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21 novembre 2024

L’art pour l’art

Le marché de l’art est connu, à juste titre, pour être le terrain de jeu des investisseurs les plus fougueux: l’art est parfois onéreux, souvent peu liquide et toujours imprévisible. Il présente toutefois un réel attrait pour les particuliers à la recherche d’une œuvre inspirante et susceptible de prendre de la valeur.

Le marché de l’art est vaste: en 2022, les ventes ont atteint 67,8 milliards de dollars à travers le monde, soit le deuxième total annuel le plus élevé jamais enregistré, selon un rapport de Clare McAndrew, fondatrice du cabinet de recherche et de consultance Arts Economics, réalisé pour l’organisateur du salon international Art Basel.

La pandémie de Covid-19 est toutefois passée par là également: les ventes ont chuté de plus de 20%, à quelque 50 milliards de dollars en 2020, les restrictions en place ayant pesé sur les ventes aux enchères et dans le cadre d’expositions et forcé les galeries à garder portes closes. Les plus touchées sont les ventes aux enchères, avec une baisse de 30% en 2019 pour atteindre 17,6 milliards de dollars, même si les ventes en ligne, en plein essor, ont permis de résorber le déficit, mais en partie seulement.

Le marché a rebondi en 2021, environ la moitié des marchands faisant état d’une hausse des ventes. Cependant, Clare McAndrew indique que les ventes d’œuvres d’art, comme celles dans d’autres secteurs, ont continué d’être affectées par l’instabilité politique et économique, l’éclatement de la guerre en Ukraine, la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et les craintes de récession sur les principaux marchés, ainsi que par une succession de confinements stricts en Chine jusqu’à la fin de 2022.

Les États-Unis restent le plus grand marché au monde, représentant 45% des ventes mondiales en valeur en 2022, en hausse de 8% pour atteindre le chiffre record de 30,2 milliards de dollars, après une baisse des ventes de 25% en 2020, grâce à une croissance significative dans le segment haut de gamme du marché des ventes aux enchères, et à une augmentation plus modeste des ventes chez les marchands.

En 2022, le Royaume-Uni a également remplacé la Chine en tant que deuxième marché mondial, avec 18% des ventes mondiales, contre 17% pour la Chine. Le Royaume-Uni a connu une croissance de 5% pour atteindre 11,9 milliards de dollars, ce qui reste inférieur au niveau de 12,2 milliards de dollars atteint avant la pandémie, tandis que les ventes en Chine ont chuté de 14% pour atteindre 11,2 milliards de dollars, la pire année pour le pays depuis 2009 si l’on exclut 2020.

Mise en garde pour les amateurs

Le marché de l’art est complexe. L’art n’a pas de valeur en soi hormis le coût de la peinture et de la toile ou des matériaux utilisés pour une sculpture ou une œuvre. Tout le reste est question de goût. L’acheteur amateur aura donc beaucoup de mal à s’y retrouver. Ce sont souvent des galeries bien en place qui dictent l’appréciation et la valeur des œuvres. Les acheteurs qui cherchent à gagner de l’argent doivent dès lors surveiller étroitement les tendances dominantes sur le marché au sens large.

Il est difficile, voire impossible, de détecter le prochain Andy Warhol avant même qu’il ait été repéré par les experts.

De ce fait, l’investissement dans l’art est avant tout un loisir réservé aux amateurs fortunés. Malgré l’accroissement des ventes en ligne et le succès rencontré par certaines plateformes numériques, les artistes prometteurs sont souvent repérés très tôt par des agents expérimentés et leur carrière est soigneusement organisée. Il est difficile, voire impossible, de détecter le prochain Andy Warhol avant même qu’il ait été repéré par les experts.

Par ailleurs, investir dans une œuvre d’art de valeur implique un coût initial élevé. En effet, à une mise de départ significative s’ajoutent la commission du marchand et les frais de maintenance, tels que le nettoyage et l’assurance, notamment. Qui plus est, le marché de la revente est imprévisible : un artiste en vogue peut séduire bon nombre d’acheteurs, mais les préférences et les règles peuvent évoluer rapidement (pensons à l’engouement pour l’art africain). Les investisseurs ne doivent jamais supposer que le prix qu’ils recevront pour une œuvre est garanti.

Des acheteurs prêts à tout

Pour bon nombre de collectionneurs, toutefois, ces facteurs n’ont aucun effet dissuasif. Et il est certainement possible de gagner de l’argent. En 2017, le Salvator Mundi de Léonard de Vinci est parti pour 450 millions de dollars lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à New York, et ce 12 ans seulement après avoir changé de mains pour la modique somme de 10.000 dollars alors que son authenticité était mise en doute. Les acheteurs fortunés aux reins solides qui veulent acquérir une œuvre phare sont souvent prêts à dépenser sans compter.

