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30 mars 2023

Organiser sa vie dans plusieurs pays

Les entrepreneurs et autres individus fortunés sont de plus en plus des citoyens du monde. Leurs intérêts économiques, leur famille et leur mode de vie peuvent les amener à entretenir des liens avec plusieurs pays. Quels facteurs doivent-ils prendre en considération, depuis les règles de nationalité et de résidence jusqu’à la complexité inhérente à la fiscalité internationale ?

Un mode de vie international, qui implique la détention de biens immobiliers et d’intérêts économiques dans différents pays, a ses avantages. En plus de sa diversité et de son caractère stimulant, il vous permet d’identifier un large éventail d’opportunités d’investissement et de mener la vie que vous voulez. Il peut même vous permettre de payer moins d’impôts, mais l’inverse peut également être vrai. Toutefois, cela accentuera sans aucun doute la complexité. Les règles de nationalité, de résidence et d’imposition peuvent constituer un terrain miné pour ceux qui ne sont pas sur leurs gardes.

Dans la plupart des domaines, des conseils judicieux sont indispensables. Il est quasiment impossible pour un individu de rester au courant des règles en matière de fiscalité et de résidence, qui peuvent être très différentes, et de comprendre leurs interactions. Par ailleurs, les différents pays peuvent avoir des règles différentes concernant le statut de résident. On peut être considéré comme résident dans deux endroits au même moment et devenir assujetti à l’impôt sur le revenu dans ces deux endroits.

Une mauvaise interprétation des règles peut coûter cher

Les répercussions en cas d’erreur d’interprétation peuvent être significatives. Récemment, l’entraîneur d’un club de football a été débouté de son recours contre l’administration fiscale britannique concernant son statut de résident britannique lors d’une année fiscale particulière. Il est ainsi devenu assujetti à l’impôt sur les plus-values sur la vente de 34 biens immobiliers au Royaume-Uni. Une mauvaise interprétation des règles peut coûter très cher aux intéressés. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2021 n’a fait qu’accentuer les complications potentielles.

Les règles en matière de résidence fiscale ont généralement une incidence sur le montant de l’impôt acquitté et sur vos droits aux prestations sociales (pension légale ou assurance-maladie).

Sans entrer dans le détail des règles de résidence de plusieurs pays, un certain nombre de principes élémentaires s’appliquent dans une majorité de pays. Les règles en matière de résidence fiscale ont généralement une incidence sur le montant de l’impôt acquitté et sur vos droits aux prestations sociales (pension légale ou assurance-maladie).

Le statut de résident est un statut officiel qui permet à un individu de rester dans un pays pour une durée déterminée ou indéterminée. Ce statut peut être temporaire ou permanent et doit parfois être renouvelé périodiquement pour rester valable. Un titre de séjour peut permettre à un individu de vivre et de travailler dans le pays, d’acquérir un bien immobilier (mais pas toujours), de bénéficier de soins de santé et de scolariser ses enfants. Il peut conférer des droits en dehors du pays en lui-même, comme celui de circuler librement au sein de l’UE.

Des calculs complexes pour déterminer la résidence

Néanmoins, les règles visant à déterminer la résidence fiscale sont souvent plus complexes. Elles peuvent impliquer de calculer le nombre de jours passés dans un pays donné au cours d’une année civile (ou d’un exercice fiscal), ou un nombre de jours moyen au cours d’un certain nombre d’années. Il est judicieux de consacrer un peu de temps à la compréhension des règles en vigueur dans chaque pays dans lequel vous séjournez un certain temps car il n’est pas exclu que vous soyez considéré comme résident fiscal d’un pays sans en avoir conscience.

Certains États ne lient pas le statut de résident au nombre de jours passés dans le pays mais à d’autres critères tels que la possession d’une résidence permanente, le centre des intérêts économiques, l’État dans lequel l’individu exploite un commerce ou une entreprise ou exerce une activité professionnelle.

La fiscalité sera probablement le principal casse-tête pour ceux qui aspirent à être véritablement des citoyens du monde. Les règles fiscales ne sont pas harmonisées à l’échelle internationale, ce qui veut dire que les individus qui vivent par-delà les frontières devront peut-être composer avec des années fiscales et des dates de paiement de l’impôt différentes.

Ils peuvent être assujettis à l’impôt dans plusieurs pays, à différents moments. Les conventions de non-double imposition portent généralement sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune, parfois sur les droits de succession et plus rarement sur la fiscalité des donations. Ces conventions fiscales ont vu le jour pour éviter aux individus et aux entreprises d’être imposés deux fois sur les mêmes revenus mais, dans la pratique, elles ont souvent des lacunes.

Les conventions de non-double imposition ont vu le jour pour éviter aux individus et aux entreprises d’être imposés deux fois sur les mêmes revenus mais, dans la pratique, elles ont souvent des lacunes.

Si les taux d’imposition sont plus élevés dans un pays, vous serez peut-être tenu de payer un supplément d’impôt là-bas. Néanmoins, la situation peut se compliquer si, par exemple, le système de sécurité sociale d’un pays est financé par le biais de la fiscalité générale ou d’un mécanisme distinct lié au revenu.

Imposition basée sur la nationalité et la résidence

Il y a un certain nombre d’éléments qui se vérifient partout. L’assujettissement à l’impôt intervient généralement lorsque quelqu’un devient résident. Il se peut que les non-résidents paient des impôts uniquement sur l’argent gagné dans un pays donné (et dans certains cas, même pas). En revanche, les résidents sont normalement assujettis à l’impôt sur les revenus qu’ils perçoivent dans le monde entier.

