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26 avril 2024

Le coronavirus, une « bonne nouvelle » pour la planète ?

  Olivier Goemans myINVEST 9 avril 2020 3721

Winston Churchill aurait déclaré : « Si vous traversez l’enfer, continuez à avancer car il ne fait pas bon s’y arrêter ». Alors que le coronavirus ne cesse de faire des victimes aux quatre coins du globe, il nous permet également d’imaginer un avenir différent.

Si je me fonde sur mes connaissances des systèmes économiques, je n’aurais jamais pu imaginer une récession délibérée. Si aucun confinement, aucune distanciation sociale et aucune stratégie d’atténuation n’avaient été mis en place, la crise sanitaire aurait pu être bien plus dévastatrice. Le préjudice économique aurait manifestement été dilué, mais il aurait surtout duré plus longtemps. Plutôt que de laisser les choses aller comme c’est souvent le cas, les efforts déployés dès aujourd’hui sur le plan économique peuvent nous permettre d’espérer un avenir meilleur.

Pour la première fois de notre vie, les émissions de gaz à effet de serre s’inscrivent en net recul. Les images satellites de la pollution atmosphérique ont mis en évidence la plus vaste expérience jamais réalisée en termes de réduction du dioxyde d’azote dans différentes régions du monde. Le coronavirus a des effets salutaires à court terme dans la mesure où l’arrêt de l’industrie à l’échelle planétaire et la diminution drastique des transports ont permis de réduire la consommation de combustibles fossiles et la pollution, tout en améliorant la qualité de l’air.

Les pessimistes soutiendront que le COVID-19 relègue le réchauffement mondial au second plan et qu’il détourne dangereusement l’attention des priorités climatiques. Au contraire, les optimistes affirmeront que ces événements nous ont rappelé à quel point « la vie est fragile et la nature plus forte que les êtres humains »1. Nous avons tendance à oublier que nous sommes effectivement à la merci de la nature.

Le COVID-19 finira par disparaître mais espérons que les leçons en seront tirées. L’effondrement des cours pétroliers pourrait-il ralentir le passage à une économie sans émissions de carbone ? Je n’ai pas la réponse. Tout ce que je sais, c’est que l’argument souvent avancé par les grandes compagnies pétrolières, selon lequel elles ne peuvent investir dans les énergies renouvelables car les projets pétroliers et gaziers sont beaucoup plus rentables, n’est plus valable avec un prix inférieur à 30 dollars le baril et des énergies renouvelables présentant un risque bien moindre. Comme l’a déjà signalé Valentina Kretzschmar, directrice de la recherche sur les entreprises chez Wood Mackenzie, « le secteur est déjà très peu apprécié des investisseurs et cela ne fera qu’empirer. J’aimerais que les secteurs pétrolier et gazier commencent à saisir les opportunités offertes par la mégatendance que représente la transition énergétique. Car oui, il y a des opportunités. Il s’agit là d’une tendance croissante et les pressions en vue de la transition et de la lutte contre le changement climatique ne feront qu’augmenter. »

Les problématiques mondiales comme le Covid-19 ou le changement climatique ne connaissent pas de frontière, ni de passeport. Une différence essentielle réside dans le fait que le changement climatique est annoncé depuis des décennies avec un impact futur, là où l’impact du virus est immédiat et suscite un sentiment d’impuissance.

Y a-t-il une perspective de « rapprochement » entre la lutte contre le virus et le changement climatique ? Selon David Comerford2, ces deux combats sont similaires en ce sens qu’ils impliquent une probabilité croissante de catastrophe, des perturbations de nos modes de vie, une coopération indispensable entre les sociétés pour faire face à la menace et la reconnaissance de l’urgence de la situation de la part des gouvernements. Par définition, les problématiques mondiales ne connaissent pas de frontière, ni de passeport.

Une différence essentielle réside dans le fait que le changement climatique est annoncé depuis des décennies avec un impact futur, là où l’impact du virus est immédiat et suscite un sentiment d’impuissance.

