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21 novembre 2024

Comprendre la finance comportementale et les biais cognitifs

Que ce soit dans ses relations, ses préférences, ses habitudes ou ses achats, l’être humain se montre souvent imprévisible. C’est également vrai lorsqu’il est question de nos investissements. L’évolution des cours de bourses a souvent mis en évidence l’irrationalité de nombreux investisseurs face à certaines situations. Cela fut notamment le cas lors de la crise financière en 2008, mais aussi lors de situations d’euphorie suivies de retours brutaux à la réalité comme l’apparition de la bulle Internet fin des années 1990. C’est cette irrationalité et les biais cognitifs qui en sont à l’origine qu’étudie la finance comportementale. Aperçu.

Soyons honnêtes! Peu importe nos efforts, nous ne parvenons pas à nous comporter de manière parfaitement rationnelle. Pourtant, malgré cette part d’irrationalité qui semble caractériser l’homo sapiens, les théoriciens de la finance ont longtemps considéré l’investisseur comme un homo economicus prenant toutes ses décisions de manière éclairée. Selon leurs théories, l’investisseur idéal rassemble et étudie de manière approfondie toute l’information disponible. Sur cette base, il établit un calcul approprié et décide ensuite, en connaissance de cause, le meilleur moyen d’atteindre des objectifs précisément identifiés et délimités. C’est ce que l’on appelle le modèle de l’agent économique idéal ou rationnel.

Si ces théories présentent l’avantage de permettre des modèles prédictifs fiables, ils semblent parfois totalement déconnectés des comportements effectivement observés sur les marchés boursiers. Et pour cause, l’économie est une science humaine et pas une science exacte permettant de reproduire des expériences en laboratoire.

Avec l’essor des sciences comportementales, d’autres modèles ont progressivement vu le jour. Ils tentent de rendre compte de la rationalité limitée, voire minimale dont font preuve la majorité des investisseurs en chair et en os.

Les sciences comportementales mettent en évidence les facteurs et biais cognitifs susceptibles d’influencer une personne dans sa prise de décision.

Basées sur les sciences sociales dont la psychologie en plus de l’économie, les sciences comportementales se focalisent sur la manière dont les gens pensent et se comportent effectivement dans les faits. Elles mettent notamment en évidence les facteurs et biais cognitifs susceptibles d’influencer, le plus souvent à son insu, une personne dans sa prise de décision. Par biais cognitif, il faut comprendre un mécanisme de pensée, généralement inconscient, qui court-circuite la pensée logique, qui amène une distorsion dans le traitement de l’information. Ces biais visent à accélérer la prise de décision par un traitement simplifié et tronqué des informations internes (notre mémoire) ou externes (notre environnement). Ces biais ne sont pas mauvais en soi et peuvent s’avérer déterminant dans une situation de crise extrême ou de danger imminent. Ils peuvent par contre être très préjudiciables lorsque la prise de décision requiert une analyse rationnelle et aussi objective que possible.

Lorsqu’il s’agit d’étudier le comportement et les biais cognitifs de l’investisseur, nous parlons alors de finance comportementale. Cette discipline s’est notamment faite connaître en 2017 lors de l’attribution du prix Nobel d’économie à Richard Thaler pour sa « compréhension de la psychologie de l’économie ».

Bon, fini la théorie, passons à présent à quelques illustrations pour mieux comprendre. Pour vous, myLIFE passe en revue quatre des plus fameux biais cognitifs afin de vous permettre de les identifier dans vos propres décisions et de tenter d’en atténuer les effets.

1. Le biais de confirmation

Bien qu’il ne soit pas propre à l’investissement, ce biais est un de ceux qui provoquent le plus de dégâts dans la vie d’un investisseur. Il consiste à ne considérer que les informations et événements qui confirment ce que l’on pense déjà et à ignorer, à minimiser tout ce qui contredit nos croyances. Le plus souvent cela se traduit par un schéma inversé (reverse engineering) dans la création d’une stratégie d’investissement. On part du résultat souhaité pour ensuite ne sélectionner et ne considérer que l’argumentation qui le soutienne.

Personne ne prend plaisir à envisager des scénarios ou à étudier des éléments qui contredisent ses opinions. Pourtant, c’est un comportement à adopter impérativement pour celui qui veut investir de manière la plus rationnelle possible. La politique de l’autruche en matière d’investissement est le plus sûr moyen de perdre beaucoup d’argent, mais aussi de passer à côté de l’opportunité d’en gagner.

A proportion identique, la souffrance liée à la perte d’argent est plus grande que le plaisir d’en gagner.

