Mes finances, mes projets, ma vie
22 décembre 2024

Maîtriser la complexité d’un divorce transfrontalier

Même lorsque la séparation conjugale est envisagée avec les meilleures intentions de conciliation, le divorce peut s’avérer une véritable gageure. Celles et ceux qui ont vécu et travaillé dans différents pays et ont fondé des couples transnationaux s’exposent à des difficultés encore plus grandes en la matière. Explications.

Le divorce, avec les conséquences financières et personnelles que cela implique, est un domaine dans lequel peu d’efforts d’harmonisation ont pour l’heure été faits au plan international. Le choix du pays dans lequel introduire la demande de divorce dépend du droit applicable au dossier. Et ce droit peut faire une grande différence en ce qui concerne le règlement financier, la garde des enfants et les aspects fiscaux.

Lorsqu’un choix est possible, où introduire la demande de divorce peut revêtir une importance cruciale, comme l’illustre le cas du riche entrepreneur malaisien Khoo Kay Peng, président de la maison de mode britannique Laura Ashley dont il compte également parmi les principaux actionnaires, et de sa femme Pauline Chai.

Le couple était notamment en désaccord quant à savoir si sa résidence principale était en Malaisie ou au Royaume-Uni et, par conséquent, où la procédure de divorce devait être jugée. Pour M. Peng, l’affaire était du ressort des tribunaux malaisiens, dès lors que le domicile conjugal était situé dans ce pays, tandis que pour son épouse, Mme Chai, elle relevait de la compétence des juges britanniques. Le procès a finalement été remporté par les avocats de cette dernière, qui s’est vue accorder 64 millions de livres sterling, après une bataille qui a vu les ex-époux débourser plus de 6 millions de livres en frais de justice.

Lorsque les parties et leurs résidences sont établies dans des pays différents, il est très difficile de savoir à l’avance quel droit devrait s’appliquer. Le pays où le couple s’est marié n’a aucune incidence dans le cadre d’une procédure de divorce.

Conflit concernant la juridiction

Ce qui importe, c’est l’endroit où les époux vivent, leur nationalité et (dans certains cas) leur domicile. Mais nonobstant le dépôt d’une demande de divorce dans une juridiction particulière, rien ne garantit que l’affaire y sera effectivement jugée. Comme pour le litige Khoo-Chai, la détermination de la juridiction compétente peut, dans le cas de couples fortunés, nécessiter autant de temps que le règlement lui-même.

En outre, le droit applicable en matière de divorce n’est pas nécessairement celui du pays où la demande est introduite.

Il n’existe pas de réglementation commune à l’échelle européenne permettant de déterminer où un divorce doit être jugé lorsque les parties vivent dans des pays différents. Cependant, 16 pays européens ont défini des règles facilitant la détermination de la juridiction compétente en matière de divorce.

Il n’existe actuellement pas de réglementation commune à l’échelle européenne permettant de déterminer où un divorce doit être jugé lorsque les parties vivent dans des pays différents. Cependant, 16 pays européens ont défini des règles facilitant la détermination de la juridiction compétente en matière de divorce.

Le Règlement de l’Union européenne de 2010 dans le domaine de la loi applicable au divorce, aussi connu sous le nom de règlement Rome III, instaure une plus grande coopération entre les pays participants quant au droit applicable en matière de divorce et de séparation de corps. Il a été adopté par l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.

Ce règlement s’applique en cas de conflit de droits nationaux, c’est-à-dire lorsque le droit de deux ou plusieurs pays de l’UE – par exemple celui du pays de nationalité des époux ou du pays où ils ont leur résidence principale – peut s’appliquer à une affaire de divorce ou de séparation.

Absence de normes communes

Aux termes du règlement, les époux peuvent s’accorder sur la juridiction dont le droit national s’appliquera à leur divorce ou leur séparation. L’accord peut être modifié à tout moment avant que la procédure en justice ne soit lancée.

Si les époux ne parviennent pas à s’entendre sur la juridiction compétente, l’affaire sera en principe jugée selon le droit du pays où les époux résident au début de la procédure, ou à défaut selon le droit du pays où leur dernière résidence principale était située, à condition que cela ne remonte pas à plus d’un an et qu’un des deux époux y vive encore, celui du pays de nationalité des deux époux ou celui du pays dans lequel la demande de divorce est introduite.

