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19 décembre 2024

Le pre-mortem: anticiper l’échec pour mieux l’éviter

En entreprise, beaucoup de projets échouent. Une raison majeure de ces échecs réside dans la réticence des collaborateurs à oser formuler certaines réserves en phase de planification. Imaginer le pire avant même le lancement du projet permet pourtant d’identifier et de corriger certaines faiblesses. C’est précisément la raison d’être du pre-mortem, un exercice d’équipe très salutaire afin de donner à votre projet toutes les chances de réussir.

Ce qu’il faut retenir:

      • En phase de planification d’un projet, un optimisme excessif favorise certains biais cognitifs qui vont nuire à la qualité de votre business plan ou plan d’action.
      • Il est utile de se prêter au jeu du « mental contrasting », c’est-à-dire envisager les obstacles qui pourraient se dresser sur le chemin du succès afin de pouvoir mieux les affronter.
      • Le pre-mortem est un exercice de groupe très efficace qui consiste à imaginer la mort de votre projet avant même son démarrage et à explorer les causes ayant pu conduire à cet échec imaginaire. Bien appliquée, cette méthode en 7 étapes ne demande pas plus de 30 minutes.
      • Le pre-mortem permet de mieux combattre l’excès de confiance des équipes que d’autres méthodes de critique et d’analyse des risques. Il contribue également à une culture de la franchise favorable à la réussite de vos projets.

Avez-vous l’ambition de créer votre société ou de démarrer un projet d’envergure au sein de votre entreprise? Alors vous connaissez certainement l’importance d’établir un business plan ou un plan d’action concret et solide. Objectif: dresser méthodiquement la liste de tous les éléments importants qui contribueront à assurer le succès de votre entreprise.

À l’instar d’un sportif de haut niveau, vous avez un plan pour atteindre votre objectif, un planning d’exécution précis et, surtout, il vous semble important de « mentaliser » votre succès futur. L’optimisme et la confiance en soi contribuent effectivement à l’atteinte d’un objectif, à condition de ne pas succomber à l’excès de confiance et d’enthousiasme!

Optimisme et confiance en soi contribuent à l’atteinte d’un objectif, à condition de ne pas succomber à l’excès de confiance et d’enthousiasme!

Business plan et biais cognitifs

Si vous êtes un lecteur régulier de myLIFE, vous savez que le cerveau humain est une fantastique machine à raconter des histoires. Nous aimons ainsi nous convaincre que la réalité est plus flatteuse pour nous ou moins anxiogène que ce qu’elle n’est véritablement. Nous nous créons souvent une réalité qui n’existe que dans notre tête. Cela peut venir parasiter l’exercice du business plan ou la rédaction d’un plan d’action.

Sous l’emprise d’un optimisme excessif, un individu peut facilement être victime du biais de confirmation. Un biais qui a comme conséquence pour le porteur de projet de ne rechercher que des informations qui confirment ses convictions, ignorant les éléments contraires à son opinion. Un excès d’optimisme ou de confiance peuvent aussi conduire à sous-estimer un budget, à surestimer des rentrées ou à mal juger le délai nécessaire à la réalisation du projet.

La majorité des créateurs d’entreprise et project managers savent qu’il est important de réaliser un benchmark pour mettre son plan d’action à l’épreuve de faits concrets afin d’en tester la solidité. L’idée est évidemment sensée, à condition de ne pas perdre de vue qu’un benchmark peut également être biaisé. Avez-vous déjà entendu parler du bais d’omission ? Il consiste à exclure, consciemment ou non, toutes les références qui ne vont pas dans notre sens. Cela se matérialise par le fait de ne retenir que les cases studies d’entreprises qui valident notre projet et à ne pas inclure, ni réellement analyser les causes d’autres projets similaires qui ont échoué.

Le biais d’omission peut également nous amener à la conviction qu’une niche inoccupée est forcément synonyme d’une belle opportunité commerciale, sans envisager un instant que l’absence de concurrence est peut-être tout simplement l’indice qu’il n’y a pas de marché.

Il faut se forcer à envisager le pire pour pouvoir identifier les moyens de mieux l’éviter.

Pre-mortem : s’astreindre au « mental constrasting »

Que faire pour éviter de succomber aux différents biais cognitifs évoqués au moment d’élaborer son business plan ou son plan d’action? Il faut se forcer à envisager le pire pour identifier les moyens de mieux l’éviter. Cela s’appelle se prêter au jeu du « mental contrasting » qui consiste à envisager les pires obstacles pouvant se dresser sur le chemin de votre succès afin de trouver ensuite le moyen de les affronter et de les vaincre avant même qu’ils ne surviennent. Se forcer à considérer une vue opposée permet de mitiger les effets de l’excès d’optimisme et de confiance.

Pour être efficace, cet exercice ne doit pas juste envisager les causes de l’échec, mais l’échec lui-même. Voyez cela comme un jeu de rôle où le point de départ de votre réflexion est une situation fictive où votre projet a échoué. Votre rôle consiste à identifier ce qui a conduit à cet échec. Cet exercice mental peut être réalisé en appliquant la méthode du pre-mortem.

