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26 avril 2024

ISR : investir en pleine conscience

  Olivier Goemans myINVEST 23 février 2021 3236

La route qui conduit à l’atteinte d’objectifs durables et responsables n’est jamais une ligne parfaitement droite, et elle peut emprunter de multiples détours. Il s’agit d’un périple complexe, jalonné d’obstacles et de pièges. Un voyage qui offre par ailleurs différents choix. Chaque individu fixe ses priorités, comme autant de pièces du puzzle de son identité et de ses aspirations. Il existe une liste infinie de considérations personnelles à traiter en pleine conscience.

Je suis un fervent défenseur des considérations durables et des actions qui en découlent. Si je fais mon possible pour rester animé par un état d’esprit résolument optimiste, je suis aussi régulièrement rappelé à la réalité par la complexité intrinsèque à toute chose, par mes limites personnelles et par mes biais cognitifs. Et avouons-le, les critiques valables ne manquent pas, y compris sur l’investissement socialement responsable (ISR).

Quand celles-ci envahissent mon esprit, qu’elles proviennent de ma petite voix intérieure ou de mon entourage, je m’en remets simplement à mon identité et à mon optimisme à toute épreuve, ainsi qu’à la célèbre maxime empruntée à Theodore Roosevelt : « il n’y a point d’effort sans erreur et échec ».

« Il n’y a point d’effort sans erreur et échec » (Theodore Roosevelt)

« Dans tout risque valant la peine d’être pris, il y aura de la souffrance et il y aura des pertes ». L’affirmation vaut aussi bien dans la vie de tous les jours que dans l’univers de l’investissement. Si l’économie est une science humaine et si l’investissement inclut des considérations comportementales importantes, il est évident que l’investissement durable n’est pas la panacée.

Comme l’affirme David Attenborough : « Nous nous trouvons à un tournant de notre histoire. Jamais auparavant nous n’avons eu autant conscience de ce que nous infligeons à la planète et jamais auparavant nous n’avons eu le pouvoir d’y remédier ». Nous avons également le pouvoir extraordinaire de relever le plus grand des défis. La façon dont nous utilisons notre argent est l’un des outils à notre disposition.

Cependant, l’investissement durable n’est certainement pas une solution universelle permettant de traverser les hauts et les bas des marchés financiers. Investir selon des valeurs qui vous transcendent, cela signifie simplement qu’au-delà des rendements financiers escomptés, l’investisseur entend retirer de la fierté de la façon dont son capital est investi. Cela ne suppose pas des rendements meilleurs ou pires, ni un parcours plus paisible ou plus turbulent.

La pleine conscience est une qualité que tout être humain possède de manière innée. Ce n’est pas quelque chose que l’on invoque, il suffit juste d’apprendre à y accéder.

Tout investisseur devrait comprendre que l’incertitude est une réalité. Tout le reste n’est que littérature. Une fois qu’ils ont compris cela, les investisseurs ont franchi le premier pas sur la voie de l’investissement en pleine conscience. Partant de cette hypothèse, et si le succès des investissements exige de comprendre où se situe la prise de risque, l’évaluation des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) constitue une étape supplémentaire dans l’expérience de la pleine conscience1. La pleine conscience est une qualité que tout être humain possède de manière innée, ce n’est pas quelque chose que l’on invoque, il suffit juste d’apprendre à y accéder.

Saviez-vous, par exemple, que même le prestigieux CFA Institute2 a publié un guide à l’intention des professionnels des services financiers sur la pleine conscience éthique ? C’est la preuve que les investisseurs sont mieux armés en matière de métacognition (la conscience de la conscience elle-même) et de contrôle descendant (choisir comment et quoi penser). Les deux concepts parlent d’eux-mêmes pour éviter les préjugés, les préférences et les partis pris. Une belle réponse aux bouleversements fondamentaux auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne l’état de dégradation de notre environnement.

S’il est évident que l’intégration des considérations ESG dans les décisions d’investissement contribue à obtenir un meilleur rendement ajusté du risque, cela ne veut pas dire qu’il faille l’envisager comme apportant des résultats positifs au jour le jour. Il est possible que certains jours, certaines semaines ou même certaines années soient défavorables.

Cependant, c’est la qualité des données qui fait d’ordinaire obstacle à l’intégration des facteurs ESG. Comme l’affirme Peter Drucker, « ce qui ne peut être mesuré ne peut être géré ». Dans le monde de l’investissement durable, les notations ESG ne sont par nature ni précises, ni homogènes. L’interprétation des notations est essentielle pour les investisseurs désireux d’intégrer des facteurs ESG à leur processus d’investissement. Les fournisseurs de notation ont tous des biais et des méthodologies différents. Une entreprise peut se voir attribuer une bonne note ESG d’un fournisseur et une mauvaise note ESG d’un autre. En fin de compte, à l’heure actuelle, l’absence de normes de déclaration de la part des entreprises et d’une méthode universelle de la part des fournisseurs de données créent une ambiguïté dans les résultats. Noter une entreprise sur la base d’indicateurs ESG est un processus intrinsèquement subjectif.

Pour éviter les informations trompeuses, la seule solution consiste à comprendre les méthodologies intégrées et en connaître les points forts et les points faibles. Pour les gestionnaires financiers, cela signifie utiliser les données ESG en tant qu’outil de recherche ; pour les clients, c’est aller au-delà de la notation ESG du produit d’investissement afin de se faire leur propre idée de l’engagement durable de l’entreprise et de sa feuille de route.

Bien qu’imparfaites, les notations ESG sont de mon point de vue optimiste tout de même précieuses. L’intégration des facteurs ESG ne doit certainement pas être considérée comme une solution applicable telle quelle sans autre forme de réflexion. La recherche demeure le pilier de la gestion de capitaux, qu’il s’agisse de la manière d’envisager les placements d’un point de vue financier et traditionnel ou de jauger de la durabilité de ceux-ci. Il n’existe pas de solution miracle pour éviter de poser de mauvais choix d’investissement et pour prévenir le risque de greenwashing. Les efforts, le travail et le scepticisme d’un côté, l’humilité, la conscience et la transparence de l’autre restent des conditions préalables.

Il n’existe pas de solution miracle pour éviter de poser de mauvais choix d’investissement et pour prévenir le risque de greenwashing.

L’intégration des facteurs ESG doit être considérée comme une condition nécessaire mais non suffisante. Investir dans les opportunités offertes par les grandes tendances comme l’eau propre, l’énergie propre et l’efficacité énergétique demeure un gage de réussite dès lors celles-ci doivent se hisser au rang des prochaines grosses industries à l’échelle mondiale.

Dans un cas comme dans l’autre, prêcher par l’exemple est exigeant, mais pertinent. Si l’effort peut au départ sembler insurmontable, il devient rapidement une sorte de routine. Un voyage vers la clarté et la concentration, tout en étant pleinement conscient des limites et des complexités.


1 La pleine conscience est la capacité humaine élémentaire à être pleinement présent, à savoir où nous sommes et ce que nous faisons, et à ne pas être trop réactif ou submergé par ce qui se passe autour de nous.

2 Le CFA Institute est une organisation professionnelle internationale à but non lucratif qui propose des formations financières aux professionnels de l’investissement. Il vise à promouvoir les normes en matière d’éthique, d’éducation et d’excellence professionnelle dans le secteur des investissements mondiaux.