Énergie: comprendre les freins au changement en entreprise
Entre la prise de conscience liée aux enjeux climatiques et une facture énergétique qui a explosé, beaucoup d’entreprises se sont attelées à définir une politique d’économie en la matière. Hélas, entre les bonnes intentions affichées dans un document et les résultats mesurés au quotidien, le fossé est parfois important. La raison? Il existe de nombreuses barrières à identifier et de levier à actionner pour réussir à modifier collectivement les habitudes de vos collaborateurs. Explications.
Ce qu’il faut retenir
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Réduire la consommation d’énergie sur le lieu de travail n’est pas toujours aussi simple que de penser à éteindre son ordinateur et ses écrans en partant du travail. Il est alors nécessaire de définir une politique d’économie d’énergie pour l’ensemble des collaborateurs. Malheureusement, rédiger un document exhaustif ou faire circuler une belle présentation vantant les vertus de comportement plus responsables ne se traduit pas systématiquement en actes.
Prendre la mesure du défi
Réduire la consommation énergétique et l’empreinte environnementale d’une entreprise est une opération plus complexe qu’il n’y paraît. La réussite du projet dépend de nombreuses variables et requiert le concours de tous les collaborateurs. S’imaginer que la justice et l’urgence de la cause va suffire à modifier les comportements est pour le moins optimiste. Certes, nous avons tous le souhait de contribuer à sauver la planète, mais cela ne garantit nullement que nous sommes prêts à modifier nos habitudes pour autant. C’est le fameux fossé entre intentions (valeurs) et actions.
Le fossé entre l’intention et l’action résulte de l’interférence de biais comportementaux qui empêchent nos valeurs, attitudes ou intentions de se traduire en actions.
Ce fossé entre l’intention et l’action résulte de l’interférence de biais comportementaux qui empêchent nos valeurs, attitudes ou intentions de se traduire en actions. Typiquement, il s’agira de biais comportementaux qui nous poussent à préférer la gratification immédiate. On peut par exemple avoir conscience de l’utilité de baisser la température dans son bureau, sans pour autant vouloir le faire car on a froid et qu’il est plus confortable de monter le thermostat que de s’habiller plus chaudement.
L’existence du fossé entre intention et action est une réalité encore plus complexe lorsqu’on se place dans un environnement collectif comme le cadre du lieu de travail. En effet, dans un contexte professionnel, les employés:
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- ne supportent pas directement le coût de l’énergie qu’ils utilisent au bureau;
- s’interrogent sur l’impact de leurs actions individuelles puisqu’ils partagent les locaux et équipements avec de nombreux collègues;
- sont influencés par la dynamique de groupe;
- doivent poursuivre des objectifs qui entrent parfois en conflit avec la volonté de réduction énergétique (p.ex. adopter une conduite plus responsable versus raccourcir les délais de livraison);
- peuvent avoir un rapport à leur travail tel qu’ils ne se sentent pas du tout concernés par la politique que l’entreprise souhaite mettre en place.
Dans ce contexte, savoir reconnaître les attitudes et dynamiques collectives est essentiel pour identifier et lever les freins à l’adoption de la politique énergétique de l’entreprise.
Mieux connaître les attitudes de ses employés
En tant qu’employeur, il serait contre-productif et culpabilisant, voire discriminant, de chercher à identifier les individus ou groupes socio-démographiques responsables de l’échec de votre politique d’économies d’énergie. C’est d’autant plus vrai que certains clichés sont sans fondement, comme cette idée que les employés avec de l’ancienneté se sentiraient moins concernés par la réduction énergétique que les jeunes recrues. À ce jour, les études disponibles n’ont pas mis en évidence de critères déterminant en ce sens.
En revanche les chercheurs Zierler, Wehrmeyer et Murphy sont parvenus à identifier des individus «problématiques» que l’on peut regrouper sur une base comportementale. Voici, à grands traits, les portraits robots de ces groupes comportementaux que vous allez certainement rencontrer lorsque vous devrez mettre en place votre nouvelle politique énergétique.
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- Les technologico-sceptiques sont particulièrement difficiles à impliquer dans votre politique énergétique. Les individus qui composent ce groupe ne se sentent ni capables, ni désireux d’économiser l’énergie et ils ne voient pas où se trouve leur propre intérêt à participer.
