Mes finances, mes projets, ma vie
23 novembre 2024

Investir dans l’immobilier alternatif

Les médias ont largement relayé les difficultés rencontrées par l’immobilier commercial ces dernières années. La vente en ligne connaît un véritable boom, qui ne cesse de miner les perspectives des boutiques physiques. Et la pandémie de Covid-19 n’arrange rien : destruction du modèle de travail traditionnel, graves dislocations sur le marché des bureaux (sans parler des commerces des centres-villes, pénalisés eux aussi) et bouleversement de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur industriel.

Mais si des obstacles se dressent pour certains, des opportunités se créent pour d’autres. L’essor du commerce électronique, par exemple, a fait pression sur le marché des espaces de vente, mais il a parallèlement stimulé la demande d’installations industrielles et d’entrepôts logistiques pour répondre aux exigences du modèle de livraison « juste à temps ».

L’évolution des pratiques de travail a fait naître un besoin d’espaces de bureaux flexibles, mais aussi d’installations de loisirs alternatives. Parallèlement, les tendances de long terme telles que le vieillissement de la population en Europe ont accéléré le développement de l’offre d’établissements de soins.

Il devient aujourd’hui plus facile d’investir dans les actifs immobiliers dits « alternatifs ». Le Luxembourg a créé de nouvelles structures d’investissement, à l’image du fonds d’investissement alternatif réservé (FIAR), qui est particulièrement bien adapté à l’investissement immobilier. Le nombre de nouveaux FIAR investissant dans l’immobilier est passé de 27 en 2018 à 63 en 2019.

Du point de vue de l’investissement, l’immobilier alternatif partage avec les actifs immobiliers traditionnels quelques caractéristiques communes. Ce type d’investissement entend offrir un revenu corrigé de l’inflation, une croissance du capital et certaines qualités défensives en période de turbulences sur les marchés, dès lors que les rendements ne sont que faiblement corrélés avec les marchés actions et obligataires. Ses adeptes vantent souvent ses vertus de diversification des portefeuilles.

Des différences existent cela dit au niveau du profil de revenu, de risque et de croissance à long terme, qui est fonction de la stratégie et des actifs visés. Et comme pour d’autres types d’investissement immobilier, le niveau de risque associé à l’immobilier alternatif peut ne pas convenir à de nombreux investisseurs particuliers.

Le logement multigénérationnel

Il est peut-être plus facile d’envisager les biens alternatifs sous l’angle des grandes mégatendances qui façonnent notre monde. Et de fait, il est clair que les bouleversements technologiques et démographiques actuels affecteront la demande sur le marché immobilier. La dépendance croissante vis-à-vis de la technologie, par exemple, a alimenté la demande en centres de données et infrastructures similaires. Il existe désormais des fonds spécialisés dans l’immobilier axé sur le secteur des données, qui investissent notamment dans des entreprises actives dans les infrastructures sans fil ou les tours de télécommunications.

Les changements démographiques modifient également la demande pour certains types de biens. L’augmentation du nombre de maisons de retraite et de soins est l’une des réponses apportées au vieillissement de la population, mais il y en a d’autres : alors que les enfants vivent plus longtemps à la maison et que les adultes tendent de plus en plus à héberger leurs parents âgés, le logement multigénérationnel est en plein boom.

Si les Millennials semblent moins séduits par l’idée de devenir propriétaires, ils sont en revanche plus demandeurs de biens en location. Pour s’adapter à l’évolution des modes de vie, les promoteurs immobiliers doivent revoir la conception de l’habitation familiale.

D’autres changements sont induits par les politiques gouvernementales. Au Royaume-Uni par exemple, les étudiants paient plus cher leurs études universitaires, et leurs attentes en matière de logement sont donc de plus en plus élevées. La mobilité internationale de la population étudiante s’est accrue. Sur les cinq dernières années, le nombre de jeunes qui étudient en dehors de leur pays d’origine a augmenté de 23 %.

De la logistique aux énergies renouvelables

L’OCDE prévoit que cette population étudiante mondiale très mobile passera de 5 millions en 2019 à 8 millions en 2025. Ces étudiants souhaitent en priorité bénéficier d’un bon accès à Internet, d’installations sportives et de possibilités de restauration, et la demande est forte pour les promoteurs immobiliers qui peuvent répondre à ces besoins à un coût raisonnable.