En dehors des 16 pays qui ont adopté les règles susmentionnées, il n’existe pas de norme commune pour déterminer la juridiction compétente, de sorte qu’en cas de désaccord, les avocats de chaque partie devront s’efforcer d’obtenir gain de cause. Dans une affaire récente, une ressortissante allemande a introduit une demande de divorce en Angleterre; peu de temps après, son mari, arguant qu’il n’avait pas été informé du dépôt de la demande au Royaume-Uni, a déposé une demande pour que l’affaire soit entendue en Allemagne, sans succès.

Un autre problème tient à la reconnaissance dans un pays d’un jugement de divorce prononcé dans un autre pays. Dans l’ensemble de l’UE (à l’exception du Danemark), le Règlement dit « Bruxelles II bis » du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale fixe des règles visant à faciliter la reconnaissance et la mise en œuvre dans un pays de l’UE des jugements rendus dans un autre pays. Ainsi, un divorce prononcé dans un État membre pourrait être reconnu dans d’autres pays sans autres formalités juridiques.

Complexité des procédures

Depuis le 1er août 2022, ledit règlement a été remplacé par le Règlement « Bruxelles II ter », qui apporte des changements en matière notamment de responsabilité parentale et d’enlèvement d’enfants à l’échelle internationale. En vertu de ce nouveau règlement, les décisions de justice concernant la responsabilité parentale s’appliquent et sont reconnues automatiquement dans d’autres États membres.

Toutefois, un jugement peut ne pas être reconnu pour différentes raisons exposées dans le régime « Bruxelles II », notamment si cela s’avère clairement contraire à l’ordre public, si le jugement a été rendu en l’absence du défendeur ou si l’acte introductif d’instance ne lui a pas été remis en temps utile afin qu’il puisse pourvoir à sa défense ou si la reconnaissance du jugement est inconciliable avec une décision ultérieure rendue dans une instance opposant les mêmes parties.

Par conséquent, le déroulement des procédures peut ne pas toujours être simple. Dans une affaire récente, un couple dont le divorce avait été prononcé à la fois en France et au Royaume-Uni était en désaccord quant à savoir si le jugement rendu en France ou celui prononcé au Royaume-Uni devait être reconnu. Finalement, c’est la première décision qui a prévalu.

Un mariage hors de l’UE peut soulever des difficultés plus grandes encore. Les avocats de Mick Jagger en ont fait la preuve lorsqu’ils ont plaidé, lors d’un procès très médiatisé, l’invalidité de son mariage hindouiste avec Jerry Hall sur l’île indonésienne de Bali en 1991. La définition même de la notion de divorce peut également être source de problèmes.

Au Luxembourg, les pensions alimentaires sont déductibles du revenu imposable à concurrence de 24.000€ par an.

Traitement fiscal des règlements financiers

Une fois que le divorce a été finalisé et que les parties sont parvenues à un accord, des régimes différents peuvent s’appliquer selon les pays en ce qui concerne les paiements de revenu et/ou de pensions alimentaires. Au Luxembourg, par exemple, les pensions alimentaires sont déductibles du revenu imposable à concurrence de 24.000€ par an. Aux États-Unis, en revanche, la récente réforme fiscale a mis fin à certains avantages fiscaux en la matière. Dans la pratique, les règles sont différentes d’un pays à l’autre.

L’impôt sur les plus-values peut également être un facteur à prendre en compte dans une procédure de divorce. Il peut s’appliquer à tout actif devant être vendu par l’un des conjoints dans le cadre du partage des biens, dès lors que des plus-values en découlent.

Si les transferts entre époux ne sont pas imposables, ils peuvent le devenir lorsque la procédure de séparation officielle a été entamée. La plupart des pays accordent un certain délai pour effectuer des transferts, mais encore faut-il que les couples séparés prennent les dispositions adéquates pour pouvoir les réaliser en temps voulu. Chaque pays applique ses propres taux et ses propres exemptions en matière d’impôt sur les plus-values. Au Luxembourg, par exemple, les plus-values à court terme sont pleinement imposées au taux marginal de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Les divorces transfrontaliers s’avèrent toujours complexes, et les enjeux sont souvent élevés. Il pourra être difficile de s’entendre sur la juridiction compétente si le partage des actifs et la garde des enfants sont déjà source de désaccord. Partant, il est essentiel de s’entourer de conseils professionnels adéquats.