L’éducation comme thème d’investissement
De plus en plus, les investisseurs ont à cœur de faire fructifier leur argent dans une cause qui a du sens. Et en matière d’impact, ils n’ont que l’embarras du choix pour influencer le monde qui les entoure. Les 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies sont interconnectés et constituent en ce sens un bon point de départ. Ces objectifs sont au cœur de l’agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, une « marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous ».
La « pièce montée » des ODD de l’ONU
Source: Nations unies
Dans cet article, nous nous penchons sur le quatrième objectif, qui vise à offrir une « éducation de qualité » pour tous. L’éducation constitue à nos yeux un droit fondamental, un élément vital pour la société qui est aussi un ingrédient essentiel d’une croissance inclusive et durable. Elle est d’ailleurs au cœur de la plupart des politiques gouvernementales. Ainsi, l’éducation est l’un des grands principes du plan pour les familles proposé par le président Joe Biden qui, avec une enveloppe de 1.800 milliards de dollars, entend soutenir la classe moyenne et faire en sorte que tous les Américains puissent profiter de la croissance économique1.
Les ODD s’imbriquent les uns dans les autres et l’éducation est l’un des domaines où l’investissement génère les bénéfices les plus vastes. Elle offre la possibilité d’acquérir des compétences essentielles sur le plan personnel et professionnel, permet aux gens de se sortir de la pauvreté et contribue à l’autonomisation et à la bonne santé des populations. Selon la Brookings Institution, la scolarisation des jeunes filles dans le secondaire constitue le meilleur investissement contre le changement climatique, et aussi le plus rentable2.
Un environnement d’apprentissage mixte
Traditionnellement, l’éducation universelle était perçue comme un bien public qui devait être fourni par l’État. Mais la pression exercée sur les budgets et l’incapacité à répondre aux besoins croissants en matière d’éducation ont sérieusement restreint l’offre dans certains pays. Et la crise sanitaire mondiale n’a fait qu’aggraver la situation. Les années 2020 étaient attendues comme la « décennie des résultats » en matière d’éducation, mais force est de constater que le compteur tourne à rebours. Deux tiers des pays à revenu faible ou moyen inférieur ont réduit leurs dépenses d’éducation et le déficit de financement de l’éducation au niveau mondial pourrait bientôt atteindre 200 milliards de dollars par an3. En outre, les intérêts bien ancrés qui caractérisent l’enseignement public compliquent l’innovation et la refonte du système existant.
Ceci représente une bonne occasion pour les capitaux privés de jouer un rôle plus actif dans le secteur, en apportant innovation et numérisation. Le Covid-19 a déjà servi d’accélérateur en induisant la plus grande rupture des systèmes éducatifs jamais observée lorsque les salles de classe et les amphithéâtres ont investi la sphère numérique. Nous voyons se profiler un « environnement d’apprentissage mixte » dans lequel les technologies de l’information et de la communication compléteront les méthodes d’enseignement traditionnelles pour répondre à des besoins croissants et à l’évolution de la demande.
Mégatendances
En tant que thème d’investissement, l’éducation se frotte à diverses « mégatendances » qui continueront à remodeler le paysage mondial à long terme, et notamment…
À terme, l’apprentissage en ligne pourrait permettre aux communautés les plus reculées d’accéder à un enseignement de qualité.
Numérisation – En avril 2020, près de 200 pays ont annoncé des fermetures d’écoles ou d’universités, touchant environ 1,6 milliard d’étudiants. Si l’impératif de reporter l’activité en ligne a plongé bien des étudiants dans un long désarroi, il a accéléré l’adoption de nouvelles méthodes d’enseignement innovantes, créant au passage d’importants moteurs de croissance dans le secteur. À terme, l’apprentissage en ligne pourrait permettre aux communautés les plus reculées d’accéder à un enseignement de qualité.
