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18 novembre 2024

L’importance des enjeux ESG dans l’entreprise

En quoi les enjeux ESG sont-ils importants pour une entreprise? Comment les intégrer à sa stratégie et agir en faveur du développement durable? Rencontre avec Alessandra Simonelli, Head of Sustainable Development à la BIL, qui nous aide à comprendre l’importance de l’intégration des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance dans les activités d’une entreprise.

Bonjour Madame Simonelli. Pouvez-vous nous expliquer quels sont les enjeux ESG pour une entreprise?

Les enjeux ESG correspondent à l’impact qu’une entreprise peut avoir sur l’environnement et sur les êtres humains à travers son activité. Elle doit se demander comment elle influence les personnes et la planète (people and planet) et de quelle manière elle peut agir pour avoir un effet plus positif. La pollution d’une industrie, par exemple, aura des répercussions sur l’environnement. Mais l’inverse est vrai également. Je prends toujours l’exemple des agriculteurs qui subissent les effets du changement climatique. Ainsi, en plus de tenir compte de son propre impact, l’entreprise doit aussi gérer celui que l’environnement ou la société peut avoir sur son activité. Ce sont ces enjeux qu’elle doit considérer.

Photo: Steve Eastwood

Quelle est la différence entre ESG et RSE?

Il y a souvent un amalgame entre les deux termes. La RSE est la Responsabilité Sociale de l’Entreprise. C’est-à-dire, tout ce qu’elle met en œuvre pour avoir un impact positif sur son environnement, sur les personnes ou l’économie. On fait référence à une « démarche » RSE.

Le terme ESG – E pour environnement, S pour social et G pour gouvernance – renvoie aux « critères » ou aux « facteurs » ESG. C’est-à-dire aux indicateurs qui permettent de mesurer la performance d’une entreprise: son empreinte carbone, son taux d’absentéisme, la gestion de sa Direction, etc. Grâce aux critères ESG nous pouvons mesurer l’efficacité d’une entreprise sur sa démarche RSE.

L’impact non financier d’une entreprise sera, à terme, aussi important que sa performance financière.

En quoi ces enjeux sont-ils importants pour une entreprise et pourquoi ne doit-elle pas les négliger?

Nous sommes dans une période où il n’est plus possible de regarder uniquement l’aspect financier d’une entreprise. À travers son activité, elle influence les personnes et la planète, ce qui peut avoir des effets à long terme. Bien entendu, l’aspect économique est important. L’entreprise doit être profitable pour avancer. Mais pour bien fonctionner, elle doit respecter l’environnement dans lequel elle opère, les personnes qu’elle engage, etc. Négliger ces enjeux lui serait préjudiciable. Ce sont d’ailleurs des préoccupations de plus en plus examinées par les clients, les employés et les investisseurs. L’impact non financier d’une entreprise sera, à terme, aussi important que sa performance financière.

Que représentent ces enjeux ESG pour une banque?

Tout comme les autres entreprises, nous devons faire attention à notre impact social et environnemental: veiller au bien-être de nos employés, mesurer notre empreinte carbone, gérer nos déchets, etc. Mais, en tant qu’intermédiaire financier, nous investissons dans des entreprises et finançons leurs projets. Jusqu’à présent, le principal focus était sur les aspects économiques et de gouvernance.

Désormais, la bonne gouvernance de la société ainsi que l’existence de controverses sociales ou environnementales entrent aussi en ligne de compte. Nous avons l’obligation de considérer les facteurs E, S et G afin de mesurer la performance des entreprises et prendre nos décisions financières: investir ou non dans certaines sociétés, octroyer ou non des crédits, etc.

Notre rôle est d’accompagner la transition et d’inciter nos clients à faire en sorte que leur performance s’améliore. C’est une dimension nouvelle qui entre dans nos métiers. Nous faisons des formations pour être à même de bien conseiller nos clients. C’est toute une expertise à acquérir que nous n’avions pas jusque-là.

