Mes finances, mes projets, ma vie
22 novembre 2024

Bien-être financier : ce que les ménages modestes peuvent nous apprendre

Comment évaluer son bien-être financier ? Dans un autre article sur l’état d’esprit de ceux qui réussissent financièrement, nous avons mis en évidence l’importance de renouveler sa pensée en accord avec certains principes pour maintenir un rapport sain à ses finances. Ainsi, au-delà des chiffres objectifs qui permettent d’évaluer l’état de nos finances, notre perception de cette réalité est tout autant déterminante pour en tirer le meilleur et l’améliorer.

Synthèse

      • Au-delà de l’évaluation objective des moyens disponibles, le bien-être financier inclut des notions de perceptions et de liberté financière.
      • On peut avoir peu et se sentir financièrement mieux qu’une personne aisée habitée par une perception de manque.
      • Le bien-être financier peut se mesurer à l’aide de trois critères : respecter ses engagements financiers, se percevoir à l’aise financièrement et adopter une attitude de résilience.
      • Avant de changer ses habitudes financières il faut savoir si c’est l’argent qui contrôle notre vie ou si nos habitudes de vie nous permettent de garder le contrôle de notre argent.

L’aisance financière ne se mesure pas à la seule évaluation objective de vos avoirs, mais également selon votre perception de cette réalité. C’est pourquoi, lorsqu’on est dans un état de précarité financière, il est capital de ne pas se focaliser sur le manque sous peine de s’enfermer dans un cercle vicieux mental. En matière de perception financière, il est primordial de savoir distinguer manque et frugalité. On peut avoir très peu, être un bon gestionnaire de ses finances et se sentir satisfait. A l’inverse, on peut avoir beaucoup et toujours se sentir en état de manque.

Qu’est-ce que le bien-être financier ?

Pendant longtemps, la tendance a été d’évaluer la santé financière des consommateurs au travers de l’état objectif et chiffré de leurs finances et de leur accès aux services financiers. Et de fait, il est évident que cela joue un rôle. Une définition générale de l’état de bien-être financier primaire d’une personne doit inclure le concept de viabilité. Ce dernier consiste à pouvoir répondre confortablement à ses besoins vitaux (alimentation, logement, santé, ressources, …) avec ses moyens financiers disponibles. La viabilité exige de disposer d’un revenu récurrent et/ou d’une épargne suffisante afin d’éviter d’être obligé d’emprunter pour effectuer les dépenses quotidiennes liées à ces besoins vitaux.

Grâce à la finance comportementale, il est désormais établi que le bien-être financier est plus complexe et comprend des concepts de psychologie, de comportements et de perceptions qui ont un impact tout aussi important sur l’état de santé objectif des finances d’une personne.

Il est établi que le bien-être financier comprend des concepts de psychologie, de comportements et de perceptions qui ont un impact important sur l’état de santé objectif des finances d’une personne.

En 2017, le chercheur Brüggen et ses co-auteurs ont défini le bien-être financier comme « la perception […] d’être en mesure de maintenir les objectifs actuels et prévus de niveaux de vie et de liberté financière ». Vu sous cet angle nouveau, on comprend pourquoi une personne qui vit frugalement, mais dans un environnement où elle ne perçoit pas la nécessité de consommer davantage, peut se sentir réellement libre et bien financièrement. À l’inverse, cela explique aussi pourquoi une personne vivant dans un environnement où elle ne cesse de se comparer à ceux qui ont un train de vie supérieur, ne se sentira pas bien financièrement. Elle éprouvera sans cesse le besoin de consommer plus, quitte à vivre au-dessus de ses moyens pourtant confortables. Étant prisonnière d’une obsession du « toujours plus », elle se trouvera dans un état de mal-être financier. Cette situation n’est pas viable et peut mettre en danger la santé mentale et financière d’une telle personne.

