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24 mars 2025

Entreprises: Bâle IV pour les nuls

Avez-vous déjà entendu parler de Bâle IV, cet ensemble de réformes réglementaires adoptées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire? Si ce n’est pas le cas, il est grand temps de vous y intéresser. Et pour cause, Bâle IV a de sérieux impacts sur l’évaluation de risque de crédit et donc sur les conditions d’octroi de futurs financements aux entreprises. myLIFE brosse pour vous à grands traits le panorama de ce qui vous attend avant de vous donner quelques pistes pour vous y préparer.

Bâle IV en bref

Poursuivant la tendance amorcée par Bâle III, l’objectif principal de Bâle IV est d’améliorer la résilience des banques face aux crises financières en renforçant les exigences de fonds propres et en affinant les méthodes d’évaluation des risques bancaires, particulièrement le risque de crédit. De nombreux spécialistes y voient davantage une finalisation de Bâle III (Basel III Endgame) plutôt qu’une évolution majeure justifiant une nouvelle appellation. Quoi qu’il en soit, bien que toutes ces réformes réglementaires concernent principalement les banques, les entreprises comme la vôtre peuvent être impactées.

Sans revenir sur le cadre déjà en place ni entrer dans toutes les subtilités et la technicité réelle de ces réformes, il est bon pour les entreprises de garder à l’esprit les impacts suivants pour les banques.

    • Un renforcement des exigences de fonds propres pour améliorer la capacité des banques à absorber les pertes. L’idée sous-jacente est simple: une banque qui prend davantage de risques doit disposer de fonds propres plus importants pour compenser ces risques. En introduisant notamment des normes plus strictes pour le calcul des exigences de fonds propres, Bâle IV contraint les banques à maintenir un niveau de capital plus élevé par rapport aux actifs plus risqués qu’elles détiennent. Pour les entreprises, cela signifie que les banques auront une capacité plus restreinte à vous octroyer des financements ou bien elles seront amenées à exiger des conditions supplémentaires.
    • Une révision des méthodes de calcul des actifs pondérés par le risque (RWA) et une limitation de l’utilisation des modèles internes dits avancés pour le calcul de risques afin de garantir une approche plus standardisée et uniforme entre les banques. Les pondérations de risques sont importantes pour les institutions de crédits car elles déterminent le montant en capital qu’elles doivent conserver pour couvrir leurs crédits. Même s’il peut sembler logique pour les institutions de crédit de conserver moins de capital en réserve pour des crédits à faible risque, Bâle IV incite les banques à abandonner les modèles internes, favorisant ainsi une approche plus standardisée de l’évaluation des risques. Bâle IV introduit pour cela un seuil plancher de capital réglementaire (Output Floor) qui s’applique aux banques désirant conserver l’utilisation de leurs modèles internes, peu importe le risque associé au crédit. Cela pourrait conduire à une augmentation du coût du crédit pour les particuliers et les entreprises qui étaient jusqu’ici considérés comme à faible risque. Ainsi, là où une institution de crédit utilisant la méthode avancée pour certains types de clients devait seulement détenir 50% de ce qui était exigé pour une institution utilisant la méthode standard, elle devra détenir minimum 72,5% à l’horizon 2030.

Outre une solvabilité accrue, les banques doivent maintenir un niveau élevé d’actifs liquides de haute qualité pour couvrir les sorties de trésorerie potentielles

    • Une amélioration de la transparence. Les évolutions règlementaires vont contraindre les banques à fournir des informations encore plus détaillées sur leur exposition aux risques et leur situation financière, afin de renforcer la confiance des investisseurs et des clients. Bâle IV impose des exigences de divulgation plus strictes et plus régulières. En ce qui concerne les méthodes de calcul des risques, Bâle IV exige que les banques expliquent les modèles internes qu’elles utilisent pour évaluer la probabilité de défaut (PD – Probability of Default), la perte en cas de défaut (LGD – Loss Given Default) et l’exposition au défaut (EAD – Exposure at Default). Cela permet aux régulateurs et aux investisseurs de mieux comprendre comment les banques évaluent leurs risques.

Toutes ces règlementations doivent être progressivement mises en œuvre sur plusieurs années pour permettre aux banques de s’adapter aux nouvelles exigences sans perturber les marchés financiers. S’il existe des échéances clés pour les différentes exigences, les banques doivent respecter l’ensemble des exigences de Bâle IV d’ici au 1er janvier 2030 et, pour quelques exigences spécifiques, jusqu’en 2032. Cela inclut notamment les ajustements aux exigences de fonds propres.

Le Comité de Bâle n’a pas le pouvoir d’émettre des réglementations juridiquement contraignantes et ses normes doivent être mises en œuvre par les autorités nationales.

Bon à savoir: bien que Bâle IV établisse un cadre commun, les délais d’implémentation peuvent varier selon les pays en raison de la nécessité de transposition nationale, des décisions des régulateurs et des spécificités du marché local. En effet, le Comité de Bâle n’a pas le pouvoir d’émettre des réglementations juridiquement contraignantes et ses normes doivent être mises en œuvre par les autorités nationales. Par conséquent, il existe des différences entre les pays en ce qui concerne à la fois le contenu et le calendrier. Cependant, pour les pays de l’UE, Bâle IV, qui est transposé par le biais du règlement CRR III et de la directive CRD VI, entre en vigueur en janvier 2025.

Quels impacts sur les entreprises?

