Intelligence artificielle: une nouvelle ère pour la gestion d’investissement
L’intelligence artificielle est désormais capable de rédiger vos articles ou vos communiqués de presse, de diagnostiquer vos maladies, de commander vos courses ou même de conduire votre voiture. Elle est également de plus en plus employée pour gérer vos investissements, que ce soit pour la sélection des entreprises dans lesquelles investir ou pour la collecte de données sur les entreprises visant à éclairer la prise de décision. L’IA peut également s’avérer précieuse dans la gestion des risques, ce qui signifie que les gestionnaires financiers qui comptent désormais exclusivement sur l’intelligence humaine risquent d’être mis hors jeu.
L’augmentation de la puissance de calcul permet de collecter et d’interroger des quantités de données beaucoup plus importantes. De nombreux secteurs ont trouvé des applications au traitement et à l’analyse des informations générés par l’IA, et la gestion des investissements ne fait pas exception à la règle.
Le secteur financier teste déjà l’utilisation de l’IA dans le cadre de la sélection des titres. Une expérience menée début 2023 par le site de comparaison financière finder.com révèle qu’un panier d’actions sélectionnées par le ChatGPT d’OpenAI a surperformé certains des plus grands fonds d’actions britanniques. Entre le 6 mars et le 28 avril, un portefeuille fictif composé de 38 titres a signé une progression de 4,9%, tandis que les 10 fonds britanniques les plus populaires sur la plateforme de négociation Interactive Investor ont enregistré une perte moyenne de 0,8%.
Il est évident que l’expérience s’est heurtée à plusieurs limites. Elle s’est déroulée sur une période relativement courte: ChatGPT a eu tendance à se tourner vers les actions les plus importantes et l’expérience a coïncidé avec une période de meilleure performance relative pour les actions à grande capitalisation. On peut également se demander si un portefeuille généré par l’IA offrirait une diversification suffisante. Toutefois, l’expérience a montré que moyennant quelques ajustements, l’IA pourrait jouer un rôle appréciable dans la sélection des actions et la construction des portefeuilles.
Certaines entreprises spécialisées émergent déjà, utilisant des technologies propriétaires et des techniques d’apprentissage automatique pour analyser des milliers de points de données et créer des portefeuilles conformes aux objectifs d’investissement et à la tolérance au risque d’un investisseur.
Les gestionnaires d’investissement s’aident de plus en plus des applications d’IA pour prendre de meilleures décisions et étudier les entreprises de manière plus approfondie, que ce soit en utilisant l’analyse des big data pour obtenir une meilleure compréhension des modèles de vente en temps réel ou en examinant les médias sociaux pour évaluer les principaux risques.
Comprendre les entreprises
Les gestionnaires d’investissement reconnaissent la menace et s’aident de plus en plus des applications d’IA pour prendre de meilleures décisions et étudier les entreprises de manière plus approfondie, que ce soit en utilisant l’analyse des big data pour obtenir une meilleure compréhension des modèles de vente d’une entreprise en temps réel ou en examinant les médias sociaux pour évaluer les principaux risques.
En 2018, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde a par exemple implanté à Palo Alto, dans la Silicon Valley, en Californie, le « BlackRock Lab for Artificial Intelligence », afin de mettre au point une méthode visant à collecter et exploiter efficacement d’importants volumes de données (« big data »), et ainsi offrir des rendements plus élevés à ses clients. Schroders, Goldman Sachs et BNY Mellon poursuivent eux aussi d’importants programmes explorant les utilisations de la technologie.
Pour Schroders, l’objectif en matière d’utilisation de l’IA n’est pas de construire des modèles et des algorithmes pour effectuer des transactions: « Nous utilisons nos ensembles de données et nos techniques d’IA pour améliorer les points de vue de nos investisseurs afin qu’ils puissent prendre de meilleures décisions d’investissement. Plutôt que d’utiliser l’IA pour remplacer les personnes, nous l’utilisons pour fournir un avantage en termes d’information dans les décisions d’investissement. »
« (…) Plutôt que d’utiliser l’IA pour remplacer les personnes, nous l’utilisons pour fournir un avantage en termes d’information dans les décisions d’investissement » (Schroeders)
Cette fonction est devenue de plus en plus utile pour les gestionnaires d’investissement au fur et à mesure du développement des capacités de l’IA. Auparavant, les ordinateurs ne pouvaient analyser que des données structurées présentées d’une manière spécifique. L’IA est aujourd’hui capable d’analyser des données non structurées telles que des courriels, des textos ou des enregistrements vocaux, ce qui permet d’interpréter des informations provenant d’un éventail beaucoup plus large de sources, y compris des contenus audio et vidéo.
