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21 novembre 2024

La durabilité en investissement et les fonds responsable

La notion d’« alignement sur l’Accord de Paris » relève davantage d’un problème de style que d’une question d’investissement. Il faut reconnaître que la confusion règne autour de l’étiquetage des portefeuilles des investisseurs en matière de durabilité. Pour qui souhaite conférer à son argent un impact positif, l’éventail de choix est parfois déconcertant, et il peut être complexe d’assurer une bonne harmonie entre investissements et valeurs.

Inévitablement, les points de vue divergent concernant les critères de durabilité. L’industrie nucléaire en est un bon exemple. Pour certains, notamment le gouvernement français, elle représente un aspect essentiel de la transition vers la décarbonation, mais pour d’autres, il s’agit d’une menace environnementale qui n’a pas sa place dans un portefeuille « responsable ». L’étiquetage en matière de durabilité ou d’ESG (environnement, social et gouvernance) doit tenir compte de ces différents points de vue et tenter de les organiser en catégories pertinentes.

C’est ce que les régulateurs et législateurs européens ont tenté de faire avec le règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Trois volets essentiels de la législation – les articles 6, 8 et 9 – ont été adoptés comme des classifications ou des étiquettes de facto, même si telle n’était pas l’intention des auteurs de la réglementation. La question a suscité un débat parmi les régulateurs et les décideurs politiques de l’UE quant à la nécessité d’une réécriture complète du SFDR afin d’y incorporer un régime d’étiquetage explicite en lieu et place de l’utilisation informelle des étiquettes des articles 8 et 9 pour désigner les fonds durables. En juillet 2024, toutefois, presque tous les fonds domiciliés en Europe continuent d’être soumis à l’article 6 de la législation, et certains d’entre eux également à l’une des exigences des deux autres articles.

En quoi consistent les fonds relevant des articles 6, 8 et 9 du SFDR?

Les fonds dits « Article 9 », dont le SFDR stipule qu’ils doivent revendiquer un objectif durable, peuvent être considérés comme la catégorie « la plus verte », explique Alessandra Simonelli, Responsable du développement durable à la Banque Internationale à Luxembourg. « Ces fonds sont conçus pour atteindre certains objectifs – en matière de décarbonation, par exemple, ou d’inclusion sociale ». Le règlement stipule qu’un fonds relevant de l’article 9 doit « avoir pour critère principal l’investissement durable. Il doit répondre à des critères stricts pour démontrer que ses investissements contribuent à la réalisation d’objectifs environnementaux ou sociaux ».

Les gestionnaires de fonds ont une obligation de transparence quant aux objectifs qu’ils adoptent et à la manière dont leurs produits les atteignent. Si un classement au titre de l’article 8 est un strict minimum pour tout fonds qui se déclare engagé dans le développement durable, les classements au titre de l’article 9 du SFDR sont désormais considérés comme la référence ultime de l’investissement durable, car ces fonds ne se contentent pas de revendiquer l’intégration de critères ESG, mais ils l’ont réalisée, la mesurent et rendent réellement compte de la manière dont ils ont respecté leur Objectif durable. Des difficultés initiales sont apparues concernant la disponibilité de l’information et la difficulté relative de mesurer les différents impacts.

La législation stipule que les produits promouvant des caractéristiques environnementales ou sociales ou une combinaison de celles-ci, étiquetés fonds « Article 8 » en vertu du SFDR, doivent expliquer comment ils utilisent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur prise de décision », explique Alessandra Simonelli. Il existe différents types de fonds, notamment ceux dont la stratégie combine des facteurs environnementaux et sociaux, qui se concentrent sur certains thèmes ou, dans certains cas, sur certains secteurs (par exemple, les fonds qui n’investissent que dans les secteurs d’activité considérés comme moins préjudiciables pour l’environnement, etc.).

Les fonds relevant de l’article 8 dont la stratégie combine des facteurs environnementaux et sociaux ne sont pas toujours le choix idéal pour un investisseur qui vise des exclusions spécifiques ou qui est particulièrement préoccupé par une question donnée, comme la protection de l’environnement. Il s’agit souvent d’une option généraliste pour les investisseurs qui souhaitent que leur argent soit utilisé de manière bénéfique pour la nature ou la société humaine, ou qui prennent en compte des facteurs environnementaux ou sociaux dans leurs décisions d’investissement. Les fonds thématiques relevant de l’article 8 permettront aux investisseurs d’aligner leurs investissements sur des valeurs et des intérêts personnels plus spécifiques en ciblant des thèmes, des activités ou des secteurs particuliers.

On notera toutefois que les fonds répondant aux critères de l’article 8 du SFDR n’excluent pas nécessairement les secteurs problématiques ou controversés, comme l’industrie pétrolière et gazière ou le tabac et les cigarettes. Certains fonds axés sur la durabilité adoptent une approche « best-in-class », ciblant les entreprises les plus solides de chaque secteur, ce qui peut poser problème aux investisseurs qui s’attendent à ce que ce type de fonds n’investisse pas dans des producteurs de combustibles fossiles ou des fabricants de tabac.

Ni tout noir ni tout blanc, mais avec des nuances de vert

L’article 6 du SFDR s’applique à la quasi-totalité des fonds, y compris ceux dont les stratégies d’investissement n’ont pas de prétentions particulières en matière de durabilité. Bien que les fonds couverts uniquement par l’article 6 ne promeuvent pas de caractéristiques environnementales ou sociales, ils doivent néanmoins examiner et divulguer la manière dont ils prennent en compte les risques liés à la durabilité. Tous les produits d’investissement relevant du SFDR sont ainsi tenus de rendre compte des impacts potentiels liés à la durabilité sur leur performance, ce qui assure une certaine intégration de la durabilité au sein du marché financier.