Cette réalité est connue sous le nom du paradoxe d’Easterlin. Identifié pour la première fois en 1974 par Richard Easterlin, il décrit le phénomène selon lequel, au-delà d’un certain seuil de revenus, l’accroissement marginal du bien-être retiré d’une hausse de revenus tend à s’amoindrir voire à régresser. Ici, c’est bien l’état d’esprit d’une personne et non ses revenus qui impacte négativement son bien-être financier.

Les critères du bien-être financier

Dans un article scientifique datant de 2022, F.L. Carton et ses collègues ont tenté de définir de nouveaux critères pour évaluer le bien-être financier pour tous, mais en se penchant particulièrement sur le cas de ménages très modestes en Irlande. De leurs recherches, ressortent trois critères majeurs pour évaluer le bien-être financier, tant sur le plan objectif que sur le plan de la perception subjective. Il faut respecter ses engagements financiers, se percevoir à l’aise financièrement et adopter une attitude de résilience pour l’avenir.

Respecter ses engagements financiers. Cela consiste à mesurer si les individus sont en mesure de répondre à leurs besoins financiers actuels et futurs en évitant de tomber dans des problèmes récurrents de paiement et d’accumuler des arriérés de paiement. Auprès des ménages modestes passés à la loupe, les chercheurs ont ainsi constaté beaucoup de bien-être financier chez les personnes capables de faire preuve de flexibilité, de réajuster leurs dépenses et de se débrouiller pour éviter l’endettement. C’est une leçon importante car on peut avoir des revenus confortables et s’enfoncer dans l’endettement. Il suffit pour cela d’un accident de vie, même temporaire, qui engendre une forte perte de revenus et empêche d’honorer les nombreuses échéances de paiement sur des crédits en cours.

Être à l’aise financièrement. Ce critère permet d’évaluer dans quelle mesure un individu se perçoit comme se trouvant dans une situation qu’il qualifie lui-même de confortable financièrement. Cette mesure n’est pas corrélée au niveau de revenus, mais prend par exemple en compte des éléments de satisfaction comme « être en mesure de payer en temps et en heure ses échancres de crédit » ou, plus globalement, être « dans le vert » même modestement sur le plan financier.

La résilience pour l’avenir. Ce critère est utilisé pour établir dans quelle mesure une personne est capable de se remettre d’un événement inattendu, d’un choc financier ou de disposer d’une épargne régulière pour les projets familiaux. Succomber aux achats impulsifs ou ne pas avoir conscience d’être dans une spirale dépensière impactent négativement cette catégorie.

Leçons tirées des ménages modestes

Sur base de ces nouveaux critères pour évaluer le bien-être financier, il est temps d’intégrer à votre routine financière quelques bonnes pratiques inspirées de ceux qui, tout en vivant modestement, estiment jouir d’un bien-être financier satisfaisant.

Reprenez le contrôle. Vous pouvez commencer à changer vos habitudes en vous posant cette question simple : est-ce votre argent (le supposé manque, le besoin de plus) qui contrôle votre vie ou avez-vous un train de vie qui vous permet de contrôler vos entrées et sorties d’argent ? C’est un questionnement majeur qui va vous permettre de réévaluer un certain nombre de vos bonnes et mauvaises habitudes. Le tout est de répondre honnêtement.

Dite stop à la pression sociale et apprenez à répondre à vos véritables envies et besoins.

Arrêtez de vous comparer. Saviez-vous que beaucoup de personnes très à l’aise financièrement sont surendettées parce qu’elles ne peuvent pas s’empêcher de se comparer et d’envier ceux qui ont encore plus ! Une personne aux revenus modestes, mais qui se sent bien financièrement, a compris que se comparer aux autres engendre uniquement de la frustration et génère un sentiment de manque qui n’est pas forcément lié à ses propres envies. Dites stop à la pression sociale et apprenez à répondre à vos véritables envies et besoins.

