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19 décembre 2024

Le développement durable, thème disruptif par excellence

  Olivier Goemans myINVEST 23 janvier 2020 3056

Dans un récent article myLIFE intitulé « Des benchmarks aux thématiques : investir en misant sur l’avenir », nous avons défini l’investissement thématique dans un cadre prospectif. Face à une mondialisation galopante, il est en effet judicieux de privilégier les entreprises et secteurs qui bénéficieront d’opportunités de croissance structurelle, plutôt que de s’attacher à investir en fonction de critères géographiques. Un constat d’autant plus vrai lorsque l’on considère le thème disruptif par excellence : le développement durable.

Qu’il s’inscrive dans le cadre d’une approche de niche ou plus traditionnelle, l’investissement thématique est un investissement sur le long terme qui requiert généralement de pouvoir faire preuve de patience. Mais, après tout, ne perdons pas de vue que l’objet de tout placement consiste à maximiser le rendement. Pas à tromper l’ennui. Dans cette perspective, pour reprendre les mots de Paul Samuelson, « investir, c’est comme regarder la peinture sécher, ou l’herbe pousser ». L’investissement thématique convient ainsi parfaitement aux investisseurs dotés d’un état d’esprit plus robuste et résilient.

Le changement climatique représente sans conteste l’un des problèmes les plus urgents de notre époque. Il menace la vie et les moyens de subsistance de milliards de personnes, si ce n’est de l’humanité tout entière. Pourtant, l’effrayante montée en puissance de l’agnotologie1(production culturelle de l’ignorance et du doute par des groupes d’intérêts spéciaux en vue de dissimuler la vérité sur des questions critiques) à l’échelle mondiale est bel et bien une réalité.

Qu’on le veuille ou non, notre société est aujourd’hui confrontée à de graves problèmes « qui dépassent les frontières nationales et ne peuvent être résolus que dans le cadre d’une coopération internationale2». Qui pourrait prétendre relever de tels défis en prônant une politique protectionniste ciblant des priorités locales ? Dès lors que les partisans du nationalisme ne sont tout simplement pas en mesure de proposer une solution au changement climatique, il est dans leur intérêt de réfuter son existence même en remettant en question les rapports de causalité.

Nous nous sommes tous à un moment ou à un autre retrouvés au syndrome du « lapin pris dans les phares d’une voiture » : paralysés de peur, ne sachant pas de quel côté nous enfuir. Face à un obstacle ou un imprévu, l’instinct nous pousse à nous retrancher dans notre zone de confort, à revenir en arrière. Bien qu’innée, une telle vision rétrograde ne doit cependant pas déformer les faits, à moins de souhaiter un retour à l’âge de pierre. La plupart des générations jouissent aujourd’hui globalement d’un niveau de vie supérieur à celui de leurs parents. Ce qui leur permet de mener une existence plus confortable.

Le transfert de pouvoir à la génération Y bousculera les priorités en matière d’investissement. La transparence sera érigée en nouveau leitmotiv.

Selon le GIEC3, il nous reste 12 ans pour sauver la planète. La communauté scientifique s’accorde sur le fait qu’un réchauffement de 1,5 °C est d’ores et déjà inévitable. Il ne s’agit plus seulement de changement climatique, mais véritablement d’un dérèglement majeur. Un avenir serein est encore possible si et seulement si les hommes et femmes de pouvoir de ce monde revoient leurs ambitions à la hausse. Sensiblement !

En fait, le défi va bien au-delà du changement climatique. Notre société prend clairement conscience des enjeux : notre salut viendra d’un engagement en faveur de la responsabilité collective et de la durabilité. Parmi les plus jeunes générations, les Millennials nous montrent la voie de l’empathie. Le transfert de pouvoir à la génération Y bousculera les priorités en matière d’investissement. La transparence sera érigée en nouveau leitmotiv. Les entreprises devront veiller aux intérêts de l’ensemble des parties prenantes, et plus seulement de leurs actionnaires.

La réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies et des ambitions de l’accord de Paris en matière de changement climatique nécessitera de mobiliser des volumes de capitaux sans précédent au cours des années à venir.

Concrètement, il sera impossible pour les gouvernements et les entreprises de relever seuls ces défis. Les investisseurs ont eux aussi un rôle à jouer. De nombreuses études ont démontré que l’intégration de critères de durabilité au sein d’un modèle d’affaires était souvent synonyme de création de valeur pour les actionnaires.

De nombreuses études ont démontré que l’intégration de critères de durabilité au sein d’un modèle d’affaires était souvent synonyme de création de valeur pour les actionnaires.

L’investissement durable et responsable n’est pas un effet de mode mais bien un impératif pour l’avenir. Pour les professionnels de l’investissement, la durabilité constitue sans conteste la préoccupation majeure du XXIe siècle. Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) modifient notre approche de l’investissement. De par leur popularité grandissante, ils permettront aux investisseurs de poser un geste utile.

L’information est aujourd’hui plus facilement accessible. Il s’agit d’une denrée peu coûteuse, dont les barrières ont été abolies par les progrès technologiques. En d’autres termes, les clés du succès d’une entreprise résideront dans la transparence, l’honnêteté, l’intégrité et une offre de produits et services à valeur ajoutée. Dans ce contexte, le risque moral, le resquillage, l’industrie du vice ou plus généralement les mauvais comportements ne disparaîtront certes pas, mais il deviendra extrêmement périlleux de dissimuler de la valeur illégitime.

Comme le disait très justement Morgan Housel4: « Il n’existe que trois façons (légales) de faire des affaires :

  • en résolvant le problème de quelqu’un ;
  • en tirant sur la corde sensible de quelqu’un ;
  • en exploitant la faiblesse ou la méconnaissance de quelqu’un.

La nouvelle ère de la transparence implique que les deux derniers points deviennent plus difficiles, voire quasiment impossible dans certains secteurs pour le dernier. »

1 Le terme « agnotologie » a été inventé par Robert Proctor, professeur à l’Université Stanford. Il désigne l’étude de l’ignorance, qui a pour objet d’expliquer pourquoi « nous ne savons pas ce que nous ne savons pas ». Proctor soutient que l’ignorance est souvent plus qu’une simple absence de connaissances : elle peut être entretenue et instrumentalisée de manière délibérée par les médias et le monde politique. Lire à cet égard l’article suivant en anglais de Barry Ritholtz : https://ritholtz.com/2016/06/frightening-global-rise-agnotology/.

2 Yuval Noah Harari – The Economist : « Moving beyond nationalism »

3 GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

4 « You can see where this is going » par Morgan Housel et l’équipe Collaborative Fund