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22 novembre 2024

Faut-il repenser la diversification?

En 2022, les stratégies de diversification traditionnelles ont manifestement échoué. Les emprunts d’État, généralement considérés comme des valeurs sûres, n’ont apporté aucune protection lorsque les marchés boursiers ont dégringolé, d’où une remise en question de la relation historique entre actions et obligations. Les investisseurs devraient-ils dès lors revoir leur approche en matière de diversification?

L’approche traditionnelle de la diversification consiste à détenir une combinaison d’emprunts d’État de pays développés et d’investissements en actions plus volatils. L’idée est en effet que les premiers tirent généralement profit des environnements caractérisés par une croissance économique plus faible et des pressions déflationnistes, tandis que les seconds tendent à surperformer en période d’expansion de l’activité économique, lorsque la demande en biens et services est en hausse et que les entreprises augmentent leurs bénéfices.

Si cette théorie ne s’est pas vérifiée en 2022, c’est parce que les marchés actions et obligataires ont été particulièrement sensibles à l’évolution surprise des anticipations d’inflation. La persistance de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt qui en a résulté ont pénalisé les deux classes d’actifs, lesquelles ont enregistré des baisses à deux chiffres.

Un environnement inflationniste favorable

D’un point de vue historique, voilà qui n’est pas particulièrement inhabituel. Des recherches menées en 2016 par Matt Roberts-Sklar, économiste à la Banque d’Angleterre, ont permis d’observer au cours des 250 dernières années de longues périodes de corrélation positive entre actions et obligations. Ce n’est que lorsque l’environnement inflationniste est favorable que l’effet de diversification opère.

Un climat qui a justement dominé pendant une bonne partie des trente dernières années. L’émergence de la Chine et de son industrie manufacturière gigantesque, le vieillissement de la population et la mise en place d’un système crédible de ciblage de l’inflation par des banques centrales indépendantes ont contribué à réduire les anticipations d’inflation. Le problème est que les investisseurs ont commencé à penser qu’une combinaison d’obligations et d’actions offrirait toujours des vertus “diversificatrices”.

À noter cependant que si le mix actions/obligations n’a pas fonctionné en 2022, d’autres types de diversification ont porté leurs fruits. Les investisseurs misant sur une combinaison d’actions de rendement et de croissance, par exemple, auraient pu compter sur une exposition à des valeurs de rendement telles que l’énergie ou les matériaux pour compenser la baisse des secteurs de croissance comme la technologie. Parallèlement, certains marchés émergents n’ont montré que peu ou pas de corrélation avec les marchés américains et européens; le marché boursier indien a ainsi gagné plus de 10% sur l’année.

Même constat sur les marchés obligataires. Le segment à haut rendement est plus sensible au risque de crédit qu’aux taux d’intérêt. Les taux de défaut sont restés relativement bas et les obligations moins bien notées se sont mieux comportées que leurs homologues investment grade. La dette émergente a également joué un rôle de protection du capital sur l’année.

Il faut garder à l’esprit que la diversification et la corrélation entre les différentes classes d’actifs sont de nature fluctuante, et non statique – parfois, actions et obligations sont corrélées, parfois pas; tout dépend des conditions du marché.

La nature fluctuante de la diversification

Ainsi, plutôt que de dire que la diversification en général n’a pas fonctionné, nous devrions préciser qu’il s’agit de la diversification actions/obligations. Voilà qui nous permet de souligner un constat important, à savoir que la diversification et la corrélation entre les différentes classes d’actifs sont de nature fluctuante, et non statique. Parfois, actions et obligations sont corrélées, parfois pas; tout dépend des conditions du marché. Toute stratégie de diversification doit en tenir compte.

Sachant cela, les obligations et les actions seront-elles corrélées dans un futur proche? Certes, début 2023, les marchés obligataires étaient bien différents de ce qu’ils étaient 12 mois auparavant, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans étant passé de 1,8% à 3,9%. Après la décision de la Banque centrale japonaise d’assouplir ses objectifs de rendement en décembre 2022, plus aucun emprunt d’État n’affichait de rendement négatif (alors qu’ils représentaient 18.000 milliards USD en 2020).

Pour la première fois en dix ans, les investisseurs peuvent tirer un revenu très appréciable des emprunts souverains, et les obligations semblent à nouveau à même de jouer leur rôle de diversificateur au sein des portefeuilles. Mais cela ne doit pas pour autant dissuader les investisseurs de mettre en place une diversification efficace. L’environnement peut changer rapidement et les corrélations entre les classes d’actifs pourraient à nouveau augmenter, ce qui plaide en faveur d’une bonne diversification entre les classes d’actifs, mais aussi en leur sein.

Cela peut impliquer de détenir plusieurs types d’actions différents : des entreprises fiables au profil défensif, d’une part, et des valeurs de croissance plus dynamiques d’autre part. À l’heure de la démondialisation et d’un protectionnisme accru, les investisseurs peuvent bénéficier d’une plus grande diversification en investissant dans différentes régions. Une allocation combinant marchés développés et émergents offre ainsi une vaste gamme d’opportunités. Dans l’obligataire, il peut être intéressant d’associer des obligations à haut rendement ou de la dette émergente à des emprunts d’État ou des obligations investment grade de qualité supérieure afin d’équilibrer le portefeuille et de l’équiper pour différents types d’environnement économique.

Le rôle des investissements alternatifs

Les produits alternatifs contribuent eux aussi à la bonne diversification d’un portefeuille. Certaines classes d’actifs, à l’image des infrastructures et de l’immobilier commercial, sont sensibles à la hausse des taux d’intérêt, mais offrent une certaine protection contre l’inflation. Certaines stratégies de hedge funds et de fonds à performance absolue sont conçues pour présenter une faible corrélation avec les marchés actions et obligataires. Le meilleur des gérants pourra dégager des rendements quelles que soient les conditions de marché – même si ces stratégies ne sont pas infaillibles.

Il convient de ne pas négliger le rôle des liquidités en tant que facteur de diversification. S’il peut être risqué de détenir une part importante de liquidités en période de forte inflation, souvenons-nous qu’en 2022, celles-ci ont offert une bien meilleure protection de la valeur globale des portefeuilles en comparaison à de nombreuses autres classes d’actifs, et une flexibilité bienvenue à l’heure de reprendre pied sur le marché.

L’or peut également avoir sa place dans le portefeuille d’un investisseur. Il entretient la relation suivante avec les taux d’intérêt: il ne verse aucun revenu et sous-performe lorsque les taux sont élevés dès lors que le coût d’opportunité lié à sa détention est supérieur. Le prix de l’or est resté stable en 2022, malgré une volatilité très marquée tout au long de l’année. Il est en général très difficile de déterminer quand l’or se comportera le mieux, de sorte que de nombreux portefeuilles intègrent en permanence une modeste position sur le métal jaune.

Aucune stratégie de diversification n’est efficace dans toutes les conditions de marché.

La forte corrélation observée entre les obligations et les actions récemment n’appelle pas à repenser fondamentalement la manière dont les investisseurs envisagent la diversification. Il convient toutefois de rappeler qu’aucune stratégie de diversification n’est efficace dans toutes les conditions de marché et que les investisseurs doivent faire preuve de rigueur. Personne n’a de boule de cristal et la diversification est souvent le seul moyen de protéger un portefeuille contre des marchés imprévisibles.