En général, la citoyenneté n’a pas d’incidence sur l’imposition, excepté aux États-Unis (ainsi qu’en Érythrée et, dans une certaine mesure, en Chine). En effet, les citoyens américains sont assujettis à l’impôt sur le revenu aux États-Unis qu’ils y résident ou non et indépendamment de la provenance de leurs revenus.

La situation est généralement très claire pour ce qui est de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui est souvent prélevé à la source pour les salariés. Pour l’impôt sur les plus-values et les droits de succession, cela peut être plus flou. S’agissant des droits de succession, les résidents d’un pays donné paieront généralement l’impôt sur les biens qu’ils possèdent partout dans le monde mais ils peuvent également être assujettis à l’impôt français sur les biens dont ils ont hérité en France, à titre d’exemple.

Les conventions fiscales en vigueur visent à garantir que de tels impôts ne soient pas prélevés deux fois. Néanmoins, les résidents de pays de droit civil – c’est le cas notamment de la plupart des pays d’Europe continentale – doivent également prendre en compte les règles de réserve héréditaire (la part de l’héritage qui revient obligatoirement aux enfants). Au Royaume-Uni, des règles complexes régissent le concept singulier de domicile, qui est indépendant de la nationalité et de la résidence et qui peut avoir une incidence sur l’assujettissement à l’impôt sur les successions, ainsi que sur l’assiette de l’impôt sur le revenu pour les résidents britanniques. En bref, il s’agit d’un champ de mines qui rend les conseils d’un expert indispensables.

La nationalité peut être plus difficile à obtenir et, le plus souvent, cela ne changera pas grand-chose, voire rien du tout, au montant de votre impôt.

Les leçons du Brexit

La nationalité peut être plus difficile à obtenir et, le plus souvent, cela ne changera pas grand-chose, voire rien du tout, au montant de votre impôt. Toutefois, si vous avez élu domicile dans un pays pour y vivre de manière permanente, vous voudrez sans doute participer pleinement à la vie locale, par exemple en votant ou en vous présentant à une élection.

Cela peut également vous protéger contre une modification des règles de résidence. De nombreux citoyens de l’UE n’avaient pas forcément réfléchi à l’intérêt de demander la nationalité d’un autre État membre jusqu’à ce que l’expérience du Brexit montre que des droits et des dispositions apparemment immuables ne le sont pas. Les Britanniques expatriés dans des pays tels que l’Espagne et la France ont pu constater que leur situation juridique s’en est trouvée sensiblement altérée. Ils ont notamment perdu le droit automatique de s’installer ou de travailler dans un autre pays membre de l’UE.

Obtenir la nationalité d’un pays prend généralement du temps. La France a des règles bien particulières : les individus doivent justifier d’au moins cinq ans de résidence en France, ainsi que de ressources financières suffisantes et stables, démontrer leur intégration dans la société française, respecter les valeurs et le mode de vie local et passer un test de langue.

En Espagne, les règles sont plus souples : ceux qui résident légalement dans le pays depuis 10 ans peuvent demander la nationalité sans qu’il soit nécessaire de se soumettre à des tests. Il y a aussi des exceptions pour ceux qui ont de la famille dans un autre pays. Les individus d’ascendance française ou espagnole peuvent demander la nationalité par filiation. Dans la plupart des pays européens, la nationalité peut être obtenue par le biais du mariage mais seulement après un certain délai (quatre ans dans le cas de la France).

Les régimes matrimoniaux, la réserve héréditaire ou la responsabilité parentale sont susceptibles de changer lorsque l’on s’installe à l’étranger.

Un changement de résidence peut avoir des répercussions fiscales, mais aussi civiles

Les régimes matrimoniaux, la réserve héréditaire ou la responsabilité parentale sont susceptibles de changer lorsque l’on s’installe à l’étranger. La plupart des pays de droit civil appliquent la notion de réserve héréditaire, autrement dit le droit de certains individus à hériter de la fortune et des biens immobiliers du défunt. À l’étranger, les règles en matière de réserve héréditaire (répartition et bénéficiaires) sont susceptibles de changer.

La succession du chanteur français Johnny Hallyday, qui s’était installé aux États-Unis où il n’existe pas de réserve héréditaire, est un exemple célèbre. En vertu du droit local, il a rayé de son testament ses deux aînés. L’année de son décès, il a néanmoins passé beaucoup de temps en France (ce qui peut être prouvé au moyen de son activité sur les réseaux sociaux). Par conséquent, au terme d’une longue procédure judiciaire qui a permis d’établir qu’il résidait de façon « habituelle » en France, sa succession a été réglée selon le droit français. Les règles françaises en matière de réserve héréditaire ont été appliquées et les enfants du chanteur ont eu droit chacun à 18,75 % de sa succession.

Autre exemple, celui des Émirats arabes unis, qui devient une terre d’expatriation pour un nombre grandissant de citoyens européens. Les parents doivent savoir qu’ils ne sont pas égaux en droits et en responsabilités à l’égard de leurs enfants dans le droit familial islamique local. Le père marié est le tuteur personnel/légal de l’enfant et les biens de l’enfant sont placés sous sa tutelle. En cas de divorce ou de décès, il se peut que la mère n’ait aucun droit sur ses enfants.

Heureusement pour les ressortissants étrangers non musulmans qui vivent aux EAU, il est possible de passer des contrats inspirés des règles de leur pays d’origine.

Devenir citoyen du monde présente beaucoup d’avantages mais il est indispensable de suivre l’évolution des règles, sans quoi on court le risque d’un statut juridique incertain ou d’un assujettissement à l’impôt dans plusieurs pays. Cela offre des possibilités quant au lieu et aux modalités d’imposition, peut-être même quant au montant de l’impôt à acquitter, mais il est toujours essentiel de s’en remettre aux conseils d’un expert.