Mes finances, mes projets, ma vie
26 avril 2024

Portrait d’entrepreneur : « se diversifier pour perdurer »

Carlo Arendt est le fondateur et dirigeant de New Spirit. Fêtant cette année ses 30 ans d’existence, la société est, selon ses dires, la toute première agence événementielle du Luxembourg. Quelles en ont été les grandes étapes de développement ? Comment a-t-il surmonté les défis qui se sont présentés à lui ? Rencontre avec un entrepreneur qui a su varier ses activités pour traverser les décennies avec succès.

À 57 ans, Carlo Arendt est un chef d’entreprise aguerri qui a plus d’une corde à son arc. Cet ancien gendarme qui a fait ses classes dans l’armée, est également propriétaire du domaine « Le Moulin » à Altwies, fondateur de l’association New Spirit Balloons qui organise des vols en montgolfière, et actif dans la location de matériel avec pagode.lu. À l’occasion du 30e anniversaire de sa société, nous l’avons rencontré pour revenir sur les temps forts de sa vie d’entrepreneur féru d’aventures et passionné par son métier !

Monsieur Arendt, comment vous est venue l’idée de lancer New Spirit, la première agence événementielle au Luxembourg ?

« L’idée a germé en 1990. Je m’étais inscrit au « Raid Gauloise » au Costa Rica avec celui qui est ensuite devenu mon associé Maurits van Rijckevorsel. Nous avons essayé de trouver des sponsors pour payer les frais d’inscription, mais c’était compliqué. On a alors découvert que les gens étaient prêts à payer pour nous accompagner lors de nos entraînements. Nous avons organisé des week-ends de stages de rafting, de parachutisme, d’escalade, etc. L’argent récolté a ensuite été investi dans le raid.

Il y avait un gros besoin d’évasion et d’aventure au Luxembourg. Nous nous sommes dit que ce serait génial de créer une société autour de l’organisation d’événements.

Une entreprise nous a alors demandé d’organiser son Team Building. Ça a été le déclic. Nous avons remarqué qu’il y avait un gros besoin d’évasion et d’aventure au Luxembourg et nous nous sommes dit que ce serait génial de créer une société autour de l’organisation d’événements. À l’époque, en 1991, les agences événementielles n’existaient pas. Nous avons dû nous inscrire comme agence de voyage auprès de la Chambre de Commerce. Et nous sommes devenus la toute première agence de ce type au Luxembourg. »

Au départ, où avez-vous trouvé les financements pour vous lancer et développer votre business ?

« Nous n’avions aucun budget pour commencer. Nous avons emprunté de l’argent à nos parents pour constituer la société, mais nous n’avons pas demandé d’aide, ni de prêt aux banques. Nous avions le minimum : un ordinateur, une imprimante… et notre vélo pour aller en rendez-vous ! Nous étions très motivés. On s’est fait connaître en allant frapper aux portes des entreprises. Mais c’était difficile : mon associé a transformé une partie de son appartement en bureau et je suis retourné vivre chez mes parents. Tout ce qu’on gagnait était investi dans la société. On se contentait du minimum pour vivre. »

Quelles ont été les grandes étapes qui vous ont permis de faire grandir votre société ?

« Le premier gros déclencheur, c’était en 1992. La BIL nous a demandé d’organiser sa fête du personnel. Nous avons préparé une soirée sur le thème « Caraïbes » et transformé la patinoire du Kockelscheuer en salle des fêtes. Ça a eu un succès fou ! Nous avons ensuite créé la « BIL Familienfest », une grande fête de famille ouverte au public. Il y avait des manèges, des spectacles de cirque, des châteaux gonflables, des pédalos, etc. C’était presque plus grand que la Schueberfouer ! Ça a duré plus de 10 ans et, dès la seconde année, nous avions déjà rassemblé plus de 10.000 visiteurs en une seule journée ! Un véritable tremplin pour notre activité. Cette expérience nous a ensuite aidés à décliner le concept pour de nombreuses grosses entreprises du pays.

En 1993, nouveau tournant pour l’agence : nous avons signé un partenariat avec le comte d’Ansembourg qui possède une forteresse dans la Vallée des 7 châteaux. Nous avons transformé le domaine, installé des jeux « à la Fort Boyard », un parcours dans les arbres, une tyrolienne, etc. C’était une étape importante qui a contribué à nous faire connaître comme organisateurs d’événements et d’activités sportives.

La même année, nous avons appris que Luxembourg allait devenir Capitale Européenne de la Culture. Nous avons décroché le projet de « La Cité sous chapiteau » et fourni du matériel, des tentes et des chapiteaux pour 3 mois. C’était notre plus gros projet jusque-là. Celui qui nous a permis d’embaucher notre premier employé ! À cette période, nous avons également pris en charge la logistique du Championnat du monde de montgolfières à Meysembourg.

Nous étions devenus les « Boys » qui résolvaient tous les problèmes. Nous n’avions pas de matériel, mais un bon carnet d’adresses.

À partir de ce moment, nous étions devenus les « Boys » qui résolvaient tous les problèmes. Nous n’avions pas de matériel, mais des contacts et un bon carnet d’adresses. Nous avons voyagé et continué à découvrir de nouvelles activités : sports extrêmes, parapente, raids au Maroc, etc. Certaines années, nous avions presque 30 fêtes de fin d’année à organiser en un mois.

Finalement, au bout de 4 ans, mon associé est parti et j’ai repris New Spirit. En 2002, j’ai acheté Le Moulin d’Altwies et aménagé les 10 hectares de terrain pour y organiser des mariages, des team buildings, des soirées à thème et des activités pour les entreprises et les particuliers : parcours en quads, en buggys, accrobranches, tours en montgolfières, etc. »

Pionnier dans votre domaine, comment avez-vous géré l’arrivée de la concurrence et réussi maintenir votre place sur le marché ?

