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27 juillet 2024

Entreprise familiale: bien gérer la transmission

Une entreprise familiale présente de nombreux avantages. Elle permet de s’entourer de personnes davantage attachées à la préservation de la tradition familiale et à la loyauté qu’aux stock-options et aux primes. Les membres impliqués depuis leur plus jeune âge dans l’entreprise peuvent avoir en commun une compréhension plus large de ses spécificités, ainsi qu’une bonne connaissance des clients et des conseillers. Tout cela ne rend cependant pas la succession plus aisée.

Même si la santé et la longévité d’une entreprise familiale peuvent dépendre d’une transmission efficace à la génération suivante, la cession du contrôle peut s’avérer difficile pour ses dirigeants, en particulier s’ils en sont aussi les fondateurs. Les attentes vis-à-vis des successeurs peuvent s’avérer plus élevées, même si les obstacles formels à leur désignation sont moins nombreux. La familiarité n’engendre peut-être pas le mépris, mais elle peut occasionner de profonds désaccords.

Pour les dirigeants en fonction, la tentation peut être grande de repousser cette décision complexe jusqu’à ce que le temps qui passe vous force la main, mais la bonne santé de l’entreprise à long terme dépendra probablement de votre capacité à définir vos intentions et à les expliquer au bon moment aux parties intéressées. Dans ces moments, il est possible que les successeurs contestent vos décisions. Bien que de telles remarques puissent s’avérer désagréables à entendre, elles favorisent l’élaboration d’un plan concerté. Si vous souhaitez que certaines personnes soient impliquées dans l’avenir de l’entreprise, il convient de vérifier que votre vision est en phase avec la leur.

Motivations personnelles

La première étape consiste à examiner vos propres motivations et, dans l’idéal, ce que vous voulez vraiment faire du reste de votre vie. Si l’entreprise représente toute votre vie, serez-vous vraiment capable de vous retirer, et si oui dans quelle mesure? Il se peut que vous souhaitiez conserver un rôle actif au sein de l’entreprise. Le cas échéant, quels en seraient les contours? Pouvez-vous faire le tri pour ne garder que vos priorités personnelles ou les clients qui comptent le plus à vos yeux? La question de savoir si vous êtes vraiment prêt à partir à la retraite ou à entamer une nouvelle phase de votre vie est donc cruciale. Que ce soit le cas ou non, la planification de votre succession n’en demeure pas moins importante: elle prendra simplement une forme différente.

Les relations affectives au sein de la famille auront un impact significatif sur la planification de la succession.

Les relations affectives au sein de la famille auront un impact significatif sur la planification de la succession. Les parents ont peut-être mené une réflexion approfondie sur les talents et compétences de chacun de leurs enfants et leur aptitude à diriger l’entreprise familiale. Or il se peut que leur vision ne corresponde pas aux ambitions des intéressés.

Il vaut mieux que chacun fasse preuve d’honnêteté dans ses attitudes et de franchise quant à ses intentions, aussi difficile que cela puisse paraître. Cela permettra de trancher entre l’organisation d’une succession familiale ou l’entrée d’une personne extérieure dans l’entreprise. Bien qu’une succession familiale puisse se traduire par un niveau de confiance et de loyauté difficilement égalable par quelqu’un venu de l’extérieur, cette approche tend à limiter le vivier de talents disponibles, même dans les familles qui n’en manquent pas.

Dissocier la gestion de la propriété

La propriété et la gestion vont souvent de pair pour les entrepreneurs, mais il n’est pas nécessaire que cela reste ainsi. L’héritage de vos enfants ne dépend pas nécessairement de leur capacité à gérer l’entreprise avec succès et, même s’ils ne conviennent pas pour diriger l’entreprise, cela ne signifie pas qu’ils doivent renoncer à leur intérêt économique. Il est souvent pertinent d’envisager la direction de l’entreprise en la dissociant de la propriété effective au cours du processus de planification à long terme.

À cet égard, des informations actualisées sont primordiales. Il est indispensable de faire part de la moindre difficulté rencontrée par l’entreprise ou de l’existence potentielle de gouffres financiers aux personnes qui devront y faire face à l’avenir. Vous avez peut-être les compétences et l’expérience nécessaires pour gérer les problèmes, mais ce n’est pas forcément le cas de vos successeurs et cela pourrait les détourner de leur mission essentielle: bâtir l’entreprise et assurer sa viabilité.

Avant de planifier votre succession, il convient de réunir les documents relatifs aux trois à cinq derniers exercices comptables et de les communiquer à toute personne susceptible de jouer un rôle dans l’entreprise à l’avenir.