Dans les comportements humains, la perception de menaces est un puissant accélérateur de changements massifs et rapides. Cela nous conforte dans l’idée que la publication de ce type d’articles sur la finance durable et le changement climatique est susceptible de renforcer l’adhésion aux mesures urgentes qui sont nécessaires. Soyons ambitieux et optimistes. Nous faisons tous partie des problèmes, mais aussi des solutions. Il nous suffit d’agir dès maintenant !

Nous avons constaté qu’au cours de la pandémie de coronavirus, malgré les coûts et les inconvénients du confinement, l’opinion publique a majoritairement approuvé ces mesures. L’humanité réapprend à accomplir quelque chose de grand ! La capacité à déterminer l’impact d’un comportement irresponsable est très importante. Nous devons veiller à renforcer l’empathie au sein de la population et permettre aux gens de se rendre compte que les victimes potentielles peuvent être des personnes qu’ils connaissent et qu’ils chérissent. Notons par ailleurs que l’accent mis sur la peur et les risques incite à la procrastination. Il serait préférable de trouver un sens à tout cela et de saisir cette occasion pour changer nos vies de manière durable.

L’obéissance civile doit aller de pair avec une imagination fertile et une bibliothèque des plus variées.

N’oubliez pas que de grands penseurs comme William Shakespeare et Isaac Newton ont réalisé certaines de leurs plus belles œuvres alors qu’ils étaient confinés en période de peste. Dans le contexte actuel, espérons que le télétravailleur ou l’étudiant qui a la chance d’être confiné à la maison pourra en faire quelque chose de positif. L’obéissance civile doit aller de pair avec une imagination fertile et une bibliothèque des plus variées.

Quelle qu’en soit la durée, cette pandémie ne devrait pas manquer d’entraîner de profonds changements au sein de nos sociétés. Elle devrait remettre en question notre vision du monde et nous obliger à redéfinir nos priorités afin de prévenir de nouvelles crises ou de nous y préparer. Elle nous offre également une formidable opportunité d’apprentissage. Si la communication est indispensable pour les entreprises, la crise a démontré notre capacité à nous adapter grâce à des solutions judicieuses. Cette expérience entraînera assurément une refonte de nos modes d’organisation. Reste à savoir si les nations qui ont opté pour un confinement seront en mesure de maintenir certaines pratiques durables adoptées à la hâte afin de freiner la propagation du COVID-19, notamment le télétravail.

Les chaînes d’approvisionnement des multinationales sont clairement perturbées par les arrêts de production, ce qui met en exergue leurs fragilités intrinsèques. Nous ne devons cependant pas tomber dans le piège du populisme et de la xénophobie. Comme l’a justement fait remarquer Ilvo Diamanti, sociologue italien, « le monde n’a plus de frontières qui ne peuvent être franchies. Il faudrait ainsi se protéger du monde entier. Pour ne pas mourir contaminé par d’autres et propager ainsi le virus, il faudrait mourir seul, ce qui est en soi bien plus grave que le coronavirus ». Connexion numérique, sagesse populaire et proximité efficace, voilà ce que doivent être les fondements d’une chaîne d’approvisionnement à toute épreuve. Le chaînon manquant dans les crises mondiales est, une fois de plus, l’empathie et notre capacité limitée à collaborer.

Le chaînon manquant dans les crises mondiales est, une fois de plus, l’empathie et notre capacité limitée à collaborer.

The show must go on ! Pour ceux qui n’ont pas réalisé que le monde est différent de celui que nous connaissions il y a quelques semaines à peine, le chemin sera difficile. Prenez soin de vous !

1 Victor Weis, directeur du Centre Heschel pour le développement durable.
2 David Comerford – Directeur de programme, MSc Behavioural Science, Université de Stirling : Coronavirus should give us hope that we are able to tackle the climate crisis