- Les sensibilisés aux questions énergétiques. Ce groupe identifie les individus les plus sensibilisés aux campagnes d’efficacité énergétique et ceux qui pensent que les actions en matière d’économies d’énergie sont faciles à appliquer pour eux. Attention, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont forcément l’intention de passer à l’action en entreprise.
- Le groupe des «idéalistes». Dans ce groupe, les individus ont une véritable intention d’économiser l’énergie et pourraient activement soutenir les mesures d’efficacité énergétique. Ils idéalisent tellement la cause, qu’ils peuvent toutefois être freinés par le sentiment que les mesures proposées sont trop légères et que leur impact sera trop minime pour justifier de consentir des efforts personnels.
- Les «sensibles aux barrières organisationnelles». Ce groupe rassemble des individus qui auraient une certaine facilité à appliquer des mesures d’économies d’énergie sur le plan personnel, mais qui n’ont pas l’intention de le faire au niveau organisationnel. Les individus de ce groupe peuvent en effet percevoir des conflits de valeurs entre les objectifs souhaités par l’entreprise et leurs intérêts personnels.
- Les «sceptiques». Ce groupe possède les capacités à mettre en place votre politique énergétique, mais il n’est pas forcément prêt à le faire car il doute que ces mesures soient réellement dans les intérêts de l’entreprise. Ils reconnaissent éventuellement les avantages de ces mesures, mais estiment que d’autres intérêts plus fondamentaux justifient de ne pas les appliquer.
Ces différentes typologies comportementales induisent une dynamique globale complexe qui explique en grande partie la résistance au changement. Être capable d’identifier ces groupes et, pour chacun, les causes précises du fossé entre intentions et actions peut déjà permettre de comprendre pourquoi cela coince.
Le succès n’est possible que s’il se construit avec ceux dont on souhaite changer le comportement et non pas contre eux.
À partir de là, il devient possible de se rapprocher de ses employés pour lever ensemble les barrières comportementales avant même de penser à imposer des actions concrètes pour diminuer la consommation énergétique. En effet, le succès n’est possible que s’il se construit avec ceux dont on souhaite changer le comportement et non pas contre eux. Cela s’opère en trois temps.
Approcher le changement en trois temps: capacité, opportunité et motivation
Saviez-vous qu’il faut environ trois semaines pour qu’une personne intègre un changement de comportement. Obtenir l’adhésion de vos collaborateurs nécessite de faire preuve de patience. Pour que le changement comportemental soit durable, il faut passer par plusieurs étapes selon un modèle précis qui s’est imposé comme une référence. Élaboré par les chercheurs Michie et ses collègues, ce modèle met en évidence trois éléments à considérer pour induire un changement de comportement: la capacité de changer de comportement, l’opportunité offerte aux employés de changer de comportement et la capacité à induire la motivation pour susciter le changement.
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- La capacité est le fait de posséder les compétences physiques, les connaissances adéquates et les informations nécessaires sur la manière d’adopter le comportement. Par exemple, comment recycler correctement, comment éteindre un équipement.
- L’opportunité signifie disposer des bonnes ressources (temps, argent, espace) pour pouvoir changer. Cela comprend aussi la dimension sociale, c’est-à-dire le fait d’être entouré des bonnes personnes pour pouvoir changer.
- La motivation consiste à davantage vouloir adopter le comportement au moment opportun plutôt qu’à persister avec ses anciennes habitudes. Par exemple, être plus motivé à enfiler un pull et baisser le chauffage plutôt que ne rien faire.
Ces trois étapes sont indispensables pour parvenir à résorber et éliminer l’écart entre les intentions affichées et les actions effectivement posées. Pour l’employeur, c’est ici que son rôle de facilitateur de changement de comportement entre en jeu. Utilisez ce cadre pour analyser, à chaque étape, les freins à l’adoption de votre politique d’énergie dans l’entreprise. Rappelez-vous qu’un changement se fait uniquement en collaboration avec vos employés et non contre eux. C’est un jeu comportemental collectif auquel il faut apprendre à jouer avant même d’envisager la mise en place d’actions concrètes pour réaliser des économies d’énergie.
Maintenant que vous disposez du cadre théorique, vous souhaitez sans doute identifier des pistes plus pour lever les barrières aux changements? Pour cela, découvrez le contenu «Énergie: lever les freins au changement en entreprise».