Le pre-mortem a été créé par le psychologue Gary Klein et est aujourd’hui largement appliqué par de grandes entreprises cotées en Bourse et dans des programmes militaires notamment. Contrairement au post-mortem, il est un exercice d’anticipation et pas de constat. Dans un contexte médical, une étude post-mortem ou autopsie permet aux professionnels de la santé et à la famille de connaître les causes du décès d’un patient. Tout le monde en profite, sauf, bien sûr, le patient. Dans le contexte de la création d’entreprise ou de la réalisation de projet, l’idée du pre-mortem est d’agir au début d’un projet pour l’améliorer et en assurer la viabilité, plutôt que de pratiquer une autopsie lorsqu’il a échoué.

Le pre-mortem consiste à agir au début d’un projet pour l’améliorer et en assurer la viabilité, plutôt que de pratiquer son autopsie lorsqu’il a échoué.

Contrairement à une séance classique de critiques au cours de laquelle on demande aux membres de l’équipe ce qui pourrait aller de travers dans le projet, le pre-mortem part du principe que le « patient » est décédé. La tâche de l’équipe consiste à imaginer ce qui a mal fonctionné et pu conduire à l’échec.

Valoriser la remise en cause

Imaginer avant même son lancement que le projet a échoué et chercher à partir de là les causes de l’échec offre des avantages que d’autres méthodes d’analyse des risques n’offrent pas. Ainsi, la méthode du pre-mortem modifie sensiblement la dynamique de groupe et encourage la remise en question. Ici, celui qui critique est perçu comme celui qui aide à comprendre, pas comme celui qui empêche d’avancer.

Celui qui critique est ici perçu comme celui qui aide à comprendre, pas comme celui qui empêche d’avancer.

Dès lors, finie la peur de froisser son manager lorsque le chef de projet invite à la critique. Dans le pre-mortem, celui qui est capable d’identifier les causes du décès est au contraire valorisé. Les bons éléments sont ceux qui soulèvent de potentiels problème auxquels les autres n’avaient pas pensé.

Les résultats mesurés avec cette méthode sont tangibles. Ainsi, le pre-mortem aide les équipes à identifier les problèmes potentiels à un stade précoce et augmente d’environ 30% la capacité à identifier correctement les facteurs clés qui expliquent des résultats futurs. La recherche montre également que les pre-mortems réduisent l’excès de confiance des équipes bien plus que d’autres méthodes de critique et d’analyse des risques. Enfin, la méthode contribue à forger une culture de la franchise où les vérités inconfortables peuvent être dites sans répercussion et où les employés qui osent soulever des problèmes sont valorisés.

7 étapes en 30 minutes seulement

Un des nombreux avantages du pre-mortem réside dans le fait que l’exercice prend peu de temps. Bien réalisé, il ne demande pas plus de 20 à 30 minutes. Il suffit pour cela de suivre les sept étapes suivantes:

1. Se préparer. S’assurer que chaque membre de l’équipe dispose d’une connaissance détaillée du projet dont il va falloir imaginer l’échec.

2. Imaginer l’échec. Inviter chacun à entrer dans le jeu de rôle, annoncer que le projet est mort et se mettre en condition d’essayer de trouver ensemble les causes du décès.

3. Identifier les raisons majeures de l’échec. Chaque membre de l’équipe prend deux minutes pour écrire les raisons de l’échec selon lui. Chacun énumère ensuite à tour de rôle ce qu’il pense être les causes du décès. Les différentes causes sont reprises sur un tableau récapitulatif afin de pouvoir être discutées et précisées.

4. Consolider la liste avec le triple filtre « impact-réversibilité-probabilité ». Inviter chacun à examiner la liste des problèmes, puis prendre deux minutes supplémentaires pour identifier l’ampleur de chaque problème potentiel ainsi que les actions correctives possibles. Chaque membre évalue ensuite les problèmes en termes de probabilité, d’impact et de facilité de prévention.

5. Traiter les problèmes. Réfléchir aux moyens possibles pour réduire concrètement les probabilités de l’échec.

6. Revoir le plan initial. Reprendre le business plan ou plan d’action initial et l’adapter en fonction des problèmes identifiés et des actions correctives envisagées.

7. Effectuer une revue périodique. Revoir régulièrement le nouveau plan pour s’assurer que la liste des problèmes potentiels identifiés est bien à jour.

Afin que l’exercice réussisse, il est important de vous assurer que les membres de l’équipe osent évoquer des problèmes majeurs et n’omettent pas volontairement de parler de sujets qui fâchent. Afin de garder une dynamique intellectuelle stimulante au sein du groupe, assurez-vous de réaliser l’exercice selon le timing rapide suggéré. Enfin, assurez-vous que personne ne monopolise la parole… à commencer par vous-même. Le pre-mortem est un exercice de groupe dont l’efficacité réside dans l’intelligence collective d’identification et de résolution de problèmes. Au boulot !