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18 novembre 2024

L’intégration ESG c’est bien, mais plus suffisant

  Olivier Goemans myINVEST 29 mars 2021 2143

L’investissement ESG consiste à étudier et à prendre en compte les questions environnementales, sociales et de gouvernance, en plus des éléments financiers habituels, lors de l’évaluation des opportunités d’investissement. Il repose également sur une analyse orientée sur les parties prenantes, qui évalue la façon dont les entreprises traitent chacune d’entre elles, et pas seulement leurs actionnaires, dans une perspective de réussite ou d’échec sur le long terme.

L’intégration des facteurs ESG consiste quant à elle à associer le prisme ESG à une analyse financière des titres plus traditionnelle. Les considérations ESG vont de pair avec une réflexion à long terme, qui est l’essence même d’une gestion de portefeuille et de services de conseil solides.

L’intégration ESG : un must

L’intérêt croissant pour l’investissement ESG n’a rien de surprenant. Des recherches montrent que l’investissement ESG permet non seulement de réduire le risque du portefeuille et de générer des rendements compétitifs, mais qu’il contribue également au bien-être des investisseurs vis-à-vis de leurs placements. En outre, compte tenu de l’accent mis sur la politique ESG au sein de l’UE et des initiatives réglementaires y associées, les considérations non financières et financières se retrouvent désormais sur un pied d’égalité. Il s’agit là d’un changement radical en termes d’approche d’investissement.

Mais toute stratégie d’investissement comporte aussi des risques. L’investissement ESG ne fait pas exception à la règle. Au-delà des embûches traditionnelles que la dynamique à court terme des marchés financiers pourrait poser en termes de performance relative de l’intégration ESG, le manque de normes et les questions relatives à la qualité ou à la subjectivité des données constituent les points faibles les plus commentés et les plus évidents.

Les idées fausses, les ventes inadaptées et les malentendus sont également des points pertinents. Le sentiment de bien-être ne pourra être conforté que s’il s’accompagne d’une information et d’une transparence appropriées. Quant à l’intégration des facteurs ESG, si elle est incontestablement utile pour évaluer la solidité des opportunités d’investissement, elle ne constitue pas pour autant le Saint-Graal de l’investissement durable. L’intégration des facteurs ESG ne peut à elle seule être considérée comme la révolution en matière d’investissement qui favorise la transition vers un modèle plus durable.

Le marché est passé d’une pratique d’exclusion des investissements ne répondant pas aux critères ESG à une intégration active des investissements qui y répondent. S’il s’agit là indéniablement d’un progrès, cela n’est pas encore suffisant.

Mais l’intégration des facteurs ESG n’est pas la panacée

Au cours des dix dernières années, de plus en plus d’investisseurs ont intégré des critères ESG à la gestion de leurs portefeuilles. Aujourd’hui, un grand nombre de gestionnaires d’actifs emploient le concept d’intégration ESG pour désigner leurs approches globales de l’investissement responsable, durable ou éthique. Le marché est passé d’une pratique d’exclusion des investissements ne répondant pas aux critères ESG à une intégration active des investissements qui y répondent. S’il s’agit là indéniablement d’un progrès, cela n’est pas encore suffisant. Nous devons nous montrer proactifs afin de nous assurer que les investissements cherchent à avoir un impact positif et agir en tant que porteurs actifs.

Si l’intégration ESG fait partie des outils à notre disposition et s’avère nécessaire pour refaçonner notre monde, elle ne suffira pas à elle seule. Avant tout, les investisseurs doivent comprendre les limites des différentes catégories d’actifs dans lesquelles ils investissent lorsqu’il s’agit d’avoir un impact (et les conseillers doivent préciser clairement ces limites). Les achats d’actions et d’obligations sur le marché secondaire constituent de simples échanges privés et ne génèrent pas de liquidités pour les entreprises. Tant qu’une société n’aura pas besoin d’accéder aux marchés de capitaux, les désinvestissements liés au fait qu’elle soit à la traîne sur le plan des facteurs ESG n’auront qu’un impact limité (le cas échéant) sur le coût du capital de ladite société.

