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16 septembre 2024

Entrepreneurs, pensez à l’arbitrage pour résoudre vos litiges

Vous êtes en conflit avec une entreprise ou un fournisseur avec qui vous travaillez. Avez-vous pensé à l’arbitrage pour tenter de résoudre la situation? Il s’agit d’une alternative pour vous éviter une procédure judiciaire classique devant les tribunaux. Voici comment cela fonctionne.

Elisa est commerçante au Luxembourg. Depuis plusieurs mois, elle est en conflit avec son fournisseur allemand qui a un retard de paiement sur plusieurs factures. La Luxembourgeoise aimerait trouver une issue rapidement, en toute discrétion et sans avoir à lancer une action en justice qui risque d’être interminable et pesante. Dans sa situation, faire appel à l’arbitrage pourrait être une solution efficace. De quoi s’agit-il et comment doit-elle s’y prendre?

Qu’est-ce que l’arbitrage?

L’arbitrage est une méthode alternative aux procédures judiciaires classiques pour la résolution des litiges. Les parties en conflit choisissent, d’un commun accord, un ou trois arbitres indépendants et impartiaux. Ces derniers constituent un tribunal arbitral chargé de régler le différend. Au terme de la procédure, une décision définitive, appelée «sentence», est rendue par les arbitres.

Il existe deux types d’arbitrage:

    • L’arbitrage institutionnel: administré par une institution d’arbitrage qui veille au bon déroulement de la procédure, selon un règlement d’arbitrage prédéfini, comme le Luxembourg Arbitration Center de la Chambre de Commerce.
    • L’arbitrage ad hoc: géré par les parties en cause, sans l’assistance d’une institution.

L’arbitrage peut être considéré comme une justice parallèle, privée et complémentaire à la justice étatique. Il permet de résoudre une situation conflictuelle sans passer par les tribunaux classiques.

Le Luxembourg Arbitration Center (LAC)

Créé en 1987 par la Chambre de Commerce du Luxembourg, le Luxembourg Arbitration Center (LAC) est chargé de l’organisation et du suivi des procédures d’arbitrage institutionnel. Il possède son propre règlement d’arbitrage, modernisé en 2020.

Le LAC propose, sous conditions, une procédure simplifiée pour régler, par exemple, les litiges dont le montant n’excède pas un million d’euros. Il donne aussi accès à une procédure d’urgence, avec une décision pouvant être rendue dans les 15 jours. C’est notamment le cas lorsque la situation nécessite d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires, ne pouvant pas attendre la constitution du tribunal arbitral.

Attention: l’arbitrage n’est possible que si toutes les parties ont donné leur accord. Cela peut se faire soit:

    • avant la naissance du litige (afin d’anticiper les éventuels conflits), en insérant une clause d’arbitrage, la « clause compromissoire », dans le contrat d’affaires ou dans une convention;
    • après la survenue du litige, en signant un accord appelé le « compromis d’arbitrage ».

Ce système de résolution des litiges est particulièrement indiqué lorsque le conflit présente un aspect international, qu’il met en jeu des montants importants ou lorsqu’il demande des connaissances techniques spécifiques.

Dans quelles situations peut-on faire appel à l’arbitrage?

L’arbitrage est particulièrement adapté aux litiges entre professionnels (entreprises, fournisseurs, prestataires, etc.) qui nécessitent une solution rapide ou une certaine confidentialité. Le recours à l’arbitrage est interdit dans les litiges entre professionnels et consommateurs, entre employeur et salarié ou en matière de bail à usage d’habitation. Elisa ne pourrait donc pas y faire appel si elle était en conflit avec un client ou avec l’un de ses salariés.

Les différends traités sont généralement liés à des opérations commerciales, civiles ou financières. Cela peut porter, par exemple, sur le paiement d’une facture, la date de livraison d’une marchandise, la conformité d’un produit, la qualité d’un service, le remboursement d’un prêt, etc. Aussi, pour anticiper les éventuels litiges, les contrats de vente, de services, les pactes d’actionnaires ou encore les statuts d’une société peuvent, par exemple, inclure une clause d’arbitrage.

Ce système de résolution des litiges est également particulièrement indiqué lorsque le conflit présente un aspect international, qu’il met en jeu des montants importants ou lorsqu’il demande des connaissances techniques spécifiques.

Ne pas confondre arbitrage et médiation

Arbitrage et médiation sont deux choses bien différentes. Dans le cadre d’un arbitrage, le litige est soumis à un tribunal arbitral composé d’un ou de plusieurs arbitres qui vont se prononcer sur le différend et rendre une sentence définitive. La médiation, quant à elle, consiste à réunir les parties en conflit pour qu’elles puissent échanger et trouver une solution ensemble. Le médiateur va les aider dans leur démarche, mais ne pourra pas imposer de solution, au contraire d’un arbitre qui rendra une décision assimilable à une décision de justice.

