Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas un expert que vous devez vous interdire d’investir. Cela étant, il faut bien avouer que le jargon financier rend parfois difficile la compréhension des informations et donc l’accès à certains investissements qui semblent attractifs. D’autant plus que derrière de nombreuses expressions complexes se cache parfois une grande vacuité. Voici comment ne pas se laisser berner par le baratin financier.
Ce qu’il faut retenir
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Les marchés regorgent d’informations sur tout un tas de produits financiers. Des informations indispensables pour permettre de décider en connaissance de cause. Malheureusement, toutes les informations disponibles ne sont ni factuelles, ni descriptives. Elles prennent alors souvent la forme de texte à rallonge comprenant une floppée de mots-valises et de superlatifs pour impressionner et suggérer la sophistication. Lorsque c’est le cas, vous êtes peut-être en face d’un baratin financier.
Face à cela, les investisseurs en quête d’informations financières devraient toujours se souvenir de cette citation de Nicolas Boileau-Despréaux: « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Désireux d’investir, vous épluchez des prospectus financiers et faites le tour de vos réseaux sociaux pour savoir si des connaissances recommandent un placement en particulier. Voici quelques-unes des « informations » que vous pourriez rencontrer lors de vos recherches.
« Notre algorithme de pointe, basé sur l’intelligence artificielle la plus moderne, exploite en temps réel les opportunités d’arbitrage dans les marchés mondiaux des devises, générant des rendements exceptionnels grâce à une gestion dynamique du risque. »
« Le fonds d’investissement X a été conçu avec une approche quantitative-factorielle, combinant une sélection rigoureuse de titres avec des modèles d’optimisation multi-objectifs pour maximiser la croissance du capital tout en minimisant la volatilité. »
« Ce produit structuré hautement sophistiqué et innovant offre une exposition optimisée à un panier diversifié d’actifs sous-jacents, tout en optimisant les rendements ajustés au risque grâce à une gestion active des volatilités et des corrélations ».
Impressionnant non? Mais, en y regardant à deux fois, ces descriptions vous aident-elles vraiment à comprendre les produits qu’elles sont supposées mettre en avant? La réponse est non. Pourtant, de telles expressions complexes ne sont pas rares dans le monde de la finance.
Ce n’est pas parce qu’un produit est sophistiqué qu’il doit être présenté de manière opaque.
Une explication avancée est la technicité du monde de la finance. Le jargon technique serait alors nécessaire pour rendre justice à des réalités complexes recouvrant un tas d’interactions techniques. Si cette complexité est réelle, rien ne justifie pour autant de la rendre obscure et abstraite. À trop se perdre en sophistication, on crée un terrain propice aux malentendus qui brouillent la prise de décision au lieu de la simplifier. En clair ce n’est pas parce qu’un produit est sophistiqué qu’il doit être présenté de manière opaque. Lorsque cela se produit, soyez sur vos gardes! Vous êtes peut-être en face d’un baratin financier.
Mais qu’entend-on exactement par baratin, ou plutôt « bullshit » pour reprendre le terme anglais beaucoup plus cru? Ce terme a été conceptualisé et a gagné en visibilité depuis la publication en 2005 du livre « On bullshit » d’Harry Frankfurt, professeur de philosophie de Princeton. Selon sa définition, le terme « bullshit »pourrait se traduire par baratin, mais pas par mensonge. Cette distinction est capitale car, selon l’auteur, le baratin est un plus grand ennemi de la vérité que le mensonge.
Contrairement au menteur qui a conscience de tromper, le baratineur ne se préoccupe pas de savoir ce qui est vrai ou faux. Il a une opinion bien définie sur un grand nombre de sujets et est convaincu qu’il a la légitimité pour parler abondamment de sujets qu’il ne comprend pas vraiment. Dit autrement, Le baratineur est dangereux car il en sait souvent assez sur un sujet pour se croire légitime, mais pas assez pour réaliser qu’il ne l’est pas. Il ne se prive dès lors pas pour partager avec conviction son opinion sur les réseaux sociaux où l’information se dissémine presque instantanément.