À la lecture de ce bref résumé relatif à Bâle IV, il vous apparaît clairement que cet ensemble de règlementations risque d’impacter sensiblement l’accessibilité et le coût du crédit pour de nombreuses entreprises. Les conditions de prêt pourraient devenir plus rigoureuses et/ou les exigences de garanties pourraient être accrues. Pour vous, l’impact potentiel porte sur différents aspects.

    • Impact sur la solvabilité si les banques resserrent leurs critères de prêt. Si vous avez besoin de financements pour des projets d’expansion ou pour surmonter des difficultés temporaires, vous pourriez rencontrer des obstacles si les banques estiment que le risque est trop élevé. Cela pourrait également influencer vos relations avec d’autres créanciers ou investisseurs. Si le coût de l’emprunt devient trop important, cela pourrait réduire les marges bénéficiaires ainsi que les opportunités de développement et d’innovation. De quoi affecter la solvabilité à long terme.
    • Impact pour le secteur de l’immobilier. Bâle IV influence la manière dont les banques évaluent les ratios financiers dans le secteur immobilier. Les acteurs de ce secteur devront améliorer leur documentation et leur présentation de l’information financière pour répondre aux nouvelles exigences des banques. Le manque de préparation ou de capacité à répondre aux conditions des banques peut nuire à la perception de la solvabilité par les prêteurs. La solution réside dans le fait que les promoteurs comprennent les nouvelles exigences et répondent proactivement aux conditions qui mèneraient à une réduction des exigences de capital au niveau des banques, ce qui n’est pas très compliqué. Une autre partie de la solution consisterait pour les banques à adapter leur offre de produits afin de prendre en compte les exigences de Bâle IV.
    • Impact sur les conditions de financement. La mise en œuvre du seuil plancher dans le cadre de Bâle IV représente un défi significatif pour les banques dans la gestion de leurs ratios Loan-to-Value (LTV), notamment dans le secteur immobilier. Avec l’introduction de poids de risque minimums basés sur des seuils LTV, les banques doivent naviguer dans les complexités d’aligner leurs pratiques de prêt avec ces nouvelles exigences réglementaires. Le défi réside dans l’équilibre entre la nécessité de proposer des options de financement compétitives aux emprunteurs tout en respectant des exigences de capital plus strictes qui reflètent les risques accrus associés à des ratios LTV plus élevés. Alors que les prêts avec des LTV élevés sont soumis à des poids de risque plus élevés, les banques doivent faire face à l’impact potentiel sur leurs portefeuilles de prêt et leur rentabilité. Ce changement réglementaire pousse les banques à adopter des stratégies de gestion des risques plus prudentes pour garantir leur résilience, tout en maintenant leur position sur le marché dans un environnement compétitif.
    • L’impact de Bâle IV sur les instruments financiers se traduit par une réglementation renforcée concernant les exigences de capital et les normes de liquidité. Les banques doivent désormais ajuster leurs portefeuilles d’instruments financiers pour répondre à des exigences de pondération des risques plus rigoureuses, ce qui peut influencer leur stratégie d’investissement et par conséquent l’accès des clients au financement.

Tous les secteurs ne seront pas impactés de la même manière. Certaines industries peuvent être plus touchées que d’autres en fonction de leur profil de risque et de leur dépendance au financement bancaire.

Bien entendu, tous les secteurs ne seront pas impactés de la même manière. Certaines industries peuvent être plus touchées que d’autres en fonction de leur profil de risque et de leur dépendance au financement bancaire. Quoi qu’il en soit, pour faire face à ces impacts potentiels, il est fortement conseillé d’anticiper ce qui peut l’être et de se rapprocher des bons experts pour discuter de votre situation. C’est le moment où jamais pour consolider votre partenariat avec votre banque!

Comment vous y préparer?

Si les entreprises n’ont pas forcément toutes les cartes en main face à Bâle IV, cela ne signifie nullement qu’elles ne peuvent rien faire pour s’y préparer. Voici quelques pistes à considérer:

    • Évaluez votre situation financière. Commencez par faire un diagnostic interne de l’entreprise et un bilan de sa situation financière actuelle. Analysez vos actifs, passifs, flux de trésorerie et ratios de solvabilité. Cela vous donnera une meilleure idée de votre position et il sera plus simple de réagir si certains ajustements s’avèrent nécessaires pour obtenir les financements souhaités.
    • Renforcez vos fonds propres si cela est possible afin de diminuer votre profil de risque. Cela pourrait impliquer de réinvestir des bénéfices ou de faire appel à des investisseurs pour renforcer votre capital. Un capital plus solide peut améliorer votre attractivité pour les banques.
    • Gérez vos liquidités de manière proactive. Adoptez une gestion de trésorerie plus rigoureuse afin de mieux anticiper vos besoins futurs. Assurez-vous d’avoir des réserves suffisantes et envisagez de négocier des lignes de crédit avant que les exigences ne deviennent plus sévères.
    • Consultez votre banque pour vous aider à naviguer dans ces changements. Votre banquier peut vous fournir des conseils adaptés à votre situation spécifique et vous aider à élaborer une stratégie. C’est autant dans son intérêt que dans le vôtre s’il veut prolonger une relation de partenariat durable avec votre entreprise.

Renforçant les exigences de fonds propres et affinant les méthodes d’évaluation des risques bancaires, Bâle IV va exercer une influence majeure sur l’activité de votre banque et sur les conditions d’accès à des financements futurs pour votre entreprise. Une bonne raison pour faire un état des lieux sur votre situation financière et pour étudier avec votre banquier comment préparer au mieux l’avenir ensemble.