Nous pensons qu’une fois la pandémie terminée, la technologie jouera un rôle d’appoint plus important dans l’éducation et identifions un potentiel de croissance considérable. D’ailleurs, lʼ« edtech » connaît déjà une forte dynamique. Après avoir levé pas moins de 1,7 milliard de dollars en 2019, les start-ups américaines actives dans ce secteur ont battu un nouveau record en 2020, avec 2,2 milliards de dollars4. Mais à l’échelle mondiale, ceci ne représente qu’une goutte dans l’océan. Le cabinet d’études de marché spécialisé dans l’éducation HolonIQ a recensé plus de 16 milliards de dollars levés en capital-risque par les entreprises de ce secteur dans le monde en 2020, dont plus de 77% en Chine et en Inde.
En ce qui concerne l’enseignement non conventionnel, l’on notait avant la pandémie une tendance à la multiplication des plateformes en ligne. Les applications d’apprentissage des langues telles que Babbel et Duolingo étaient considérées comme des outils tout à fait valables pour apprendre une langue (selon une étude indépendante menée par la City University of New York et l’Université de Caroline du Sud, 34 heures de Duolingo équivalent à un semestre universitaire complet d’enseignement linguistique). Dans le même temps, les plateformes dites MOOC (« massively open online courses »), telles que Coursera ou edX, démocratisaient l’enseignement en mettant à la disposition de tous, gratuitement (ou pour un prix modique permettant d’obtenir une certification), des cursus entiers dispensés par des institutions renommées telles que Harvard et Yale. Ces plateformes exploitent les données de millions d’apprenants, en utilisant l’apprentissage automatique pour noter automatiquement les devoirs et fournir du contenu et des évaluations adaptés. Le coût croissant de l’enseignement supérieur renforce l’attrait des alternatives en ligne. À titre d’exemple, aux États-Unis, les étudiants peuvent payer autour de 38.000 dollars par an pour les frais et le logement dans une université publique, et environ 50.000 dollars dans une université privée5.
À ce titre, nous pensons que les outils en ligne continueront à se multiplier, ce qui stimulera la croissance du secteur dans des domaines tels que la réalité virtuelle et/ou augmentée, l’impression 3D et les robots-enseignants dotés d’intelligence artificielle. Dans les pays en développement, des entreprises privées investissent pour permettre aux enfants d’avoir accès à des ordinateurs à un prix abordable aux fins de l’apprentissage en ligne. Le WAWA Laptop est ainsi le tout premier ordinateur portable développé au Pérou, fabriqué à partir de matériaux recyclés et alimenté par un panneau solaire portable. Il vise à démocratiser l’accès des enfants à la technologie et à l’éducation. Au niveau mondial, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Le rythme de l’évolution technologique est tel qu’il existe un besoin croissant d’éducation pour éviter que les compétences existantes ne deviennent obsolètes.
Apprentissage continu – L’apprentissage continu est un thème qui gagne peu à peu en puissance à mesure que la proportion de retraités augmente dans la population et que les travailleurs se voient forcés de mettre à jour leurs connaissances tout au long de leur carrière. La pandémie a marqué le début, plus tôt que prévu, de la quatrième révolution industrielle et le rythme de l’évolution technologique est tel qu’il existe un besoin croissant d’éducation pour éviter que les compétences existantes ne deviennent obsolètes. Selon nous, le schéma de « diplôme unique » devrait être peu à peu remplacé par une dynamique d’apprentissage s’étalant sur toute la vie. Selon le rapport sur l’emploi 2020 du Forum économique mondial, pour les travailleurs appelés à rester dans leurs fonctions, la part des compétences de base qui changeront au cours des cinq prochaines années est de 40%, et un employé sur deux devra se recycler.
Les entreprises prennent conscience que la formation est plus importante que jamais et qu’il convient de donner aux employés la possibilité de se « perfectionner ».
Changements sociétaux – À l’heure actuelle, 11% de la population mondiale n’a suivi aucune formation préalable. Ce chiffre devrait reculer à 5% d’ici 2050. À mesure que la richesse augmente dans les pays en développement, la classe moyenne en pleine expansion cherche à s’instruire, consciente qu’il s’agit d’un moyen sûr d’améliorer ses perspectives d’avenir. En Chine, l’une des économies affichant la croissance la plus rapide au monde, c’est bien l’éducation qui, depuis 2010, se voit allouer la plus grande part des dépenses publiques. L’éducation ATAWAD (« Any time anywhere, any device ») élargit le marché cible potentiel, en facilitant l’accès, notamment dans les zones rurales.