Pour Goldman Sachs, « l’accès à de nouveaux types de données, ainsi que la capacité de saisir et de traiter rapidement ces données, [nous] ont donné de nouveaux moyens d’appréhender les thèmes d’investissement tels que la dynamique conjoncturelle, la valeur, la rentabilité et le sentiment ».
L’IA procure-t-elle un avantage?
Les investisseurs devraient-ils orienter le choix d’un gestionnaire d’investissement sur la recherche d’entreprises dotées de fonctionnalités d’IA? Les données attestant de l’efficacité de l’IA dans l’optimisation de la performance des gestionnaires de fonds se font rares, notamment en raison de la rapidité des progrès technologiques.
Un rapport de Cerulli Associates publié en 2020 a révélé que les gestionnaires de hedge funds qui exploitent les capacités de l’IA bénéficient d’un avantage concurrentiel par rapport à leurs rivaux, avec un rendement de 34% sur les trois années précédant mai 2020, contre 12% pour l’ensemble du secteur mondial des hedge funds. Cependant, les données ultérieures ont offert des résultats beaucoup moins concluants, de nombreuses stratégies basées sur l’IA ayant du mal à s’imposer sur les marchés boursiers et obligataires turbulents entre 2020 et 2023.
Comme pour toute analyse, la qualité des informations à glaner dépend des données utilisées dans le modèle. Les données qui présentent des lacunes importantes risquent d’être trompeuses et de nuire à la prise de décision en matière d’investissement au lieu de l’améliorer. Pour que l’analyse tienne la route, les données doivent être précises et cohérentes.
Toutefois, il est également vrai que les gestionnaires d’investissement qui ne parviennent pas à exploiter ces technologies risquent d’être mis hors jeu. Le volume de données continue d’exploser; Statistica prévoit qu’il doublera entre 2022 et 2025 pour atteindre 181 zettaoctets (un zettaoctet est égal à un trillion de gigaoctets). À titre de comparaison, en 2010, le volume de données ne dépassait pas deux zettaoctets.
Avec la généralisation des données, les groupes de gestion des investissements qui ne misent plus que sur l’expertise humaine risquent d’être confrontés à des difficultés. Luke Ellis, CEO du gestionnaire de hedge funds britannique Man Group, est convaincu qu’il pourrait être fatal pour les sociétés de gestion de fonds de ne pas adopter d’approches quantitatives fondées sur le big data: « Si vous ne traitez pas les données avec respect, vous allez droit dans le mur ».
Coopération avec les spécialistes des données
La solution consiste à faire en sorte que les gérants de portefeuille et les spécialistes des données travaillent main dans la main. Il revient aux équipes d’investissement d’identifier les domaines sur lesquels les spécialistes des données doivent concentrer leurs recherches. Schroders soutient qu’en l’absence de communication entre les deux groupes, les spécialistes des données ne posent pas nécessairement les bonnes questions et certains aspects technologiques échappent aux gérants de portefeuille.
Une science des données efficace se doit de faire naître des idées inédites.
Une science des données efficace se doit de faire naître des idées inédites. Plus la quantité d’informations pertinentes sur une entreprise ou un investissement est grande, plus il est possible de multiplier les approches dans le cadre de son analyse.
L’intelligence artificielle représente-t-elle une nouvelle ère pour la gestion d’investissement? Il s’agit en tout cas d’une évolution importante. Les sociétés trouvant la juste synthèse de compétences en matière de sciences des données et de gestion de portefeuille pourraient s’octroyer un avantage considérable. Dans le pire des cas, toutefois, les équipes de direction pourraient devenir esclaves des données et tendances passées au lieu d’analyser les activités des entreprises sur le moment présent. Humains et robots sont davantage interdépendants qu’on ne le croit.