Vous voulez transmettre votre entreprise ? Voici les étapes à suivre !
Entrepreneur! Vous souhaitez valoriser votre patrimoine, passer la main, prendre votre retraite ou même changer de vie? Phénomène naturel lié à la vie des sociétés, la transmission d’entreprises concerne aussi bien les sociétés commerciales que les holdings. Que ce soit du côté du vendeur ou de celui de l’acquéreur, un certain nombre d’étapes sont à suivre pour assurer une transmission d’entreprise réussie.
Etape 1: l’évaluation d’une entreprise
La valorisation d’une entreprise repose généralement sur trois méthodes principales ou un mix de ces méthodes.
- La valeur patrimoniale. Elle est égale à la valeur des actifs de l’entreprise diminuée de l’endettement. Ce calcul est basé sur le bilan de la société. Un certain nombre de traitements vont être nécessaires pour obtenir la valeur réelle de la société. En effet, certains éléments ont une valeur difficilement valorisable dans un bilan comme le « good will » qui est par exemple la connaissance des dirigeants de l’entreprise du marché. Cette méthode de la valeur patrimoniale est typiquement utilisée dans les cessions d’entreprises industrielles où on va prendre en compte les actifs de la société (les stocks, les véhicules et les immeubles détenus) ou dans les cessions de sociétés immobilières où on va prendre en compte la valeur des biens immobiliers détenus par la société.
- La valeur de rentabilité. On observe ici non pas ce que l’entreprise possède, mais les revenus qu’elle est capable de générer dans le futur. Cette méthode est basée sur les résultats passés, présents, voire futurs de l’entreprise. On obtient alors un résultat qui va être actualisé en fonction de certains critères (ex: inflation, risque que l’entreprise n’atteigne pas ses objectifs). Cette méthode est généralement appliquée aux entreprises de services qui ont typiquement peu de patrimoine et dont la valeur dépend de leur capacité à générer du profit.
- La valeur de marché ou comparative. On compare la société à transmettre/acquérir avec des entreprises similaires en termes de marché, de revenus ou de taille. Elle repose sur des bases de données de transactions passées.
En fonction du secteur d’activité de la société à transmettre/acquérir, il conviendra de choisir la méthode la plus adaptée ou prévoir une méthode mixte avec des pondérations.
La due diligence acheteur permet d’analyser la situation réelle et de prévoir en amont des coûts futurs à répartir entre le vendeur et l’acheteur.
Etape 2: La due diligence
Il existe deux types de due diligences: la due diligence du vendeur et celle de l’acquéreur. La due diligence vendeur se fait en amont de la transaction et permet de clarifier certains points qui pourraient donner lieu à des discussions inutiles lors de la négociation. La due diligence acheteur permet d’analyser la situation réelle de la cible et de prévoir en amont des coûts futurs à répartir entre le vendeur et l’acheteur. Dans sa due diligence, l’acquéreur analyse certaines caractéristiques de l’entreprise. Pour cela il s’intéressera à:
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- La documentation sociétale comme (i) les statuts de la société et les éventuels avenants, (ii) les procès-verbaux des organes de direction, (iii) les rapports de gestion et les rapports des auditeurs, ou encore (iv) si la société possède des filiales.
- La propriété des titres. Il consultera le registre des actionnaires qui comprend le nom, le nombre et la catégorie des titres souscrits par chaque actionnaire.
- L’existence de licences et d’autorisations administratives. Pour opérer dans certains secteurs (ex : assurance, transport, domaine aérien…) une licence ou autorisation administrative est nécessaire. Aussi, toute société commerciale doit disposer d’une autorisation d’établissement.
- Les principaux contrats signés par la société comme: les contrats signés avec les clients, les contrats souscrits avec les fournisseurs et fabricants, les contrats d’assurances, de prêts, de baux, les garanties données ou obtenues, les accords de non-concurrence ou encore les contrats d’acquisition ou de cession de sociétés/actifs appartenant à l’entreprise.
- Les actifs de la société comme les biens immobiliers (titres de propriété, les contrats de baux, les éventuelles hypothèques ou servitudes), les droits de propriété intellectuelle (les brevets, marques, licences, dessins et modèles et autres franchises), les équipements (ex: parc automobiles) et les stocks détenus par la société.
- Les aspects fiscaux/TVA et impôt.
- Les aspects liés aux personnel, impôts sur salaire et contributions sociales (nombre de salariés, les contrats de travail, s’il y a des conflits/litiges sociaux en cours).
- Les litiges passés, existants ou potentiels impliquant la société, ses dirigeants ou membres du personnel.
- La conformité avec la législation en matière de protection des données (RGPD) de KYC et lutte contre le blanchiment d’argent, le cas échéant.
- Les subventions publiques perçues par l’entreprise et leurs conditions d’octroi.
En fonction des risques détectés, l’acquéreur pourra renoncer, négocier à la baisse le prix proposé pour l’acquisition de la société ou demander des garanties complémentaires. Pour éviter les points saillants lors des négociations et les éliminer en amont lorsque cela est possible, le vendeur a tout intérêt à effectuer avant la mise en vente de son entreprise une due diligence afin d’identifier les éventuelles faiblesses de son entreprise et d’y remédier. La due diligence est donc une étape indispensable à tout transfert d’entreprise aussi bien pour l’acquéreur que pour le vendeur.