2. L’aversion au risque et à la perte

En matière d’investissement, nous sommes totalement obnubilés par nos positions qui perdent de l’argent. Même si la grande majorité de nos positions sont dans le vert, nous ne voyons que ce titre qui baisse depuis deux semaines et attendons avec souffrance qu’il remonte enfin. Forts de l’adage selon lequel un « tient » vaut mieux que deux « l’auras », nous nous promettons alors de faire plus attention en optant pour des placements plus sûrs à l’avenir. C’est ce qu’on appelle l’aversion au risque.

A proportion identique, la souffrance liée à la perte d’argent est plus grande que le plaisir d’en gagner. Et cela nous conduit à prendre des décisions irrationnelles, par exemple en confondant un mauvais résultat avec une mauvaise décision. Ainsi, ce biais peut nous empêcher de conserver un titre que nous avions choisi pour de bonnes raisons, mais qui affiche de mauvais résultats. À cause de l’aversion au risque, nous serons alors tentés de nous en séparer lorsque le titre est au plus bas. Pourtant, si les fondamentaux de ce titre sont toujours aussi solides, ce serait sans doute le meilleur moment pour en acquérir davantage.

À l’inverse, l’aversion à la perte peut pousser certains investisseurs à conserver un titre qui dégringole et dont les fondamentaux se sont fortement et durablement détériorés, dans l’espoir vain qu’il finira par « se refaire » et leur rapporter de l’argent.

3. L’excès de confiance et l’autodénigrement

Comme son nom l’indique, l’excès de confiance est la tendance à se surévaluer. En investissement, cela se traduit par le sentiment d’avoir toujours raison, malgré des signes évidents du contraire. Ou encore d’avoir découvert le placement du siècle que personne n’avait encore vu avant nous.

Ce biais pousse souvent les investisseurs à acheter et vendre à un rythme plus soutenu au prétexte de mieux savoir y faire. Ce faisant, l’investisseur a à supporter des coûts de transaction qui peuvent peser lourd au final sur la rentabilité globale de son portefeuille… surtout s’il devait s’avérer qu’il ne s’est pas montré particulièrement plus performant dans ses choix que le marché.

À l’inverse de l’excès de confiance, l’autodénigrement consiste à exprimer à l’avance tout un tas de raisons valides ou non pour lesquelles nos titres en portefeuille réaliseront très certainement de pauvres performances futures. C’est un peu comme quand, juste avant une interro à l’école, nous prétendions n’avoir rien étudié afin de pouvoir justifier une éventuelle mauvaise note future si elle survenait effectivement. Cela permet à l’investisseur de se prémunir psychologiquement contre une éventuelle déception si l’investissement génère effectivement de mauvais résultats. À la limite pourquoi pas s’il se sent mieux. Le problème associé à ce biais est que cela a surtout tendance à l’empêcher d’agir, qu’il s’agisse d’acheter un titre ou de vendre une position.

Ce biais peut se traduire par une incapacité à sortir d’une position dont l’activité sous-jacente présent des signes de détérioration au prétexte qu’on y a déjà investi beaucoup d’argent.

4. Le coût irrécupérable

Cela vous est-il déjà arrivé d’acheter des places pour un spectacle à l’avance avant d’apprendre que non seulement le spectacle est nul, mais qu’en plus un pote organise une super soirée à la même date? La majorité d’entre nous irait quand-même au spectacle au prétexte d’avoir déjà payé sa place. Nous passerions donc une mauvaise soirée au lieu de nous amuser… sans dépenser un centime de plus que les coûts déjà investis dans la place de spectacle. Tel est le mécanisme du coût irrécupérable: adopter un comportement irrationnel et mal évaluer les options qui se présentent à nous à cause d’un investissement passé qui est de toute manière irrécupérable.

En investissement, ce biais peut se traduire par une incapacité à sortir d’une position dont l’activité sous-jacente présente des signes de détérioration au prétexte qu’on y a déjà investi beaucoup d’argent. Ici, la question à se poser est: que ferai-je si ce n’était pas mon argent qui avait été investi, mais celui d’un tiers?

La finance comportementale met en évidence les biais cognitifs qui influencent à leur insu les investisseurs dans leur prise de décision. Prendre conscience du facteur humain, ainsi que des biais qui l’influencent, permet d’investir de manière plus réfléchie. Si cet article en a abordé quelques-uns, la liste des biais connus est bien plus longue. L’équipe myLIFE ne manquera donc pas de revenir sur ce sujet afin de vous aider à mieux appréhender l’investissement dans toutes ses dimensions afin de prendre des décisions plus éclairées à l’avenir.

Cet article fait partie du dossier Dossier « Finance comportementale »

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