levier d’une entreprise par le biais de son ratio dettes/capitaux propres, qui mesure les fonds empruntés par rapport au capital des actionnaires. Un endettement excessif présente toutefois un risque : en cas de défaillance de l’investissement, les actionnaires s’exposent à une perte de capital importante.
Véhicules de placement collectifs
La plupart des véhicules de placement collectifs réglementés sont soumis à des règles strictes en matière de levier. S’agissant des OPCVM, par exemple, les emprunts à des fins d’investissement sont autorisés, mais doivent être contractés auprès d’établissements de crédit de premier ordre, sur une base temporaire et dans la limite de 10% de la valeur nette d’inventaire du fonds1. L’effet de levier des fonds européens d’investissement à long terme (ELTIF) peut atteindre 50% s’ils sont commercialisés auprès d’investisseurs particuliers et jusqu’à 100% s’ils sont réservés aux investisseurs professionnels.
En ce qui concerne les fonds d’investissement alternatifs, les limites en matière d’effet de levier sont fixées par l’autorité prudentielle du pays d’origine du fonds, qui exige de recevoir de nombreux renseignements. Des limites s’appliquent à l’exposition aux prêteurs individuels. Les fonds sont tenus de divulguer leur politique en matière d’effet de levier, la manière dont ils recourent à ce dernier et son impact sur leur profil de risque. Les fonds à capital fixe font souvent l’objet d’exigences moins strictes.
Utilisé judicieusement, l’effet de levier a toute sa place au sein d’un portefeuille en tant qu’outil permettant d’améliorer prudemment les rendements et d’exprimer des convictions vis-à-vis d’investissements spécifiques. Il constitue pour les entreprises un moyen très répandu de se développer plus rapidement qu’en investissant les bénéfices non distribués. Cependant, l’effet de levier peut également comporter des risques importants. Une fois encore, le dernier mot revient à Warren Buffet: « Chaque fois qu’une personne fortunée et brillante se retrouve sans le sous, vous pouvez être sûr que l’effet de levier y est pour quelque chose. Il est pratiquement impossible de courir à la ruine sans avoir emprunté d’argent à un moment ou à un autre. »
L’effet de levier vous permet d’en avoir plus pour votre argent, autrement dit une plus grande exposition à un actif sous-jacent pour une même mise de départ. Lorsque l’endettement est bon marché et la croissance économique atone, il peut s’agir d’un outil judicieux pour stimuler les rendements sur un marché par ailleurs moribond.
1 Dans le cadre d’un investissement immobilier, cette limite peut être portée à 15% au total dans certaines circonstances.