Les clients demandent souvent si le produit est vert ou non lorsque nous parlons de durabilité de l’investissement, mais ce n’est pas tout noir ni tout blanc – nous parlons de nuances de vert ».

« Les clients demandent souvent si le produit est vert ou non lorsque nous parlons de durabilité de l’investissement, mais ce n’est pas tout noir ni tout blanc – nous parlons de nuances de vert. La question porte en réalité sur le type de stratégie qui est appliqué, et sur le degré d’implication du gestionnaire dans l’application de ces stratégies », explique Alessandra Simonelli.

Pour un certain nombre de ses produits, la BIL détient des labels LuxFLAG ESG, faisant partie d’une gamme couvrant sept catégories de produits: environnement, financement climatique, microfinance, obligations vertes, ESG, produit d’assurance ESG et mandat discrétionnaire ESG. LuxFLAG est une agence luxembourgeoise indépendante à but non lucratif qui cherche à fournir un label de confiance pour les produits financiers sur lequel les consommateurs peuvent compter. Bien qu’il existe des systèmes d’étiquetage concurrents ailleurs, LuxFLAG a acquis une forte notoriété internationale.

Un exemple: l’approche de la BIL

La BIL applique deux stratégies principales. La première consiste en une sélection négative, ce qui signifie que certains secteurs controversés peuvent être exclus des portefeuilles, comme les industries polluantes, ainsi que la fabrication et le commerce d’armes. Les exclusions peuvent également porter sur le comportement des entreprises, par exemple celles qui ont de mauvais antécédents en matière de droits de l’homme ou de respect de la législation sur l’emploi.

La deuxième stratégie consiste à intégrer les notes ESG. Chaque entreprise se voit attribuer une note basée sur ses performances en matière de durabilité. Les portefeuilles incluent les entreprises qui obtiennent une note élevée et excluent celles qui obtiennent une note faible. Pour jouir d’un score ESG élevé, une entreprise doit obtenir de bons résultats en matière d’ESG, tout en faisant preuve d’une grande transparence dans la publication des données ESG importantes. Cela signifie qu’une activité contribuant à un facteur ESG n’est pas suffisante pour obtenir un score élevé: l’entreprise doit également éviter de réaliser de mauvaises performances sur d’autres facteurs ESG. Par exemple, une société active dans les énergies renouvelables qui ne se comporte pas correctement vis-à-vis de ses collaborateurs ou qui n’exerce pas un contrôle efficace sur les décisions prises par les cadres ne peut pas prétendre à une note élevée.

Pour Alessandra Simonelli, l’engagement auprès des entreprises afin de les inciter à évoluer dans des domaines spécifiques, tels que leur stratégie de décarbonation, peut s’avérer efficace pour les grands groupes de gestion d’actifs, mais la démarche nécessite de disposer d’un grand nombre de droits de vote. Les exigences du label LuxFLAG intègrent plusieurs règles claires, qui sont communiquées aux sociétés en portefeuille. Elle ajoute: « Elles savent ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Si elles veulent que nous investissions, elles doivent appliquer ces règles ».

La plupart des investisseurs ont relativement peu d’exigences spécifiques, mais beaucoup veulent s’assurer que leur argent est utilisé de manière productive dans des domaines qui bénéficieront au climat et à l’environnement en général.

Que veulent les clients?

La plupart des investisseurs ont relativement peu d’exigences spécifiques, mais beaucoup veulent s’assurer que leur argent est utilisé de manière productive dans des domaines qui bénéficieront au climat et à l’environnement en général. Même si peu de clients demanderont explicitement un produit aligné sur les objectifs définis dans l’Accord de Paris, l’accord sur le climat conclu lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2015 (COP21), un fonds qui contribue à limiter le changement climatique au lieu de freiner les progrès en la matière aura un large attrait.

Toute recommandation d’investissement doit être mise en balance avec les considérations de risque et de performance. Si les investisseurs souhaitent également exclure certaines entreprises ou certains secteurs, ils doivent le préciser et l’intégrer dans leur stratégie d’investissement. L’exclusion de certains secteurs peut également avoir un impact sur les paramètres d’investissement, par exemple sur le versement de dividendes par les entreprises du portefeuille.

Il peut également arriver qu’un portefeuille présentant un biais en faveur de la durabilité soit privé de gains de performance, comme lors de la flambée des prix des matières premières précipitée par l’éclatement du conflit en Ukraine. Les fonds durables qui ne détiennent pas d’actions de sociétés de combustibles fossiles – soit la plupart d’entre eux – ont ainsi affiché une sous-performance relative temporaire. Bien que ces fluctuations se soient atténuées par la suite, de telles évolutions peuvent effrayer les investisseurs qui ne s’y attendent pas.

Alessandra Simonelli: « Les investissements liés à la durabilité tendent à se concentrer sur la création de valeur à long terme plutôt que sur les gains à court terme. Les entreprises qui accordent la priorité aux facteurs ESG sont souvent mieux placées pour s’adapter à l’évolution des conditions du marché et aux attentes de la société, ce qui peut conduire à une croissance et à une rentabilité soutenues ».

L’étiquetage des fonds liés à la durabilité tend à être imparfait et compliqué, et ne permet pas de comprendre rapidement les paramètres de durabilité d’un fonds donné. Toutefois, ces labels ne sont pas sans intérêt et peuvent offrir une assurance aux investisseurs qui cherchent à obtenir des résultats bénéfiques avec leur argent, en garantissant que la stratégie d’un fonds adhère à des normes et critères de durabilité stricts et qu’elle a été vérifiée par une agence externe.