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29 mars 2024

La satisfaction comme critère déterminant

Viser la perfection risque de vous mener droit dans le mur.

Sans pour autant vous définir comme un perfectionniste, vous aspirez sans doute à trouver la meilleure école pour vos enfants, la meilleure maison pour votre famille, le meilleur placement financier ou le meilleur crédit. Et pour vos vacances, vous voulez aussi trouver l’hôtel parfait conjuguant emplacement idéal, rapport qualité/prix imbattable et service au top, le tout sans faire déraper votre budget. C’est tout à fait normal. Mais à trop en vouloir, attention à ne pas aller droit dans le mur.

Il existe une méthode recommandée par de nombreux experts pour prendre ses décisions : se satisfaire des éléments dont vous disposez pour poser vos choix plutôt que de rester bloqué en voulant toujours tout maximiser. Selon un adage bien connu, « le mieux est l’ennemi du bien ». Et si c’était là une clé essentielle pour une prise de décision plus efficace : choisir le bien plutôt que de courir infatigablement mais en vain après le meilleur ? Cette question se pose également sur le plan financier.

Une approche 100% rationnelle est impossible

Pour bien choisir, la théorie économique classique conseille de faire usage de la plus grande rationalité en tenant compte de tous les facteurs pertinents. Cela signifie qu’il faut pouvoir comparer de manière exhaustive les choix disponibles et peser le pour et le contre de chaque produit ou service. Sur le papier, l’exercice paraît simple. Mais dans les faits, votre prise de décision peut rapidement virer au cauchemar. Chercher à maximiser ses choix et décisions dans un monde qui offre pléthore d’options est une course épuisante et sans fin. À trop courir après une perfection qui n’existe pas et à trop vouloir tout comparer, nous cultivons une certaine frustration et nous nous mettons la pression. On finit alors souvent par ne rien décider du tout ou à retenir par dépit la mauvaise option, voire la seule qui reste après avoir trop tardé à choisir.

La théorie du tout rationnel et de la maximisation peut conduire en pratique à une impasse. Dans la quête d’une bonne prise de décision, le critère de la satisfaction représente une alternative intéressante. Le sociologue américain et prix Nobel d’économie décédé en 2001 Herbert Simon décrivait ceux qui optent pour la voie de la satisfaction comme des personnes qui visent l’efficacité au lieu de l’optimisation. Ils prennent en effet souvent de meilleures décisions, mieux assumées et plus rapides, que ceux qui veulent à tout prix tout maximiser.

Le mieux est l’ennemi du bien.

Les recherches sur les fondements de la prise de décision et les comportements en la matière menées par Herbert Simon ont contribué à populariser l’idée selon laquelle les gens ne prennent pas leurs décisions sur la base d’informations complètes, mais plutôt une fois qu’ils en sont suffisamment satisfaits. Le monde est bien trop rapide, trop imprévisible, trop confus et trop exposé à de nombreuses influences pour qu’il soit possible de calculer de manière exhaustive quelle décision vaut davantage qu’une autre la peine d’être prise au final. Décider quand nous sommes satisfaits, telle est la maxime d’Herbert Simon.

Bonnes décisions, meilleure option

La voie de la satisfaction est par ailleurs bien souvent celle que choisissent les experts quand ils doivent prendre rapidement une décision majeure face à une situation inédite aux enjeux élevés. L’amerrissage spectaculaire effectué en 2009 par le pilote Chesley Sullenberger sur le fleuve Hudson à New York, à la suite d’une panne de moteur, illustre cela parfaitement.

Fort heureusement, la plupart des décisions que nous devons prendre au quotidien ne sont pas question de vie ou de mort. Nous pouvons toutefois beaucoup apprendre de personnes telles que Chesley Sullenberger. La première des règles à retenir est qu’il faut apprendre à se satisfaire d’une bonne option. Cette méthode de prise de décision dite rapide et frugale est préconisée par Gerd Gigerenzer, un psychologue de renommée mondiale, directeur émérite de l’Institut Max Planck de développement humain et directeur du Centre Harding pour la compétence en matière de risque. Celui-ci a été désigné comme l’un des 100 penseurs les plus influents au monde par l’Institut Gottlieb Duttweiler.

Son approche n’obéit certes pas aux canons de la plus pure rationalité, mais elle est très efficace. Elle repose sur l’heuristique dite du meilleur choix (« take the best »). Selon ce postulat, dès que l’on trouve un critère discriminant entre deux choix possibles, il convient de prendre sa décision. Cette stratégie a été testée par Gigerenzer lors d’une expérimentation dans le cadre de laquelle des sujets ont été invités à établir quelles étaient, parmi 83 options possibles, les villes allemandes de plus de 100.000 habitants les plus peuplées. Les participants n’avaient pas de connaissance précise de ces villes et devaient établir leur choix en fonction d’un maximum de 9 critères, mais toujours en s’arrêtant au premier critère discriminant entre deux villes. Parmi ces critères, ils pouvaient par exemple se demander si telle ou telle ville était la capitale de son Land ou si elle possédait une équipe de football majeure. Critères après critères, et en évaluant paire par paire, les participants ont fini par établir une hiérarchisation juste des villes de plus de 100.000 habitants dans plus de 72 % des cas.

Définir un certain nombre de critères déterminants permet de faciliter votre prise de décision au quotidien.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le mieux est l’ennemi du bien. Vous pouvez définir un nombre très limité de critères déterminants pour vous aider à établir une prise de décision satisfaisante au quotidien. Dans le cadre de l’achat d’une maison, cela pourrait par exemple être le fait de disposer d’un grand jardin ou de trois chambres. Pour un crédit, outre le taux d’intérêt, ces critères pourraient concerner l’apport personnel demandé ou la durée maximale d’emprunt proposée.