Avant de planifier votre succession, il convient de réunir les documents relatifs aux trois à cinq derniers exercices comptables et de les communiquer à toute personne susceptible de jouer un rôle dans l’entreprise à l’avenir. Cela permettra aux successeurs de poser des questions tant que vous serez encore aux commandes. Si vous choisissez de vendre l’entreprise plutôt que de la léguer aux membres de votre famille, vous serez de toute façon obligé de procéder ainsi, y compris pour les projections et la stratégie future. Des budgets et des prévisions de grande qualité offrent une bonne visibilité sur les perspectives d’avenir et faciliteront la tâche de votre successeur, quel qu’il soit.

 

Un conseil professionnel

Une fois que tout ceci est en place, vous pouvez engager les conversations nécessaires, ce qui peut souvent s’avérer intimidant. Par définition, cela vous amènera à renoncer au contrôle d’une entreprise à laquelle vous avez consacré une bonne partie de votre vie, ainsi qu’à reconnaître votre condition d’être mortel. L’implication d’un tiers indépendant peut permettre de franchir cette étape en douceur.

Un conseiller professionnel de confiance et dûment qualifié peut vous guider dans ce processus complexe en expliquant les répercussions juridiques (voire fiscales) des décisions relatives à l’avenir de l’entreprise. Un spécialiste externe peut travailler avec les conseillers existants (avocats, spécialistes en planification financière et comptables) pour établir un plan de transition concret et personnalisé.

Si les membres de votre famille n’ont plus la capacité ou la volonté de prendre le relais à la tête de l’entreprise, il vous faudra envisager d’autres options, comme une introduction en bourse ou une mise en vente. Dans un cas comme dans l’autre, il est bon de garder cette possibilité à l’esprit plutôt que de risquer de devoir vendre dans l’urgence si vous n’êtes plus en mesure de diriger l’entreprise. Une vente, quelles qu’en soient les modalités, peut prendre au moins six mois. Ce processus chronophage constituera presque inévitablement une source de stress.

S’il s’avère que la vente de l’entreprise est la meilleure option, veillez à ce que votre estimation de sa valeur soit réaliste: elle ne vaut que ce que quelqu’un est prêt à payer pour l’avoir.

Incidences fiscales

S’il s’avère que la vente de l’entreprise est la meilleure option, veillez à ce que votre estimation de sa valeur soit réaliste: elle ne vaut que ce que quelqu’un est prêt à payer pour l’avoir. Un conseiller spécialisé vous fournira des renseignements sur des transactions similaires et vous aidera à maximiser la valeur de l’entreprise. Cela peut impliquer la gestion de risques majeurs – y compris le fait que vous pourriez ne plus jouer un rôle actif – ou la protection de la propriété intellectuelle.

Les incidences fiscales d’une transition sont importantes et la question des droits de succession, notamment, devra être une priorité pour toutes les personnes intéressées. Cependant, selon le cabinet de conseil californien Williams Group, 70% des familles fortunées ont dilapidé leur patrimoine dès la deuxième génération et 90% lors de la troisième. Toujours d’après celui-ci, même la meilleure planification fiscale ne fonctionnera pas si les héritiers ne sont pas préparés à reprendre en main la destinée du patrimoine familial.

Cette situation s’explique généralement par le fait que les générations suivantes n’ont pas le même enthousiasme ni la même discipline que leurs ancêtres entrepreneurs, mais les droits de succession jouent certainement un rôle. De nombreux pays prévoient des exonérations spéciales pour les entreprises familiales, mais il convient de faire appel à un conseiller pour s’assurer que la structure de l’entreprise respecte les conditions requises pour en bénéficier.

Complications en cas de divorce

Autre problème à envisager: le divorce. Quelle que soit la personne concernée (vous-même, vos enfants ou tout autre actionnaire important de l’entreprise), un divorce peut mettre en péril un plan de succession mûrement réfléchi. Si un co-propriétaire a besoin de céder tout ou partie de sa participation afin de régler un divorce, cela risque de faire entrer au capital des actionnaires qui n’ont pas forcément de sentiments amicaux envers les membres de la famille et qui ne se soucient guère des traditions, de la loyauté ou des intérêts à long terme de l’entreprise.

Le facteur le plus important tout au long du processus consiste peut-être à entretenir un dialogue franc: il s’agit de tenir les principaux membres de la famille informés et de les consulter de sorte qu’ils puissent porter un regard critique sur votre plan plutôt que de le contester devant la justice après votre départ.

Il n’est pas facile d’envisager de renoncer au contrôle d’une entreprise qui est l’œuvre de toute une vie, mais une planification en amont est essentielle si vous souhaitez qu’elle vous survive. Il est possible de rendre le processus moins intimidant en procédant pas à pas: désigner des conseillers, solliciter l’avis de ses enfants, réunir les documents nécessaires.