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19 décembre 2024

L’ISR n’est pas un effet de mode, mais bien un impératif pour l’avenir

  Olivier Goemans myINVEST 21 février 2020 3814

myLIFE a démontré ailleurs que l’investissement thématique permet d’exprimer des convictions prospectives et de mettre l’accent sur les changements séculaires. Alors que les idées disruptives, l’innovation, les forces économiques et les événements naturels remodèlent continuellement notre monde, l’investissement thématique consiste à identifier ces changements et à investir dans des sociétés bien positionnées pour en tirer parti. Il nous semble de ce fait évident que l’investissement socialement responsable (ISR) est l’investissement thématique par excellence. Considérant le changement climatique comme la priorité numéro un, il est de notre devoir de plaider en faveur des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Si l’ISR correspondait auparavant à l’investissement socialement responsable, nous préférons parler d’investissement durable et responsable. Il est en outre essentiel de bien comprendre que l’ISR ne cherche pas à donner un sens à la vie. Ce n’est pas non plus un accessoire cosmétique ou purement marketing, ni une tentative désespérée de gagner en sympathie. L’ISR est tout simplement le reflet de la bonne volonté, du bon sens et des meilleures pratiques en matière d’investissement, conjugués à différentes valeurs fondamentales (économique, financière, sociétale…). L’ISR, c’est faire preuve de bon sens et être acteur du changement dans le but de faire respecter ces principes et, partant, d’assurer notre viabilité future.

L’ISR à travers le prisme de l’économie

Dans un premier temps, nous cherchons à comprendre le fonctionnement des modèles économiques : ils nous aident à opérer des choix en termes d’allocation efficace des ressources rares, à comprendre pourquoi ces ressources ont été allouées de cette façon, ainsi que les conséquences de ces décisions. Compte tenu des liens existant entre la finance et l’économie et de l’influence qu’elles exercent l’une sur l’autre, il est difficile de comprendre pourquoi il nous faut autant de temps pour admettre que le changement climatique reflète un échec du marché. Les émissions de gaz à effet de serre sont un effet secondaire des activités économiques, ayant un impact sur les générations futures – ce que les économistes définissent comme des « externalités ». Le réveil actuel de notre société face à différents signaux (des manifestations pour le climat aux alertes de phénomènes météorologiques dignes d’un récit biblique1) met simplement en évidence ce qui devrait orienter nos décisions en matière d’investissement.

« Les entreprises se porteront mieux au final si elles cherchent avant tout à répondre aux demandes de leurs clients au lieu de se confiner à une catégorie de produits bien définie ». (Theodore Levitt)

Theodore Levitt, économiste américain et professeur à la Harvard Business School, a non seulement popularisé le terme de mondialisation, mais est également bien connu pour sa « myopie marketing ». Selon un article qu’il a publié en 1960, les entreprises se porteront mieux au final si elles cherchent avant tout à répondre aux demandes de leurs clients au lieu de se confiner à une catégorie de produits bien définie. Pour Levitt, la « Myopie marketing » constitue un défi pour toute l’entreprise, et pas seulement pour son service marketing2. Prenons l’exemple éloquent des sociétés pétrolières et gazières cité par Levitt. Il a ainsi constaté que ce dont les clients avaient besoin, c’était de l’énergie. Toutefois, les sociétés du secteur énergétique ont assimilé cela à un besoin de pétrole (alors qu’il existe en fait d’autres sources d’énergie). Le secteur pétrolier a par conséquent continué à concentrer ses efforts sur l’amélioration de sa capacité à forer et à produire toujours la même chose, à savoir du pétrole, pensant que celui-ci était indispensable face à une population grandissante. Si les sociétés du secteur ont mal défini leur industrie, c’est parce qu’elles étaient orientées pétrole, et non énergie. En d’autres termes, elles étaient orientées produit au lieu d’être orientées client. Mais en fait, ce que les gens veulent, ce n’est pas du pétrole mais bien le droit de pouvoir continuer à conduire leur voiture. Non seulement la science du climat est déniée depuis beaucoup trop longtemps, mais le tableau est encore plus sombre si l’on considère les recherches scientifiques financées par certaines compagnies pétrolières américaines au début des années 70 qui ont fini par être mises de côté.

