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19 avril 2024

L’humain, un être en proie aux émotions

En matière d’investissement, les seuls sentiments sont souvent de mauvais conseillers

La plupart des investisseurs savent ce qu’ils ne doivent pas faire : paniquer dans les accès de volatilité des marchés, acheter la dernière valeur en vogue ou investir dans un produit qu’ils ne comprennent pas. Mais lorsqu’il s’agit d’argent, il est difficile de s’affranchir des émotions qui font obstacle à la prise de bonnes décisions.

Voir ce que l’on veut voir

Autrefois, la théorie économique classique considérait que tous les investisseurs sont totalement rationnels. Aujourd’hui, cette théorie des marchés efficients est largement discréditée ; sinon, comment expliquer des phénomènes comme la bulle technologique ou la crise du crédit immobilier « subprime » aux États-Unis ? Les investisseurs ont une propension évidente à laisser des facteurs et processus non rationnels influencer leurs décisions.

Les facteurs émotionnels peuvent revêtir de nombreuses formes. Un investisseur peut être influencé par ses amis, sa famille ou les médias et baser ses décisions sur ce qu’il voit, lit et entend, au lieu d’entreprendre une analyse rationnelle de la situation. Les investisseurs peuvent évaluer trop vite le succès d’une entreprise donnée en voyant qu’un magasin en particulier connaît une forte activité ou parce qu’ils aiment personnellement un certain produit, et extrapoler la vision d’une réussite uniforme à partir d’un exemple isolé, et possiblement non représentatif. Les conséquences d’une généralisation abusive peuvent être désastreuses.

Mauvais timing

Les investisseurs qui agissent sous le coup de leurs émotions ont tendance à adopter un comportement grégaire en agissant de la même façon que l’ensemble du marché. Si la panique est généralisée, ces investisseurs vendent ; si l’humeur est à l’euphorie, ils achètent. Autrement dit, ils effectuent presque toujours leurs transactions au mauvais moment. Selon le cabinet de conseil américain Dalbar, en 2018, l’investisseur moyen a subi une perte de 9,42 %, alors que l’indice S&P 500 n’a reculé que de 4,38 %. Il n’a pas vendu avant le fléchissement du marché à la fin de l’année, ou ne s’est pas repositionné à temps pour profiter de son rebond.

La tendance à penser que seule une activité perpétuelle est à même de créer de la valeur est un non-sens.

Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Les études de Dalbar laissent à penser que les investisseurs prennent constamment de mauvaises décisions en matière de timing à cause de facteurs émotionnels, qui se résument souvent à de la crainte et de l’avidité. Sur une période de 20 ans, l’indice S&P 500 a enregistré une croissance moyenne de plus de 8 % par an, alors que le gain moyen des investisseurs en actions a été moitié moins élevé et que les placements en obligations ont rapporté encore moins.

L’information ne fait pas tout

Le psychologue comportemental Paul Davies propose des pistes de réflexion intéressantes. D’après lui, les individus n’ont pas une attitude rationnelle même en possédant toutes les informations dont ils ont besoin. L’idée selon laquelle un être humain prendra la bonne décision s’il dispose de la bonne information serait donc fausse, selon lui. Pour Paul Davies, les gens doivent véritablement mettre en place des processus qui favorisent des comportements logiques pour poser plus facilement les bons choix.

De plus, le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions financières consiste à s’assurer que vous prenez le moins de décisions possible. Moins il y a de décisions à prendre, plus bas est le risque de commettre des erreurs. La tendance à penser que seule une activité perpétuelle est à même de générer de la valeur est en effet un non-sens. L’exemple d’économies régulières prélevées automatiquement sur votre compte est une parfaite illustration. La situation se complique si vous devez prendre de nouvelles décisions d’investissement chaque mois. Dans ce cadre, Paul Davies propose aussi d’intégrer des hypothèses de type « si… alors » dans la planification patrimoniale. La définition de telles règles spécifiques peut ainsi vous aider à vous prémunir contre des décisions impulsives, prises dans le feu de l’action. Les conseillers financiers fixent souvent des niveaux de « perte maximale acceptable » avec leurs clients. Le fait de définir une tolérance de perte maximale est utile, non seulement pour se préparer à d’éventuelles pertes, mais aussi comme moyen de tenir votre stratégie d’investissement à distance des fluctuations quotidiennes du marché.

Il convient d’intégrer des hypothèses de type « si… alors » dans la planification patrimoniale.

Les décisions d’allocation d’actifs doivent être soumises à des règles similaires. De façon générale, la plupart des investisseurs disposent d’une allocation d’actifs stratégique, qui correspond à un positionnement à long terme défini pour atteindre leurs objectifs financiers. Cette allocation détermine quelle part du portefeuille est détenue sous forme d’actions, d’obligations et d’autres types d’actifs, comme l’immobilier. À l’inverse, l’allocation d’actifs tactique est un moyen d’ajuster le portefeuille à l’évolution des conditions de marché.

Définir des objectifs et des limites

L’important est de ne pas perdre de vue ses objectifs en se laissant influencer par la situation à court terme. Pour ce faire, le mieux est de passer par le rééquilibrage automatique, qui ajuste systématiquement la composition du portefeuille pour préserver l’allocation d’actifs initiale. Là encore, cette pratique ne vous évite pas d’avoir à prendre des décisions. Avec le rééquilibrage automatique, les investisseurs retirent naturellement leur argent des marchés qui sont chers et ont enregistré des performances élevées, pour le réinvestir sur des marchés moins onéreux et s’étant moins bien comportés.

Bien sûr, il arrive que des opportunités à court terme puissent être exploitées, et il peut être intéressant d’ajuster tactiquement son portefeuille si un marché précis devient trop dépendant de la performance d’un petit nombre de titres individuels. Toutefois, en général, il est préférable de définir une allocation d’actifs et d’y rester fidèle, tout en la révisant à intervalles réguliers, plutôt qu’uniquement en situation de crise.

Plus difficile à faire, mais tout aussi important : comprendre ses propres limites. Souvent, les investisseurs surestiment le potentiel de rendement de leurs placements, ce qui les conduit à mal évaluer les risques et les limites qu’il convient de définir.

Conclusion : Quand il est question d’argent, il est facile de se laisser dominer par ses émotions, mais celles-ci sont généralement à l’origine de mauvaises décisions. La meilleure politique consiste à définir sa stratégie d’investissement de sorte que celle-ci prévoie un minimum de décisions à prendre et réduise le risque de voir les émotions vous conduire à faire des erreurs.