Dans les pays développés, il existe également un désir de faire des études supérieures afin de bénéficier de meilleures perspectives de carrière et d’un niveau de vie plus élevé. Beaucoup sont à la recherche d’un CV multi-facettes qui améliore leur employabilité, en passant soit par la voie de l’éducation traditionnelle, soit par des certifications sectorielles. L’innovation est essentielle pour répondre à l’augmentation et à l’évolution de la demande et il ne fait aucun doute que les programmes et méthodes d’enseignement doivent s’adapter, notamment pour soutenir le développement professionnel.
La génération des Millennials contribue en particulier à la demande d’éducation. Si, au regard des critères d’autrefois, ils donnent l’impression d’être « pauvres » (car boudant les symboles traditionnels de statut social tels que la maison, la voiture et les possessions matérielles en général), ils se protègent en fait pour l’avenir en investissant intelligemment dans leur éducation, ce qui les aidera à réussir dans la « nouvelle économie ».
Conséquences pour les investisseurs
Les tendances décrites ci-avant ne semblent pas près de s’essouffler et tant qu’elles perdureront, l’éducation restera un thème important.
La demande d’éducation est appelée à augmenter, que ce soit dans les économies en développement où la classe moyenne est en pleine expansion ou dans les pays développés où les populations souhaitent se perfectionner et élargir leurs horizons.
La demande d’éducation est appelée à augmenter, que ce soit dans les économies en développement où la classe moyenne est en pleine expansion ou dans les pays développés où les populations souhaitent se perfectionner et élargir leurs horizons. Une foule de technologies et d’innovations restent à exploiter dans ce domaine, qui permettront d’élargir l’accès à l’éducation et d’en améliorer l’utilité pour tous. Au sein du vaste écosystème de l’éducation, il existe un large éventail d’entreprises qui se concentrent, par exemple, sur le contenu et les outils éducatifs, sur l’édition (livres, magazines professionnels, médias éducatifs, etc.), sur le développement de l’edtech (logiciels et matériels), sur la sécurité des données ou encore sur la fourniture d’infrastructures éducatives. Les possibilités sont innombrables.
Enfin, et ce n’est certainement pas le moins important, le déploiement de capitaux privés dans ce domaine présente également des avantages sociétaux plus larges. Si l’éducation est en soi l’un des 17 Objectifs de développement durable, elle contribue par ailleurs largement à la réalisation d’autres objectifs du cadre onusien. La pandémie a mis en évidence une grande fracture sociale qu’il faudra absolument résorber si nous voulons parvenir à une croissance durable et inclusive. « Investir dans l’éducation est un acompte sur l’avenir de l’Amérique », expliquait récemment Joe Biden. Nous pourrions extrapoler et affirmer qu’investir au niveau mondial pour promouvoir l’éducation, c’est un acompte sur l’avenir de notre monde.
Les avantages économiques pourraient en effet être considérables. On estime que le fait de garantir la scolarité de chacune des jeunes filles de ce monde durant 12 ans pourrait permettre de produire jusqu’à 30.000 milliards de dollars de croissance économique mondiale : tous les pays en bénéficieraient6. Dans un secteur qui connaît des changements structurels profonds, de nouvelles opportunités se présentent aux investisseurs. L’éducation est un thème très vaste et il existe de nombreux canaux à la disposition des investisseurs qui souhaitent investir dans ce domaine.
On estime que le fait de garantir la scolarité de chacune des jeunes filles de ce monde durant 12 ans pourrait permettre de produire jusqu’à 30.000 milliards de dollars de croissance économique mondiale.
1 https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/28/fact-sheet-the-american-families-plan/
2 https://www.brookings.edu/opinions/want-to-save-the-planet-invest-in-girls-education/
3 https://en.unesco.org/news/unesco-warns-funding-gap-reach-sdg4-poorer-countries-risks-increasing-us-200-billion-annually
4 https://www.edsurge.com/news/2021-01-13-a-record-year-amid-a-pandemic-us-edtech-raises-2-2-billion-in-2020
5 https://www.topuniversities.com/student-info/student-finance/how-much-does-it-cost-study-us
6 https://www.ft.com/content/d0948e4b-4dc6-4cdc-b357-28690d1edcbb