« Au fil des années, d’autres agences événementielles sont arrivées sur le marché. On s’entendait bien la plupart du temps. Il y avait un vrai respect entre nous et on se renvoyait la balle : New Spirit était spécialisée dans l’aventure, les soirées à thèmes, les team buildings, les fêtes de familles, etc. Les autres agences organisaient surtout des conférences, des événements liés au marketing et à la communication. Notre entreprise se distinguait par son originalité, son esprit novateur et les bonnes relations avec les clients.

Une bonne concurrence stimule le marché ! […] Elle nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes et à être toujours créatifs.

Autre point fort, nous avons très vite proposé notre propre site : d’abord au domaine d’Ansembourg pendant 13 ans, puis au Moulin d’Atwies. C’est un réel avantage. Tout comme de posséder son matériel : tentes, chapiteaux, quads, Segways, tables, chaises, etc. Ne dépendant d’aucun fournisseur, on peut adapter ses prix et ses services aux besoins des clients.

Et puis, une bonne concurrence stimule le marché. Après quelques années avec les mêmes clients, on peut avoir tendance à faire moins d’efforts. La concurrence nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes et à être toujours créatifs. Bien sûr, il y a aussi des moutons noirs qui essaient de casser le marché. Mais en général, ils finissent par faire faillite. »

Comment avez-vous surmonté les défis qui se sont présentés au cours de votre carrière ?

« Nous avons eu des périodes difficiles durant ces 30 dernières années : crise financière, immobilière, bug de l’an 2000… Comme je le dis toujours : nous sommes le baromètre de la situation financière au Luxembourg. Si une entreprise va mal, le premier budget coupé est celui de la fête !

Nous sommes le baromètre de la situation financière au Luxembourg. Si une entreprise va mal, le premier budget coupé est celui de la fête !

Durant ces périodes, les dépenses des entreprises se sont réduites. Il a fallu trouver des solutions : baisse de nos commissions, négociation des tarifs, révision des prestations des fournisseurs, etc. Il fallait se remettre en question, s’adapter et serrer les dents jusqu’à ce que ça aille mieux. On préférait gagner moins d’argent, mais continuer à travailler. »

Votre domaine d’activité est dramatiquement impacté par la crise sanitaire du coronavirus. Comment votre entreprise traverse-t-elle cette période ?

« Lorsqu’on nous a annoncé le confinement en mars 2020, on avait le plus beau calendrier de l’année. Tous les week-ends étaient déjà remplis. Du jour au lendemain, nous avons dû annuler, reporter les événements ou rembourser les clients…

J’ai commencé par revoir toutes les dépenses de la société : j’ai demandé un moratoire aux banques, j’ai mis hors circulation la plupart des véhicules que j’utilisais pour les événements, j’ai fait un inventaire de tout le matériel pour définir ce que je pouvais vendre, les abonnements que je pouvais résilier, etc.

Ce qui nous sauve, c’est la diversité de nos activités. […] J’ai plusieurs entrées d’argent : quand l’une va moins bien, l’autre peut compenser.

Ce qui nous sauve, c’est la diversité de nos activités : l’agence événementielle New Spirit, la location du Moulin et du matériel avec pagode.lu, Balloons, à quoi s’ajoutent les loyers de mes locataires dans le bâtiment administratif. J’ai plusieurs entrées d’argent : quand l’une va moins bien, l’autre peut compenser.

J’ai aussi contacté tous les laboratoires de tests pour leur proposer des tentes. J’ai fourni des containers toilettes et douche pour les demandeurs d’asile, etc. Je n’ai jamais dit non. Même si je n’avais pas le matériel, je me débrouillais avec mes contacts. Et tous étaient contents de pouvoir travailler pendant cette période compliquée. J’ai ainsi pu faire quelques factures par mois, me permettant de payer les frais de l’entreprise.

J’ai malheureusement dû licencier 3 personnes sur mon équipe de 6. Je n’avais plus assez d’argent pour payer les salaires et je ne voulais pas mettre la vie de la société en péril. C’est difficile, on est une famille, on se connaît tous bien.

Finalement, cette crise nous a fait prendre conscience des vraies valeurs : « back to the roots ». J’ai réalisé que je voulais profiter de la vie, de ma famille et voyager. C’est pourquoi j’ai décidé d’arrêter la location du Moulin et de diminuer l’activité de l’agence événementielle à la fin de cette année. »

New Spirit fête cette année ses 30 ans d’existence. Selon vous, quel est le secret de votre longévité ?

« L’agence est toujours là 30 ans après ses débuts, parce que nous sommes restés innovants et à l’écoute du client. Nous nous sommes adaptés au marché et nous avons toujours essayé de trouver des solutions en cas de difficultés. C’est grâce à cela que nous avons survécu aux différentes crises. »

Pour finir, quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un jeune entrepreneur qui veut se lancer ?

« Je pense qu’il y a toujours un créneau à exploiter, de bonnes idées à trouver. À l’époque où j’ai commencé, il n’y avait que très peu d’événements et nous avons réussi à créer une demande, à devenir la référence au Luxembourg. Lorsqu’on disait « événement », on pensait « New Spirit » !

Je suis convaincu qu’il faut se spécialiser, être bon dans un domaine et le garder comme point fort. Mais, il est important aussi de diversifier ses activités afin de conserver plusieurs sources de revenus. Dans tous les cas, si on a une idée aujourd’hui, le plus important est d’y croire, de s’y attacher et de la développer. »