Un nombre croissant de sociétés d’investissement spécialisées se concentrent désormais sur la logistique européenne, et notamment l’entreposage destiné à accélérer les délais de livraison pour le commerce électronique, qui connaît un nouvel élan. Selon les estimations, le marché pèserait aujourd’hui 717 milliards EUR, autour de 17 % seulement de l’ensemble des ventes au détail, ce qui laisse une grande marge de progression. Les consommateurs attendent un service fiable et des délais de livraison plus courts, ce qui booste la demande d’entrepôts en périphérie des villes et à proximité des réseaux de transport.

Les mesures de relance budgétaire adoptées dans toute l’Europe en réponse à la pandémie de Covid-19 pourraient également réorienter les capitaux vers d’autres secteurs du marché immobilier.

Les mesures de relance budgétaire adoptées dans toute l’Europe en réponse à la pandémie de Covid-19 pourraient également réorienter les capitaux vers d’autres secteurs du marché immobilier. Les infrastructures de soins de santé passeront vraisemblablement en tête des priorités des décideurs politiques, la pandémie ayant mis au jour la fragilité de certains aspects de l’offre de soins.

La promotion immobilière devrait opérer un virage vert, en privilégiant dorénavant l’utilisation des énergies renouvelables et les pratiques de construction durables, ce qui promet de créer de nouvelles opportunités pour les investisseurs. Des fonds sont aujourd’hui spécifiquement conçus pour investir dans des parcs éoliens et d’autres infrastructures d’énergie renouvelable qui, bien que différents, partagent avec les actifs immobiliers traditionnels de nombreuses caractéristiques du point de vue de l’investissement.

Un bon équilibre entre risque et rendement

Le caractère sûr ou non des actifs immobiliers alternatifs dépend de la fiabilité de l’utilisateur final qui paie le loyer. Dans certains cas, il s’agit d’un consommateur (un étudiant qui recherche un logement universitaire, une personne âgée en demande de soins). L’investisseur devra évaluer la probabilité que ces utilisateurs ne puissent un jour pas honorer leurs obligations de paiement et la facilité avec laquelle de nouveaux occupants pourront être trouvés le cas échéant. Pour les logements d’étudiants, la demande devrait rester soutenue, même si les abandons sont une réalité. Le taux d’occupation des établissements de soins est lui relativement prévisible.

Les biens immobiliers industriels et commerciaux s’adressent pour leur part davantage aux entreprises. Ici, les investisseurs devront s’assurer que la base de locataires est suffisamment diversifiée, et qu’elle ne se limite pas à un ou deux occupants. Ils devront également évaluer la capacité de résilience des entreprises et des secteurs dans lesquels elles opèrent (un cabinet médical sera vraisemblablement moins sensible aux aléas économiques qu’une boutique de prêt-à-porter).

Il peut s’avérer judicieux de s’exposer à un risque plus élevé en ciblant un créneau d’investissement spécifique offrant un meilleur revenu. Les biens pour lesquels il existe un risque de développement offrent généralement un revenu plus élevé que ceux déjà occupés par des locataires qui versent un loyer régulier. Là encore, le jeu peut en valoir la chandelle dans le cadre d’un portefeuille diversifié, en fonction de l’appétit pour le risque de l’investisseur.

L’immobilier alternatif peut être un bon moyen d’obtenir une exposition à des secteurs à forte croissance sans pour autant s’exposer à un risque accru par rapport à d’autres types d’actifs immobiliers, même si les caractéristiques qui y sont associées (investissement via des fonds de type fermé, horizon d’investissement à long terme et illiquidité des actifs) en font un investissement qui n’est pas à la portée de tous.

Le risque de défaut est bien réel, mais les investisseurs doivent garder à l’esprit que les actifs corporels sont les plus à même d’offrir un revenu corrigé de l’inflation. Face à des rendements obligataires qui ne devraient pas décoller de sitôt et des dividendes semble-t-il moins fiables que par le passé, les investisseurs dotés d’un solide appétit pour le risque et d’un niveau d’expertise élevé peuvent se tourner vers l’immobilier alternatif pour diversifier les sources de revenu et la croissance du capital au sein de leurs portefeuilles.

Il est peut-être plus facile d’envisager les biens alternatifs sous l’angle des grandes mégatendances qui façonnent notre monde. Et de fait, il est clair que les bouleversements technologiques et démographiques actuels affecteront la demande sur le marché immobilier.