Quelles sont les entreprises concernées?

Pour le moment, ce sont principalement les grosses sociétés. À partir du 1er janvier 2025, la Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) obligera les organisations de plus de 250 employés à publier une série d’indicateurs environnementaux et sociaux dans un rapport non financier. Si aujourd’hui l’entreprise communique ses résultats, ses dettes, etc. demain, elle devra aussi indiquer ses émissions de gaz à effet de serre, le taux de maladie de ses employés, etc. Ces indicateurs permettront de déterminer si elle est performante ou non. Bien que les petites entreprises n’aient pas encore à respecter ces obligations règlementaires, dans le futur, cela deviendra un point d’attention pour tout le monde.

Comment une entreprise peut-elle intégrer ces enjeux à sa stratégie?

Elle doit commencer par identifier ses enjeux matériels en se demandant si son activité a plutôt une influence sur l’environnement ou sur le social. Puis, elle détermine les sujets les plus importants pour elle et peut commencer à mesurer son impact afin d’identifier des actions concrètes à mettre en place. Elle ne doit pas oublier d’impliquer ses parties prenantes (ses salariés, ses clients, ses fournisseurs, etc.) en leur demandant sur quels aspects ils attendent qu’elle s’engage. C’est sur cette base qu’elle va définir sa stratégie RSE.

Vous parlez de mesurer son impact. Que peut-elle évaluer concrètement?

Au niveau de la banque par exemple, en matière d’environnement, nous mesurons notre consommation d’énergie et d’eau, notre empreinte carbone, le poids des déchets que nous produisons, etc. Sur l’aspect social, nous regardons le taux d’absentéisme, de maladie, le taux de diversité, le nombre de temps partiels, etc. Les indicateurs sont très nombreux et varient selon le secteur d’activité de l’entreprise. Dans le domaine de la construction, ce sont plutôt les incidents et accidents graves qui vont être évalués, alors qu’une société d’informatique va axer ses contrôles sur la sécurité des données de ses clients. En revanche, toutes les sociétés doivent veiller à leur bonne gouvernance: respecter les lois, payer ses impôts, disposer de politiques claires, d’un conseil d’administration indépendant, etc.

Si tout le monde participe, même avec de petites actions, le résultat sera plus efficace que de faire s’arrêter un avion de voler. C’est l’ensemble de ces mesures qui permettent d’avoir un véritable impact.

Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions à mettre en place?

Les entreprises vont surtout agir sur leur consommation d’énergie et sur leur impact social.

Les actions peuvent être environnementales: trier, recycler et diminuer ses déchets en supprimant les emballages, utiliser les énergies renouvelables en installant des panneaux photovoltaïques, remplacer une flotte de voitures thermiques par des véhicules électriques, réduire sa consommation d’énergie en éteignant les écrans d’ordinateur tous les soirs, en installant des ampoules basse consommation, en limitant le nombre d’appareils électroniques, etc.

Au niveau social, l’entreprise peut organiser des formations, instaurer une politique de télétravail, proposer une salle de sport aux employés, mettre en place des plans de prévention des accidents, etc.

Le plus souvent, les démarches ne sont pas extraordinaires, sauf par exemple, dans certains secteurs comme l’automobile qui est amenée à modifier toute sa chaîne de production. Cependant, si tout le monde participe, même avec de petites actions, ce sera plus efficace que de faire s’arrêter un avion de voler. C’est l’ensemble de ces mesures qui permet d’avoir un véritable impact.

L’adhésion à un label est une manière de montrer qu’il y a une démarche positive de la part de l’entreprise, une évaluation externe de sa performance et une volonté de s’améliorer.

Comment montrer son engagement en matière de développement durable?