Le baratineur est dangereux car il en sait souvent assez sur un sujet pour se croire légitime, mais pas assez pour réaliser qu’il ne l’est pas.
Il n’y a pas que les humains qui baratinent sur Internet. Les chatbots contribuent aussi largement au « bullshit ». En témoigne le succès grandissant d’agents conversationnels comme chatGPT, qui maîtrisent l’art du baratin à merveille en assemblant des mots pour répondre à un humain. Leurs réponses sont très sophistiquées, même lorsqu’ils n’ont pas d’informations factuelles à fournir sur un sujet. La preuve? Les phrases « baratin » présentées en début d’article ont été entièrement créées avec l’aide de ChatGPT. Pour ce faire, nous lui avons d’abord demandé de définir clairement le baratin financier, avant de lui demander de créer des descriptions fictives de produits financiers sur la base de ce qu’il avait lui-même défini comme du baratin financier. Plutôt bluffant, non?
Et lorsque nous avons interrogé la machine sur sa manière de procéder, elle nous a répondu avoir créé en quelque sorte le « meilleur du pire » du baratin financier en combinant des termes fréquemment associés à une complexification et opacité excessive pour décrire des produis financiers.
En 2022, des chercheurs suédois ont publié l’article « Individual Differences in Susceptibility to Financial Bullshit » qui s’intéresse aux personnes les plus susceptibles de succomber au baratin financier. Au cours de leurs recherches ayant conduit à cette publication, ils ont interrogé plus de 1.000 adultes aux Etats-Unis. Chaque participant a été interrogé sur ses avoirs financiers, ses connaissances financières, son sentiment de bien-être et son comportement. L’enquête a ensuite testé les connaissances réelles des participants en leur soumettant une série d’affirmations contenant des termes financiers. Certaines de ces affirmations étaient vraies (par exemple: « Lorsque vous achetez une obligation, vous prêtez de l’argent à une entreprise ou un Etat »), alors que d’autres étaient complètement farfelues (par exemple: « Se couvrir, c’est investir son argent dans une seule action »).
À votre avis, quel groupe était le plus à même de détecter le baratin financier? Au risque de vous surprendre, il s’agit des femmes plus âgées, disposant de revenus plus faibles et n’ayant pas une confiance excessive dans leur expertise financière. Les plus susceptibles de succomber aux promesses du baratin sont les jeunes hommes, trop confiants dans leurs connaissances et disposant de revenus élevés. Il est également intéressant de noter que le niveau d’éducation ne semble pas faire de différence sur l’échelle de détection du baratin.
Le niveau d’éducation ne semble pas faire de différence sur l’échelle de détection du baratin financier.
Selon l’analyse effectuée, plus les revenus augmentent, moins les investisseurs potentiels font preuve de vigilance pour détecter l’éventuelle vacuité d’un langage financier trop sophistiqué. À noter également que les personnes ayant une plus grande capacité à détecter le baratin se sentent financièrement plus vulnérables. À l’inverse, plus une personne est crédule face au baratin financier, plus elle pense être à l’abri financièrement. Ce phénomène est décrit par les auteurs comme de la « bienheureuse ignorance ».
En résumé, ce n’est pas parce que vous êtes éduqué sur le plan financier ou habitué à évoluer dans le monde de la finance, que vous êtes naturellement protégé contre les effets potentiels du baratin financier. Il se peut même que votre excès de confiance vous pousse à manquer de vigilance face à un conseil issu de votre réseau habituel. Fort heureusement, il existe quelques techniques simples à mettre en place pour pouvoir détecter rapidement le baratin financier et ne pas y succomber.
En conclusion, il faut retenir qu’il est essentiel de garder son sang-froid et un esprit critique face aux affirmations financières. Ne vous arrêtez pas aux déclarations superficielles et ne vous laissez pas abuser par le jargon technique, mais recherchez des informations compréhensibles, fiables et vérifiables afin d’être en capacité de prendre des décisions financières éclairées.
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