De nos jours, il est de plus en plus évident que les entreprises et leurs dirigeants ont un rôle à jouer face aux défis sociétaux. Ce n’est pas un hasard si les clients, les fournisseurs et les communautés ont autant d’importance que les actionnaires dans la vision moderne de la raison d’être des sociétés. Même Alfred Rappaport, le célèbre économiste à l’origine du concept de valeur actionnariale dans les années 803, a changé son fusil d’épaule en 2011 dans un nouvel ouvrage visant à préserver le capitalisme du court-termisme, soulignant que le modèle économique actuel encourage la liquidation du capital naturel dans une optique de profit immédiat4

L’intégration des critères ESG est de plus en plus considérée comme faisant partie de l’analyse d’investissement fondamentale et vient ainsi compléter l’analyse classique des informations financières.

L’ISR : de la théorie à la pratique

L’investissement ISR a pour cadre l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Il s’agit généralement d’intégrer (explicitement et systématiquement) les considérations ESG dans l’analyse et les décisions d’investissement. L’intégration des critères ESG est de plus en plus considérée comme faisant partie de l’analyse d’investissement fondamentale et vient ainsi compléter l’analyse classique des informations financières. L’ESG ne présuppose aucune exclusion et ne prédéfinit pas non plus ce qui est bon et ce qui est mauvais. Les informations ESG peuvent provenir de différentes sources, le plus souvent de rapports de sociétés et de fournisseurs de données et de recherches ESG spécialisés.

Les informations, les données et les recherches sont à la base des décisions d’investissement. L’analyse ESG prospective et l’intégration des critères ESG offrent des perspectives nouvelles, qui complètent la recherche plus traditionnelle. Elle permet de gérer le risque dans sa globalité et offre une approche plus large et plus holistique de la gestion des risques. Elle permet par ailleurs de ne pas négliger les opportunités offertes par les perspectives de développement durable. Les grandes tendances comme l’eau propre, l’énergie propre et l’efficacité énergétique doivent tout simplement se hisser au rang des prochaines grosses industries à l’échelle mondiale.

Si vous pensez que le reporting non financier des entreprises relève d’une tendance, nous vous invitons à faire un bref voyage dans le temps et à remonter au début des années 1900. En 1903 exactement, lorsque U.S. Steel a publié le premier rapport annuel audité. Il s’agit de la première version connue des rapports annuels tels que nous les connaissons aujourd’hui. Ce qui était autrefois perçu comme un tournant en matière de gérance est devenu un modèle de présentation des informations d’entreprise et un élément incontournable pour les investisseurs qui ne se contentent pas de connaître le dividende, le cours, ainsi que le chiffre d’affaires et les bénéfices non révisés.  Comme l’a indiqué Morgan Housel5, « nous sommes passés d’une époque où les investisseurs ne savaient pas à combien se chiffrait le bénéfice d’une entreprise à celle où, grâce à LinkedIn, on peut même connaître le collège fréquenté par les employés d’une société ». De nos jours, l’accès à l’information ne connaît pratiquement aucune limite. Les entreprises et dirigeants doivent impérativement en tenir compte.

1 « Le climat est devenu digne d’un récit biblique… Au vu de la menace à long terme et du court-termisme des politiques, l’incapacité des décideurs à faire face au changement climatique constitue une menace existentielle » – Evan Greenberg, CEO de Chubb (premier assureur IARD coté en bourse au monde)
2 https://hbr.org/2006/10/what-business-are-you-in-classic-advice-from-theodore-levitt
3 Alfred Rappaport – Ouvrage intitulé « Creating shareholder value » publié en 1986
4 Alfred Rappaport – Ouvrage intitulé « Saving Capitalism from short-termism: how to build long-term value and take back our financial future » publié en 2011
5 « You can see where this is going » par Morgan Housel et l’équipe Collaborative Fund