L’entreprise peut adhérer à des labels durables qui valorisent les démarches RSE. Par exemple, au Luxembourg, il y a le label ESG de l’Institut National pour le Développement durable et la Responsabilité sociale des entreprises (INDR), mais il existe de nombreux autres labels nationaux et internationaux. Dans le secteur bancaire par exemple, nous retrouvons les United Principles for Responsible Banking des Nations Unies (UNPRB), les Principles for Responsible Investment (UNPRI), la Net Zero Banking Alliance (NZBA) ou encore les labels LuxFLAG pour les produits bancaires.

L’adhésion à un label est une manière de montrer qu’il y a une démarche positive de la part de l’entreprise, une évaluation externe de sa performance et une volonté de s’améliorer – d’autant que cela représente un coût et que l’entreprise doit se soumettre à un audit minutieux.

Il est bien sûr possible d’agir pour le développement durable sans adhérer à de tels labels, mais le fait de signer montre que nous sommes prêts à être challengés par un expert extérieur à l’organisation.

Quels sont les principaux freins à la prise en compte des enjeux ESG?

L’une des principales difficultés est la nouveauté de la démarche. Les entreprises doivent mesurer, calculer et monitorer des données qu’elles ne collectaient pas jusqu’à présent. Que faut-il mesurer exactement? De quelle manière s’y prendre? Elles se voient contraintes de développer une toute nouvelle expertise. Et cela représente un investissement financier. Pourtant, c’est une nécessité et même les plus petites organisations devront s’y atteler.

Qu’est-ce que l’intégration des enjeux ESG peut apporter à une entreprise?

Outre l’impact sur le climat et le bien-être des salariés, l’introduction de préoccupations sociales et environnementales à la stratégie de l’entreprise va lui permettre de réduire ses coûts. La diminution de ses déchets, l’optimisation de sa consommation d’énergie ou encore la formation de ses employés, vont améliorer son efficacité opérationnelle.

De plus, démontrer son engagement pour le développement durable a un effet positif sur sa réputation, sur l’attractivité des clients et sur le sentiment de fierté de ses employés.

Enfin, l’intégration des enjeux ESG ouvre des opportunités de marché. La banque peut, par exemple, proposer des services complémentaires à ses clients : accompagner les entreprises dans leurs démarches RSE, les aider à réaliser leur reporting extra-financier, proposer des solutions de rénovation énergétique aux particuliers, etc.

Pensez-vous qu’au Luxembourg, les sociétés se sentent concernées par les problématiques liées à la durabilité?

D’après le Panorama 2022 du développement durable, la RSE est appliquée par 40% des entreprises au Luxembourg. On sent une prise de conscience, mais pour le moment, c’est surtout de la part des grosses sociétés. Pour les plus petites structures, cela reste encore conceptuel, surtout avec la situation économique actuelle. Ce n’est pas leur priorité. Avant de dépenser pour acheter une pompe à chaleur, elles vont faire en sorte que leur activité principale fonctionne.

Il y a cependant beaucoup de bonnes intentions dans ce domaine, mais finalement encore assez peu d’actions concrètes, faute de ressources et de budget. Cela dépend vraiment de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité, des moyens financiers et de la sensibilité du dirigeant sur le sujet.

Tout le monde a la capacité d’agir pour le développement durable. Avec davantage d’informations et de formations, nous pouvons donner à tous l’envie de s’engager!

Pour terminer, pouvez-vous nous indiquer vers qui une entreprise peut se tourner pour l’aider dans sa transition énergétique?

Elle peut bien sûr s’adresser à sa banque, puisque la transition énergétique passe par des investissements. Mais avant tout, elle peut consulter la House of Sustainability qui est chargée de sensibiliser, de former et d’accompagner les entreprises dans leur démarche de développement durable. Elle peut les renseigner sur les différentes aides financières proposées par le gouvernement luxembourgeois, ainsi que sur les labels existants.

Je conclurais en disant que tout le monde a la capacité d’agir pour le développement durable. Avec davantage d’informations et de formations, nous pouvons donner à tous l’envie de s’engager!