Quels sont les avantages et les inconvénients de l’arbitrage?

En comparaison avec une procédure judiciaire classique, souvent longue et coûteuse en raison des multiples voies de recours possibles, l’arbitrage offre plusieurs avantages.

    • La procédure est flexible: les parties peuvent déterminer d’un commun accord le lieu de l’arbitrage, le droit applicable à leur affaire, convenir des règles de la procédure ou encore choisir la langue dans laquelle vont se dérouler les échanges. Elisa et son fournisseur peuvent ainsi décider de traiter les dossiers de la procédure en allemand, par exemple, à la place du français.
    • Les arbitres sont des professionnels: il peut y avoir un seul arbitre ou trois. Dans ce cas, chaque partie en nomme un et ces deux arbitres en sélectionnent ensuite un troisième. Ils constituent alors le tribunal arbitral. Les arbitres peuvent être des juristes, des avocats, mais aussi des personnes choisies pour leurs compétences techniques ou leur expertise dans le domaine jugé. Le tribunal arbitral peut être désigné par les parties ou par l’institution d’arbitrage.
    • Les coûts sont transparents: pour les arbitrages institutionnels, les frais d’arbitrage sont généralement connus dès le début de la procédure. Ils comprennent les honoraires et les frais des arbitres, des avocats, les frais des éventuels pour les experts et témoins, ainsi que les coûts administratifs du LAC (le cas échéant).
    • La démarche est confidentielle: les audiences ne sont pas publiques et les sentences arbitrales ne sont pas publiées afin de préserver le secret des affaires et la confidentialité de la procédure.
    • La procédure est rapide: un délai maximal est en principe imposé au tribunal arbitral pour rendre sa décision. À titre d’illustration, dans le cadre d’un arbitrage devant le LAC, la procédure simplifiée a une durée d’environ 6 mois et la sentence peut être rendue en 15 jours avec la procédure d’urgence.
    • La décision est définitive: il n’y a pas de procédure d’appel et les voies de recours à l’encontre d’une sentence arbitrale sont limitées. De plus, la sentence est exécutable à l’échelle internationale grâce à la Convention de New York du 10 juin 1958. Cette dernière permet la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales rendues à l’étranger dans plus de 170 pays du monde.

Bon à savoir: si la partie perdante refuse d’exécuter la sentence, il est possible de s’adresser à un juge étatique pour qu’il délivre une «ordonnance d’exequatur» obligeant la partie perdante à l’exécuter.

Le tribunal arbitral peut décider de condamner la partie perdante à prendre en charge l’intégralité des frais de l’arbitrage, dont ceux de la partie adverse.

Malgré les possibilités offertes, l’arbitrage présente aussi des limites.

    • Tous les conflits ne peuvent pas être soumis à l’arbitrage: c’est notamment le cas des affaires liées au droit de la consommation, au droit pénal, au droit du travail ou encore celles liées au bail d’habitation.
    • Les appels et voies de recours sont limités: seul le recours en annulation est possible et uniquement dans les situations déterminées par la loi (par exemple, lorsque le tribunal arbitral a été constitué de manière irrégulière, lorsqu’il est déclaré incompétent, etc.)
    • La jurisprudence est rare.
    • Certaines décisions ne peuvent pas être prises par le tribunal arbitral: le tribunal arbitral ne peut pas prononcer de saisines ou de nantissement.
    • Les frais doivent être avancés: les coûts administratifs et les honoraires des arbitres doivent être versés dès le début de la procédure.

Bon à savoir: le tribunal arbitral peut décider de condamner la partie perdante à prendre en charge l’intégralité des frais de l’arbitrage, dont ceux de la partie adverse.

Réforme de l’arbitrage au Luxembourg

Le Grand-Duché a modernisé son droit en adoptant une nouvelle loi (loi du 19 avril 2023), visant à moderniser le régime de l’arbitrage au Luxembourg. Cette nouvelle mouture met en avant la flexibilité, la confidentialité et la rapidité de traitement de l’arbitrage. Elle prévoit notamment l’institution d’un juge d’appui dans certaines conditions spécifiques. Cette loi redéfinit ainsi ses bases juridiques afin que l’arbitrage soit reconnu dans le monde des affaires et qu’il soit conforme aux standards internationaux.

L’alternative de l’arbitrage semble être une option intéressante pour résoudre le litige d’Elisa. Elle décide de se rapprocher du LAC et de se renseigner sur la manière de procéder pour mettre en place un compromis d‘arbitrage avec son fournisseur. Elle envisage également de revoir ses futurs contrats afin d’y insérer une clause compromissoire et, ainsi, anticiper la survenue d’éventuels conflits.

Plus d’informations sur le Guide pratique de l’arbitrage et auprès de la Chambre de Commerce.