Appréciez la rareté et miser sur les options de qualité. Connaissez-vous le paradoxe de l’abondance ? Il intervient lorsqu’une ressource rare et difficile à obtenir devient courante et abondante. On ne parvient alors plus à l’apprécier, on s’en lasse. Si vous voulez toujours plus et que vous avez l’impression de tout pouvoir avoir en quantité importante, quelque chose ne tourne pas rond au niveau de votre bien-être financier. Une personne aux revenus modestes sait apprécier la rareté et établir des plans financiers pour parvenir à se procurer ce qu’elle désire vraiment. Une fois le but atteint, la satisfaction n’en sera que plus grande. Posez-vous la question de savoir ce qui vous motive vraiment, créez un plan et cherchez des options de qualité. Arrêtez l’accumulation inutile. Vouloir davantage pour concrétiser un projet précis ou répondre à un besoin réel est une chose, vouloir plus pour le principe de vouloir plus contribuera peut-être à accroître votre capital, mais pas à augmenter votre bien-être financier

Tirez le meilleur de ce que vous avez déjà. Le contexte environnemental actuel nous pousse tous à faire quelques efforts et à moins gaspiller. Ce comportement est également bénéfique pour votre bien-être financier. Au lieu d’acheter toujours plus, apprenons à mieux valoriser et à mieux apprécier ce que nous possédons ? Les personnes aux revenus plus modestes n’ont souvent d’autres choix que de se livrer régulièrement à cet exercice, mais certains parviennent à en faire un comportement vertueux qui est source de satisfaction. Chacun peut s’en inspirer et faire de même. Pour cela, appliquez « la loi des R » avec les biens que vous possédez. R pour réutiliser, réparer, recycler, réduire, réaffecter.

La loi des R pour réutiliser, réparer, recycler, réduire, réaffecter

Faites le tri entre bonnes et mauvaises dettes. Avoir des dettes n’est pas nécessairement problématique, encore faut-il savoir faire le tri entre bonne et mauvaise dette. Pour faire simple, une mauvaise dette est contractée pour payer un bien dont l’usage n’est pas indispensable et dont la valeur va nécessairement se dégrader et engendrer une perte de richesse. C’est notamment le cas d’un prêt à la consommation contracté pour payer un deuxième véhicule acquis par plaisir et non par nécessité. Une bonne dette est une dette contractée en vue de permettre, outre un éventuel usage immédiat, un rendement et un enrichissement sur le long terme. C’est le cas pour un achat immobilier pour lequel, contrairement à la location, vous devenez propriétaire du bien à terme.

Début 2022, la Banque Centrale du Luxembourg publiait des chiffres sur la dette des ménages. On y apprenait qu’au Luxembourg, le ratio dette-sur-revenu disponible a plus que doublé en 25 ans passant de 75% en 1995 à 175% en 2020. Dans le détail, c’est la dette hypothécaire qui a largement déterminé l’endettement des ménages en passant de 47% de leur revenu disponible en 1999 à 141% en 2020. Ce qui est intéressant, c’est que dans le même temps les autres composantes de l’endettement des ménages dont notamment les crédits à la consommation sont restés stables à 35%.

Donc certes, les ménages au Luxembourg sont plus endettés, mais, comme le souligne la BCL, les ménages détiennent des actifs financiers qui peuvent aider à rembourser la dette en cas de choc négatif sur le revenu disponible. Le patrimoine financier des ménages a en effet progressé plus rapidement que celui du revenu disponible. Il convient toutefois de rappeler qu’à niveau d’endettement égal, un ménage aux revenus plus élevés est moins exposé à un choc financier qu’un ménage plus modeste. D’où l’importance, surtout pour ces derniers, de faire systématiquement l’inventaire et de ne pas hésiter à couper, vendre ou réajuster leur niveau d’endettement pour pérenniser une certaine forme de bien-être financier.

Rappelez-vous que la clé du bien-être financier réside dans la liberté financière. Un prêt hypothécaire doit représenter un juste investissement pour l’avenir sans écraser votre liberté quotidienne de jouir de votre argent ! Parvenir à une liberté financière totale est possible, mais le chemin pour y parvenir est long et demande beaucoup de discipline. Aujourd’hui est le meilleur jour pour se mettre en chemin.