En revanche, en bas de l’échelle, de nombreux acheteurs acquièrent une œuvre pour le plaisir plutôt que pour en tirer de l’argent. Bien souvent, la réalisation d’un bénéfice est un heureux hasard et non l’objectif premier de l’achat.

Les canaux pour acquérir un objet d’art sont nombreux. La plupart se tournent d’abord vers les galeries et les foires, tandis que les ventes aux enchères sont plutôt réservées aux acheteurs plus sérieux et expérimentés. Les achats impulsifs sont à proscrire dans ce domaine: des recherches préalables vous seront utiles.

Si vous souhaitez aider un artiste dans le besoin, n’oubliez pas qu’environ la moitié du prix d’acquisition va à la galerie.

Vous pouvez rechercher l’historique des ventes d’un artiste sur des sites tels qu’Artnet, qui répertorie les ventes aux enchères depuis 1985. Dès lors que les prix demandés par les galeries sont flexibles, les candidats-acquéreurs ne doivent pas hésiter à négocier. Et si vous souhaitez aider un artiste dans le besoin, n’oubliez pas qu’environ la moitié du prix d’acquisition va à la galerie.

L’intérêt d’un conseil

Si vous êtes déterminé à vous aventurer dans les ventes aux enchères, il est conseillé de faire appel à un conseiller en art qui vous aidera dans vos achats (moyennant rémunération). Les ventes aux enchères peuvent être déroutantes et décourageantes. Il est donc préférable de participer à plusieurs d’entre elles avant de vous engager financièrement ou de faire appel à un tiers. De nombreux conseillers en art insistent sur le fait qu’ils font économiser aux acheteurs le coût de leurs honoraires en négociant des prix réduits. Les conseillers suggèrent fréquemment de se tourner vers des œuvres moins chères d’artistes connus, qui produisent souvent des options en édition limitée disponibles à prix réduit.

Les options en ligne sont de plus en plus nombreuses, ce qui permet aux investisseurs de bénéficier d’un environnement moins stressant. Les principaux organisateurs de ventes aux enchères en ligne sont Christie’s, Sotheby’s, Bonhams, Heritage Auctions et Phillips de Pury, mais vous devez faire confiance au vendeur avant de participer.

Les ventes en ligne ont diminué par rapport à leur pic de 13,3 milliards de dollars en 2021 pour atteindre 11 milliards de dollars en 2022, selon le rapport commandité par Art Basel, mais elles sont restées 85% plus élevées qu’en 2019 et ont représenté 16% du volume global des ventes du marché en 2022, soit une baisse de quatre points de pourcentage d’une année sur l’autre. Autre possibilité pour les collectionneurs: les ateliers d’artistes et les expositions d’étudiants. Si vous espérez gagner de l’argent, il vous faudra avoir l’œil car vous serez souvent confronté à des chasseurs de talents aguerris. Vous pourriez toutefois trouver une œuvre qui vous plaît à un prix raisonnable.

Investir via des fonds

Certains fonds dédiés à l’art acquièrent des œuvres de premier choix lors de ventes aux enchères. Nombre d’entre eux s’adressent à des investisseurs basés en Chine, mais des véhicules tels que MasterWorks, qui propose d’acquérir une partie des droits de propriété sur une oeuvre d’art, sont ouverts aux investisseurs des quatre coins de la planète. Les indices de l’art, tels que les Mei Moses de Sotheby’s, compilent les prix des ventes aux enchères, mais le marché est si varié qu’ils ne peuvent pas vous éclairer sur les perspectives d’un artiste en particulier. Compte tenu du manque de liquidité du marché de l’art, il est impossible de mettre en place des fonds indiciels cotés.

Certaines options plus spécifiques existent également. L’Artemundi Global Fund est un fonds d’investissement privé qui permet à ses investisseurs d’accéder, sur une base renouvelable, à des œuvres d’art. Les participants sont susceptibles de recevoir une toile de maître ou d’un futur grand à accrocher à leur mur. Les acquéreurs peuvent ainsi explorer et affiner leurs goûts et apprendre à connaître des marchés spécifiques.

Basé à Santa Monica, le cabinet californien Saatchiart propose des œuvres d’étoiles montantes sélectionnées par ses experts, à des prix allant généralement de 1.000 à 6.000 dollars. Les investisseurs ne feront pas de découverte majeure, mais c’est une façon de suivre des experts pour un coût relativement modeste.

L’art peut certes vous rapporter beaucoup d’argent, mais le plus souvent, ce n’est pas pour cette raison que vous vous lancez sur ce marché, dont les perspectives en matière d’investissement demeurent particulièrement imprévisibles. Pour la plupart des amateurs, il est sans doute plus judicieux d’acheter une œuvre qui vous plaît et d’espérer que les autres partagent vos goûts.

En revanche, en bas de l’échelle, de nombreux acheteurs acquièrent une œuvre pour le plaisir et non pour en tirer de l’argent. La réalisation d’un bénéfice est plus souvent un heureux accident que la motivation première.