Investissement, Millennials et Covid-19
Les Millennials, nous dit-on, sont bien différents des générations précédentes. Ils s’intéressent davantage aux interactions sociales, aux expériences diverses et aux voyages qu’aux prestations de retraite, aux investissements ou aux projets d’avenir. Ils ne seraient par ailleurs que très peu enclins à prendre part à une économie capitaliste qui leur est défavorable. C’est en tout cas l’idée que l’on s’en fait.
Et il n’est pas difficile de voir pourquoi cette perception est devenue monnaie courante. La génération Y a globalement été exclue du marché immobilier luxembourgeois, qui connaît un essor phénoménal et a encore grimpé de 15 % durant l’année clôturée en juin 2020. Le niveau élevé du coût de la vie ne leur permet en outre pas d’épargner une partie de leur revenu disponible.
Un scénario différent émerge toutefois dans le sillage de la pandémie de Covid-19. Partout dans le monde, les Millennials ont profité de la crise pour assainir leurs finances. Forcés de rester dans leurs quatre murs, d’aucuns ont dépensé moins d’argent en cafés, Ubers et autres activités sociales. D’autres sont retournés vivre chez leurs parents, dès lors qu’ils n’avaient plus besoin d’être proches de leur lieu de travail. Le site Internet américain Money Under 30 a interrogé plus de 2.000 Millennials sur ce sujet. Selon le sondage, deux sur trois affirment que le confinement a eu un effet positif sur leurs finances. Leur épargne et leurs investissements en ont eux aussi ressenti les effets.
D’autres facteurs pourraient également influencer l’état d’esprit des Millennials. Durant la pandémie, les entreprises ont mis l’accent sur le bien-être de leurs employés, et cela s’est traduit par une loyauté plus forte que jamais de la part de la génération Y envers ses employeurs. De la même manière, la pandémie a amené tout un chacun à réfléchir à son avenir et à la façon dont il/elle souhaite vivre sa vie. Pour les Millennials, cette réflexion s’est apparemment traduite par une volonté de stabilité et de sécurité financière.
La génération perdue
Les Millennials étaient auparavant considérés comme une « génération perdue » par le secteur des retraites. TISA, une association britannique active dans le secteur de l’épargne, a interrogé des membres de la génération Y au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon, en Australie, au Brésil et aux Pays-Bas. Son enquête a mis au jour une génération qui ne comprend que très peu ses besoins financiers une fois arrivé l’âge de la retraite et qui, de manière générale, se détourne de l’industrie des pensions.
Plus particulièrement, elle a révélé que ce secteur répondait mal à la trajectoire de vie des Millennials. Il s’agit d’une génération peu susceptible de présenter une carrière linéaire, mais bien de profiter d’années sabbatiques ou de se réorienter. Les produits financiers reposant sur 40 ans d’épargne avant de pouvoir retirer son capital ne sont pas suffisamment flexibles pour les Millennials. Selon le sondage, « Les Millennials estiment que les produits et services financiers actuels ne répondent pas à leurs besoins. Ils souhaitent pouvoir accéder à de nouveaux produits qui correspondent avec l’orientation que prendra leur vie, et non celle de leurs parents. »
Si l’industrie n’était pas en mesure de convaincre la prochaine génération de détenteurs d’actifs de participer aux marchés financiers, alors sa viabilité serait en péril.
Les Millennials faisaient également preuve d’une méfiance fondamentale vis-à-vis du secteur financier. Alors que les capitaux leur arrivaient progressivement à partir de baby-boomers fortunés, ce problème devenait de plus en plus important. Si l’industrie n’était pas en mesure de convaincre la prochaine génération de détenteurs d’actifs de participer aux marchés financiers, alors sa viabilité serait en péril.
La pandémie
Des signes clairs indiquent que l’intérêt de la génération Y pour l’investissement s’est accru durant la pandémie. Plusieurs applications et plateformes de gestion de patrimoine notent une augmentation de l’intérêt et de la participation des Millennials. Interactive Investor, la deuxième plus importante plateforme d’investissement en gestion propre au Royaume-Uni, a enregistré en 2020 une hausse de 108 % du nombre de femmes âgées de 35 à 44 ans ayant recours à des produits de retraite à gestion propre, ainsi qu’une progression de 104 % du côté des hommes.
Pour les 25-34 ans, les chiffres sont encore plus surprenants : +200 % pour les hommes et +185 % pour les femmes par rapport à l’année précédente. L’application de gestion financière Plum indique que sa base d’utilisateurs, qui représente un million de personnes, a commencé à investir davantage dans les géants technologiques et les fonds des soins de santé sur l’année, tandis qu’elle se cantonnait auparavant aux liquidités.
Il semblerait également que ce groupe se montre davantage actif dans les transactions spéculatives. Différentes plateformes, à l’instar de Robin Hood, ont enregistré un taux d’utilisation en forte hausse tandis que les Millennials confinés exploitaient la volatilité des cours de bourse. S’il ne s’agit pas là d’une stratégie à long terme idéale en prévision de la retraite, cela témoigne d’un intérêt croissant pour les marchés.
Une approche repensée
Les prestataires de services de retraite traditionnels ne devraient toutefois pas se réjouir trop vite. Les Millennials n’investiront probablement pas de la même manière que les générations précédentes. Par exemple, ils sont généralement plus à l’aise avec une gestion propre et avec l’utilisation de technologies pour gérer leurs finances. Ils aiment recevoir des conseils, mais pas nécessairement de vive voix.
Ils se soucient de la durabilité et de notre planète. L’adoption généralisée des normes environnementales, sociales et de gouvernance au sein de l’industrie de l’investissement devrait ainsi les séduire. L’éventail de solutions vertes et d’impact est aujourd’hui bien plus important et pourrait encourager la génération Y à investir. Bien entendu, les Millennials ne sont pas responsables à eux seuls de cette offre accrue. Les parties prenantes doivent également s’adapter aux différentes dispositions ESG.
Ces différences ne devraient toutefois pas être exagérées. En effet, si les Millennials souhaitent miser sur des solutions durables, il leur importe également de gagner de l’argent. L’enquête Global Investor Study 2020 menée par Schroders indique que la génération Y ferait une entorse à ses principes si le retour sur investissement était suffisamment grand. L’enquête conclut par ailleurs que « la performance moyenne de leur investissement devrait être de 21 % pour compenser toute culpabilité de manière adéquate. » Cela semble peu probable, et ils peuvent donc rester fidèles à leur principe pour l’instant.
La pandémie semble avoir rebattu les cartes pour les Millennials et l’investissement. La crise les a globalement incités à épargner davantage, à dépenser moins et à se tourner vers les services financiers. Leurs préférences n’ont cela dit pas fondamentalement changé. Cette génération est toujours susceptible d’investir dans des solutions alimentées par les technologies, tout en cherchant à préserver la planète.
Les Millennials sont généralement plus à l’aise avec une gestion propre et avec l’utilisation de technologies pour gérer leurs finances.