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28 mars 2024

Parole d’expert: «Un tour du monde avec 8€ par jour»

Des savanes africaines aux steppes de l’Oural, en passant par l’Inde, le Tibet et les montagnes des Andes, Anaïs Bouillet a fait le tour du monde en 2011. Pour préparer leur voyage, cette jeune responsable des ressources humaines et son compagnon ne disposaient pas d’un budget illimité. Ils ont donc pris le temps de planifier et budgétiser chaque étape du périple, tout en ménageant surprises et improvisations.

Nous avons rencontré pour vous l’intrépide Anaïs. Une bonne occasion de revenir avec elle sur ses meilleurs plans de voyage, certes « éco », mais dont les souvenirs n’ont pas de prix

• Comment est né votre projet de tour du monde ?

Anaïs Bouillet : Il y a toujours plusieurs raisons qui vous poussent vers ce genre d’aventure. La plus évidente, c’est que j’avais vraiment envie de découvrir le monde. Je sentais que c’était le bon moment, j’étais jeune et je n’avais pas d’enfants ou d’impératifs contraignants. Je pouvais partir librement.

A la rencontre des élèves de l’école de Gobi, proche de Ouagadougou (Burkina Faso).

• Pour réaliser ce voyage, disposiez-vous d’un budget conséquent ?

J’ai commencé à faire des économies plus d’un an avant mon départ et j’ai aussi vendu ma voiture. Le budget total pour ce voyage était de 14.000 € par personne. Cela semble conséquent, mais pour un voyage d’un an, ce n’est pas si large. Et puis cette somme englobe les billets d’avion, les visas, les vaccins et tous les frais engagés avant même de partir.

• Vous aviez planifié de ne pas dépenser, sur place, plus de 8 € par jour. Était-ce simple à réaliser ?

En effet, c’est le budget journalier que nous avions fixé, sauf pour les pays d’Europe ou d’Amérique du Sud où ce n’est tout simplement pas tenable. Pour ces pays, il faut plutôt compter sur un budget de 20/25 € par jour, à condition d’avoir recours au couchsurfing ou aux nuits chez l’habitant.
Par contre, si l’on se prépare bien, c’est tout à fait faisable dans les pays d’Afrique ou d’Asie, par exemple. Nous nous sommes donc beaucoup documentés sur des forums et auprès des offices de tourisme. Nous avons également beaucoup échangé avec des voyageurs.

Les rives du Gange sont de véritables fresques picturales, comme ici à Bénarès (Inde)

• Comment faisiez-vous pour retirer de l’argent ? Et comment le gériez-vous sur place ?

Je notais les dépenses dans un carnet, afin d’adapter quotidiennement le budget. Si nous dépassions un jour, nous essayions d’équilibrer le lendemain.

Nous retirions la monnaie locale dans des distributeurs ou directement dans les banques de chaque pays. Cela se fait sur présentation du passeport et en adaptant notre demande sur la valeur de la monnaie locale. Il fallait également faire très attention aux frais de retrait qu’entraîne ce genre d’opérations depuis l’étranger.
Nous gardions l’argent sur nous, réparti dans plusieurs poches de notre ceinture. Le budget du jour se trouvait dans une poche avant, le reste dans d’autres poches « spéciales » pour des raisons de sécurité.

• Les transports demeurent un foyer de dépenses important pour les voyageurs. Comment avez-vous procédé pour les grands trajets et les déplacements sur place ?

Loin de ce que proposent plusieurs organismes en France, nous n’avons pas opté pour un tour du monde classique avec un « billet tour du monde » en amont.
Nous avons procédé à des simulations tenant compte des changements de continent, à l’époque où nous projetions d’y être. Cela nous a permis d’avoir une estimation budgétaire relativement précise. Cela dit, les trajets en avion ont clairement représenté le foyer de dépenses le plus important.
Pour les déplacements sur place, nous avons utilisé majoritairement la marche, le stop et les transports en commun locaux qui sont très bon marché. Pour limiter les budgets transports et hébergements, nous privilégions les longs trajets en train ou en bus où nous pouvions dormir, même si ce n’est pas toujours l’idéal pour un repos de qualité.

Ticket pour le Népal, grâce à ce bus effectuant la liaison entre Katmandou et Pokhara.
Agra, où quelques « baba » vivent une existence dédiée à la spiritualité. (Inde)

• Autre grand foyer de dépenses, c’est le logement. Quelle fut votre approche à ce sujet ?

Le logement est clairement le foyer de dépenses qu’il est possible de minimiser. Pas d’hôtels donc, mais des nuits chez l’habitant. Nous faisions également du camping sauvage et nous allions dans des dortoirs d’auberges lorsqu’il était temps de prendre une douche et de se reposer vraiment.
Nous avons très peu réservé à l’avance nos hébergements. Dans les pays traversés, il était très facile de trouver une structure d’accueil ou une personne qui acceptait de nous faire partager sa vie, sans contrepartie financière ! Je garde le souvenir ému d’un camping improvisé avec des Russes, au bord du lac Baïkal en Sibérie, ou de cette femme mongole qui nous a hébergés plusieurs nuits dans la yourte où elle vivait avec ses enfants. Au Sénégal, nous avons également dormi dans un village de pêcheurs ou sur des peaux de lamas en Bolivie.

• Pour l’alimentation, les frais courants, avez-vous des astuces à partager avec nos lecteurs ?

Ce sont des considérations de bon sens plus que des astuces ou des conseils magiques. Il faut privilégier les petits restaurants locaux, ce qui permet d’ailleurs de côtoyer la population et de découvrir les richesses culinaires du pays. Ce n’est pas sans surprises : nous avons goûté aux scorpions, aux cocons de papillons grillés, et nous avons aussi bu de la chicha, un alcool de maïs bolivien à 80°.
Pour le reste, nous faisions quelques courses dans les supermarchés et épiceries qui se trouvaient sur notre chemin. Nous préparions ensuite à manger dans notre « gamelle » autour d’un feu de camp.

• En cas de bobos, vous aviez souscrit à une assurance ou mutuelle particulière ?

Notre carte de crédit nous a permis de bénéficier d’une protection pendant les trois premiers mois. Pour la suite, nous avions souscrit à une assurance rapatriement qui couvrait nos dépenses en cas de retour imprévu au pays.
J’ai suivi les conseils d’un médecin du Centre hospitalier de Luxembourg qui s’est occupé de me vacciner pour éviter de contracter certains virus ou maladies, après avoir défini les zones et les périodes pendant lesquelles je me trouvais à l’étranger. Mon médecin m’avait également préparé une trousse de secours avec les « essentiels » en cas de pépin.

La pose et une pause sur les hauteurs du lac de Yam Drok- Tso (Népal).

6 ans plus tard, Anaïs garde les yeux rivés vers son prochain voyage.

• Quels conseils généraux donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans une telle aventure ?

Je ne peux que recommander à quiconque d’entreprendre ce voyage. Il faut bien se préparer certes, mais il faut aussi saisir l’envie quand elle vous prend.
C’est une aventure incroyable, qu’il faut vivre intensément car elle passe très vite. C’est une occasion unique de rencontrer des gens différents, de s’enrichir de leurs expériences, de leur mode de vie, sans peurs ni a priori. Je garderai toute ma vie le souvenir de certains paysages et la gentillesse des populations que nous avons côtoyées.