Le pacte d’actionnaires est un contrat conclu entre les repreneurs qui fixe les droits et obligations des actionnaires.
Etape 3: Le pacte d’actionnaires
C’est un contrat conclu entre les repreneurs, voire entre le vendeur et le repreneur si ceux-ci sont amenés à rester tous deux actionnaires de la société et qui fixe les droits et obligations des actionnaires. Ce pacte peut comprendre de façon générale les éléments suivants:
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- La clause de nomination des membres de l’organe de gestion fixe le nombre de membres de l’organe de gestion et leur modalité de désignation.
- La clause relative aux modalités de prises de décisions telles que les clauses concernant la nomination des membres des organes de gestion (combien chaque actionnaire peut-il nommer d’administrateur/gérant?) ou encore les modalités de prise de décision (majorité, droit de véto des actionnaires minoritaires pour certaines décisions).
- La clause d’incessibilité des titres empêche la cession des titres pendant une certaine période.
- La clause d’agrément oblige l’actionnaire qui souhaite céder ses titres à obtenir l’accord préalable des autres actionnaires.
- La clause de préemption permet aux actionnaires d’acquérir en priorité les titres de l’actionnaire qui souhaite sortir de la société.
- La clause de confidentialité oblige les parties au pacte à garder son existence confidentielle pendant une certaine période.
- La clause de non-concurrence interdit à un actionnaire de travailler ou de rentrer au capital d’une structure concurrente.
- La clause anti-dilution permet à un actionnaire minoritaire de maintenir son pourcentage de détention dans le capital social de la société en cas d’augmentation de capital.
- La clause d’obligation de sortie conjointe (drag-along) oblige l’actionnaire minoritaire à céder ses titres sous certaines conditions.
- La clause de droit de sortie conjointe (tag-along) permet à l’actionnaire minoritaire de céder ses titres sous certaines conditions.
- Les clauses visant à assurer la liquidité des titres interdisent de prendre des sûretés sur les titres sans accord préalable de tous les actionnaires.
- La clause relative aux modalités d’adhésion au pacte fixe les conditions pour l’entrée d’un nouvel actionnaire dans la société.
- La clause relative à la durée du pacte fixe comme son nom l’indique la durée du pacte.
- La clause de loi et juridiction fixe la loi applicable au pacte et le tribunal compétent en cas de litige relatif au pacte.
- Il peut y avoir des clauses relatives au financement, à la protection des investisseurs ou des fondateurs et aux obligations d’informations périodiques et selon les hypothèses d’autres points peuvent également être inclus.
Etape 4: Le contrat de vente
Ce contrat matérialise le transfert de la société du vendeur à l’acquéreur. Dans ce contrat, le vendeur déclare et garantit à l’acquéreur à travers la clause de déclaration et de garantie la véracité de certaines informations comme, par exemple, qu’il est propriétaire des titres cédés, que la société est valablement existante et en conformité avec les règles fiscales, comptables et sociales en vigueur.
Si les garanties données par le vendeur ne sont pas respectées, l’acquéreur va pouvoir actionner la clause de garantie actif et passif
Si les garanties données par le vendeur ne sont pas respectées, l’acquéreur va pouvoir actionner la clause de garantie actif et passif qui lui permet de se protéger contre des futures charges non-apparentes. Par exemple, en cas d’augmentation du passif, le vendeur s’engage à assumer des dettes inconnues survenant après la cession de la société mais dont les causes sont antérieures.
Les clauses d’accompagnement post-closing prévoient que les dirigeants cessionnaires resteront dans l’entreprise pendant une certaine durée pour, par exemple, faciliter la continuité de l’activité de la société, transférer leur savoir-faire et maintenir le portefeuille clients.
La clause de non-concurrence oblige le vendeur, pendant un certain temps, à ne pas recréer une société avec une activité identique à celle qu’il vient de céder.
En cas d’infractions administratives, civiles ou pénales, d’entente illégale, de travail illégal, de corruption, de fraude, de non-respect de la réglementation en matière de protection des données ou encore de faute de négligence des dirigeants sortants, la société supportera la sanction infligée ce qui imputera les résultats futurs que pouvaient espérer les repreneurs voir même remettre en cause la survie de la société. L’acquéreur sur base du contrat de vente et des garanties données par le vendeur pourra envisager les éventuels recours à l’encontre de celui-ci.
Le transfert d’entreprise est un processus complexe qu’il convient d’anticiper pour ensuite être en position de mener des négociations sereines. Le plus souvent, il est recommandé d’être accompagné tant pour les questions de positionnement stratégique que pour les aspects comptables, fiscaux et légaux.
Ce contenu a été rédigé par Me Renaud LE SQUEREN, Partner – Avocat à la Cour, et Me Matthieu VISSE, Senior Associate – Avocat à la Cour, de DSM Avocats à la Cour.
Cet article fait partie du dossier Dossier « Transmission d’entreprise »
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