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3 décembre 2024

Héritage, divorce : comment sortir de l’indivision ?

Vous avez hérité de la maison familiale avec vos frères et sœurs. Vous venez de divorcer et devez partager votre patrimoine avec votre ex-partenaire. Certains de ces biens vont se retrouver en indivision, c’est-à-dire que vous allez en devenir propriétaire avec d’autres personnes. Comment cela fonctionne-t-il et comment sortir de cette situation ? myLIFE vous donne quelques pistes.

Qu’est-ce que l’indivision ?

Commençons par une définition : l’indivision est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes sont collectivement propriétaires d’un ou de plusieurs biens (le ou les biens indivis).

Concrètement, cette situation peut apparaître, par exemple, lorsque plusieurs héritiers sont concernés par une même succession (indivision successorale) ou en cas de divorce (indivision post-communautaire). Jusqu’à ce que le partage soit effectué, le patrimoine (maison, meubles, comptes bancaires, etc.) se retrouve en indivision. Il appartient indistinctement à tous les bénéficiaires, appelés « les indivisaires » (héritiers ou ex-conjoints), qui possèdent chacun des droits sur le bien.

Prenons l’exemple de Thomas. Après le décès de ses parents, il a hérité, avec ses deux frères, d’une maison sur les bords de la Moselle. Aucun des membres de la fratrie n’est le détenteur exclusif de la demeure. Ils sont propriétaires en indivision de la maison familiale.

Cela implique qu’ils peuvent chacun profiter du logement, à condition de respecter les droits des autres indivisaires et la destination du bien immobilier (une maison d’habitation ne pourra pas être transformée en local commercial, par exemple). Ils assumeront collectivement les dépenses qui y sont liées (charges, impôts, etc.), proportionnellement aux parts qu’ils détiennent dans l’indivision.

Attention : si l’un des indivisaires profite exclusivement du bien indivis – l’un des frères de Thomas, qui souhaite faire de la maison familiale sa résidence principale, par exemple – il devra verser une indemnité aux autres indivisaires.

Indivision subie et indivision choisie

L’indivision successorale et post-communautaire sont des indivisions « subies ». Mais il existe également des situations où l’indivision est « choisie ». C’est notamment le cas lors d’un achat immobilier à plusieurs. Appliquée par défaut, cette forme d’acquisition est moins contraignante que la constitution d’une SCI, par exemple, notamment pour les couples liés par un partenariat ou en concubinage. Les indivisaires deviennent ainsi propriétaires à hauteur de leur contribution financière au moment de l’achat et possèdent des droits sur l’ensemble du bien.

Quelles sont les conditions de gestion d’un bien en indivision ?

Pendant toute la période d’indivision, des règles strictes doivent être respectées. C’est notamment le cas, pour les décisions liées à la gestion du bien indivis.

Les « actes de disposition » (vente ou don du bien à un tiers) ou encore les « actes d’administration » traitant de sa gestion courante (souscription d’une assurance habitation, renouvellement ou résiliation d’un bail, etc.) doivent ainsi être décidés à l’unanimité.

En revanche, les décisions concernant les « actes de conservation » visant à sauvegarder le patrimoine (travaux de réparation urgents, paiement des charges, etc.), peuvent être prises individuellement, sans avoir besoin d’obtenir l’accord des autres indivisaires. Les fonds de l’indivision pourront alors être utilisés pour couvrir les frais (à défaut de fonds, les indivisaires peuvent être contraints à participer aux dépenses).

Si Thomas souhaite, par exemple, mettre la maison familiale en location (acte d’administration) ou si le cadet de la famille envisage de vendre le bien pour récupérer l’argent de la transaction, il leur faut obtenir l’autorisation des deux autres frères. Si l’un des membres de la fratrie n’est pas d’accord, la situation est bloquée.

Dans le cadre d’une indivision post-communautaire, les règles sont identiques. Un couple qui aurait acheté une maison, se retrouve en indivision durant la procédure de divorce. Le logement appartient conjointement aux deux ex-époux et les décisions doivent être prises de concert (pour les actes de disposition et d’administration). Cette situation peut s’avérer conflictuelle si les ex-conjoints ne s’entendent pas ou si l’un des deux souhaite vendre le bien, alors que l’autre désire le conserver.

Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué (…).

Comment sortir de l’indivision ?

La loi précise que « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention” (article 815 du Code civil Luxembourgeois).

Cela signifie qu’il est possible de sortir de l’indivision à tout moment et d’imposer le partage des biens indivis, sauf convention ou jugement contraire.

Cette procédure peut se faire à l’amiable (lorsque les indivisaires trouvent un accord) ou par voie judiciaire. Plusieurs solutions sont alors possibles.

  • Le partage en nature : les biens sont répartis de manière équitable et partagés en lots de valeur équivalente aux droits que possède chaque indivisaire dans l’indivision. Si l’un d’eux reçoit un lot d’une valeur inférieure à ses droits, il peut demander une soulte (une somme d’argent visant à compenser l’inégalité). Dans nos deux précédents exemples, le partage est matériellement impossible puisque le bien indivis est une maison qui ne peut être fractionnée.
  • La vente du bien : tous les indivisaires sont d’accord pour vendre le bien indivis et ont trouvé un terrain d’entente sur sa valeur. Ils se partageront le produit de la vente en fonction des parts détenues par chacun.
  • La vente d’une part : lorsqu’un seul indivisaire souhaite sortir de l’indivision, il peut soit vendre ses parts à un autre indivisaire, soit les céder à un tiers. En cas de vente à un tiers, il est dans l’obligation d’informer les autres indivisaires de son intention et de préciser les conditions de vente (nom, prénom et adresse du domicile de l’acheteur).

Droit de préemption : chaque indivisaire peut s’opposer à la vente à un tiers (pour conserver le bien dans la famille ou éviter de devoir administrer un bien avec un étranger, par exemple) en exerçant son droit de préemption. Les indivisaires sont alors prioritaires lors de la mise en vente. L’offre devra cependant être alignée sur celle de l’acheteur, et la vente effectuée dans un délai de deux mois. Si plusieurs indivisaires souhaitent acquérir la part en vente, ils peuvent le faire en fonction de leurs droits respectifs (sauf accord entre eux).

Bon à savoir : dans un cadre international, la fin d’une indivision peut également emporter des conséquences fiscales qui peuvent être significatives en fonction de l’Etat de situation du bien ou du lieu de résidence des propriétaires (impôt sur la plus-value, paiement d’un droit de partage etc.). Cette situation varie d’un pays à l’autre et il est important de se faire accompagner par un notaire et/ou un avocat fiscaliste.

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le principe et/ou sur les modalités de partage ou de vente, ils n’auront pas d’autre choix que de saisir le Tribunal.

Quelle solution en cas de désaccord ?

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le principe et/ou sur les modalités de partage ou de vente, ils n’auront pas d’autre choix que de saisir le Tribunal.

Selon les situations et sous condition, le juge pourra réclamer le maintien dans l’indivision pour une durée limitée ou prononcer le partage par le biais d’une procédure en licitation (vente aux enchères). À ce stade, les indivisaires auront encore la possibilité, sous certaines conditions, de s’opposer à la licitation et de demander une vente de gré à gré (en direct avec un acheteur).

Bon à savoir : une vente forcée par adjudication judiciaire peut aussi être provoquée par un créancier en cas de dettes : sur le bien indivis (hypothèque d’une banque sur la maison du couple qui divorce) ou d’un indivisaire (si Thomas doit plusieurs mois de loyer à son propriétaire, par exemple). Dans ce dernier cas, la procédure peut être stoppée, si la dette est remboursée par les autres indivisaires.

Quoi qu’il en soit, il est toujours préférable de trouver une solution amiable pour sortir de l’indivision. Les procédures devant les tribunaux sont longues, coûteuses (frais d’avocat, d’huissier, d’expert, etc.) et elles risquent d’envenimer les relations entre les indivisaires.

Le sujet étant complexe et les situations d’indivision nombreuses, il vous est fortement conseillé de vous rapprocher d’un notaire ou d’un avocat spécialisé afin de protéger au mieux vos intérêts. Ces experts seront aussi à même de vous informer sur les implications juridiques et fiscales de vos décisions. Bonne chance !

Merci à Maître DEKHAR, Avocate à la Cour et associée de l’étude SD LAW, pour sa contribution à cet article.