Si l’investisseur a pour ambition de bâtir un avenir meilleur, il serait judicieux d’envisager d’autres pratiques d’investissement durable et responsable sur des actions cotées. L’intégration ESG ne présuppose pas un investissement en vue d’un changement positif. La seule façon pour les investisseurs d’avoir un impact significatif sur des actions cotées consiste à exercer leur influence afin d’inciter les entreprises à avoir un impact plus positif. En tant qu’actionnaires, nous avons également le pouvoir d’influencer les stratégies des entreprises en ayant recours à nos droits de vote et en nous engageant à leurs côtés pour les aider à progresser.

En tant qu’actionnaires, nous avons également le pouvoir d’influencer les stratégies des entreprises en ayant recours à nos droits de vote et en nous engageant à leurs côtés pour les aider à progresser.

L’engagement (s’agissant d’actions et d’obligations) et/ou le rejet (pour des obligations) : deux approches complémentaires (pour l’instant)

Une action est perpétuelle par nature. Un vendeur est remplacé par un acheteur (parfois l’entreprise elle-même). Les nouvelles levées de fonds sont beaucoup plus fréquentes sur les marchés de la dette que sur les marchés actions. C’est cette émission d’obligations qui est souvent utilisée pour financer de nouveaux projets d’investissement et les grands emprunteurs sont plus susceptibles de refinancer leur dette que de la rembourser. Ainsi, fermer le robinet de liquidités des entreprises qui ne performent pas suffisamment en termes de durabilité par le biais d’un refus de leur dette pourrait avoir un impact direct sur le coût de financement des entreprises concernées. Grâce au dialogue et à l’engagement, l’émission d’obligations devrait également être davantage liée à des objectifs ESG. Les clauses des obligations (qui sont des outils utilisés par les prêteurs pour imposer des conditions supplémentaires aux emprunteurs) portent généralement sur les ratios financiers. L’on pourrait toutefois s’attendre à de nouvelles normes liées aux obligations à but spécifique (« purpose bonds »), une nouvelle génération d’obligations axées sur l’atténuation du changement climatique ou les considérations sociales par le biais de l’intégration de clauses ESG. À cet égard, en décembre 2020, Eni (le géant italien du pétrole et du gaz) a annoncé que des amendements avaient été apportés aux contrats avec ses banques portant sur près de 4 milliards d’euros de dette existante, afin d’assortir de nouvelles conditions relatives à la réalisation de certains des Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD 7 et ODD 13). Cela signifie que cette dette déclenchera un mécanisme de bonus/malus pour les investisseurs, selon que les objectifs de performance en matière de durabilité auront été atteints ou non.

Les investisseurs peuvent jouer un rôle majeur dans la réalisation de ce que nous considérons comme l’objectif ultime, à savoir une économie résiliente et durable. En tant que professionnels de l’investissement, nous devons également être suffisamment transparents et humbles pour faciliter cette transition, et aider les investisseurs à minimiser le risque de frustration légitime pouvant découler du manque de clarté. L’intégration ESG est indispensable pour soutenir la transition vers une finance durable. Mais elle ne suffit pas.

L’exercice exige davantage d’efforts et d’ambitions lorsque la finalité de l’investissement consiste à créer un cercle vertueux en allouant des capitaux aux entreprises qui génèrent les plus grands rendements sociaux sur investissement. Il s’agit là en réalité de la simple responsabilité sociale des investisseurs, qui doivent contribuer aux progrès de notre société. Telle est la légitimité des marchés de capitaux.

L’intégration ESG doit veiller à encourager et à permettre aux entreprises de progresser davantage et de façon plus concrète sur les questions sociales et environnementales.

L’intégration ESG doit veiller à encourager et à permettre aux entreprises de progresser davantage et de façon plus concrète sur les questions sociales et environnementales. L’intégration ESG est certes intéressante, mais elle ne suffit plus.