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26 avril 2024

Un optimisme à toute épreuve pour les investisseurs de demain

  Olivier Goemans myINVEST 19 juin 2020 1194

Dans mon article intitulé « La durabilité, thème disruptif par excellence », je faisais référence à « l’effrayante montée en puissance de l’agnotologie à l’échelle mondiale », en affirmant que le déni de la science est une voie commune empruntée par des groupes d’intérêts particuliers. Si la crise de la Covid-19 a engendré une longue liste de traumatismes, y compris son lot de tragédies personnelles, elle a également offert des opportunités d’un avenir meilleur, bousculant l’idée que nous sommes impuissants face à des changements de grande ampleur.

Reléguée au second plan dans les médias et l’agenda politique, la crise climatique demeure une réalité pressante et deviendra encore plus alarmante avec le temps. Elle porte en elle les germes d’une future crise mondiale, plus puissante encore que celle que nous vivons actuellement.

Dans le cadre de la pandémie qui nous touche, les scientifiques font aujourd’hui autorité. Il s’agit là d’une formidable opportunité pour les citoyens et les dirigeants de tirer des leçons du passé, de stimuler le changement et d’agir pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Comme nous sommes en train de l’apprendre malgré nous, le temps est un facteur critique lorsqu’il s’agit de prendre des mesures efficaces. S’il existe un besoin urgent de reprise économique, il est tout aussi urgent d’éviter les futures crises liées au changement climatique. Comme le note K.S. Robinson1, « le virus réécrit nos imaginaires. Ce qui hier semblait impossible est devenu envisageable. Nous prenons conscience de notre place dans l’histoire. Nous savons que nous entrons dans un nouveau monde, une nouvelle ère. Nous semblons apprendre à nous frayer un chemin dans une nouvelle structure de sentiments ».

Cela faisait longtemps qu’on attendait un tel changement. Nous sommes depuis trop longtemps en décalage avec les limites de mère Nature, causant des dommages que nos enfants ne seront pas en mesure de réparer. En mettant l’économie à l’arrêt pour aplatir la courbe des contaminations, la plupart des gouvernements ont placé la santé avant la richesse en termes de priorités. Nous vivons des moments historiques. Pourtant conscients du risque d’extinction massive, nous étions auparavant incapables d’agir. Cette pandémie entraîne avec elle un sentiment de panique.

En décidant de confiner une grande partie de leurs populations, les autorités, largement soutenues par les citoyens, ont redécouvert que le capital humain constitue un intrant dans le système.

Nous n’étions pas préparés à une pandémie, mais bien équipés (et habitués) pour faire face à une crise financière.

Avec le recul, l’histoire nous montrera probablement que nous n’étions pas préparés à une pandémie mais bien équipés (et habitués) pour faire face à une crise financière. La coordination était inexistante, mais la plupart des pays développés ont presque immédiatement déployé des sommes massives pour soutenir la liquidité financière, tout en étant incapables de fournir une protection adéquate au personnel médical.

Soyez convaincu que nous nous rapprochons du moment où nous prendrons conscience que le capital humain est l’apport le plus important dans l’économie. Saviez-vous, par exemple, qu’il existe des documents de recherche très sérieux2 qui démontrent que la pollution est une attaque contre le capital humain. Ces recherches démontrent que la pollution atmosphérique représente le facteur dissuasif qui entrave les performances cognitives. Autrement dit, elle nous rend malades et idiots. La réduction de la pollution contribuerait à notre santé et richesse. Bien que les économistes qualifient ces facteurs d’« externalités », les investisseurs comprennent évidemment les opportunités offertes par les technologies soutenant la transition vers la durabilité, tout comme les entreprises agissant en tant que leaders du changement. Si la science économique vise à optimiser les ressources, il est grand temps aujourd’hui que cette optimisation s’opère de manière adéquate. Nous nous situons du mauvais côté de la courbe de la pollution de Laffer3.

En substance, moins de pollution signifie plus de PIB !

En substance, moins de pollution signifie plus de PIB ! La promotion des investissements soutenant cette transition n’est pas seulement moralement louable, elle est également efficace, dans la mesure où elle réduit les « externalités ». Utilisons la pandémie actuelle pour la repenser, intervenons pour éviter une « chaîne de Ponzi multigénérationnelle »4 dans laquelle les coûts environnementaux que nous ne payons pas aujourd’hui s’empilent en un amas de « sinistres créances » transmis aux générations suivantes.

Comme l’a brillamment défendu Tom Rivett-Carnac5, il est essentiel de reprendre le contrôle de nos actions. Nous avons tous l’impression que les choses futiles du quotidien sont les seules sur lesquelles nous ayons un tant soit peu de contrôle. Nous nous sentons frustrés et déprimés devant une telle urgence. Face à un défi dont l’ampleur nous dépasse, nous avons le sentiment de ne pas avoir de contrôle et les biais comportementaux se manifestent pleinement, pour la plupart d’entre nous. Notre esprit réagit soit en niant le problème, soit en minimisant notre propre rôle. Le personnel soignant et les infirmiers/infirmières ont aidé l’humanité à faire face à la tragédie humaine de la Covid-19. Nous comprenons aisément que ces héros étaient impuissants à empêcher la propagation de la maladie. Elle échappait tout simplement à leur contrôle. Mais cela ne veut pas dire que leurs contributions ont été vaines. Le courage et l’humanité dont ces personnes ont fait preuve classent leur travail parmi les choses les plus significatives qui puissent être faites en tant qu’êtres humains, même si ces gens n’ont aucune prise sur le résultat.

S’agissant de la crise climatique, l’action que nous menons et l’impact de celle-ci sont deux choses distinctes, en raison du décalage temporel existant entre les efforts et les résultats. L’impact du changement climatique était censé être lointain, quelque part dans l’avenir. Force est de constater qu’à l’heure d’écrire ces lignes, le futur est à nos portes. Des attitudes de soutien et de prise de conscience, combinées à une action cohérente, peuvent permettre à des sociétés entières d’agir avec détermination et de manière durable en vue d’un objectif commun.

Si l’on étudie l’histoire, l’exemple de Churchill s’avère particulièrement éloquent. Les Britanniques tergiversaient, faisant tout leur possible pour éviter d’affronter la réalité. En favorisant un changement d’état d’esprit (le peuple britannique se posait beaucoup de questions sur la situation et ce qui l’attendait), Churchill est parvenu à donner avec calme la détermination nécessaire à son pays pour ne jamais rendre les armes. Une inspiration pour faire face à la sombre réalité qui n’a rien à voir avec la probabilité de gagner la guerre. Le choix d’une forme d’optimisme profond, déterminé et à toute épreuve a simplement émergé, sans nier la perspective des ténèbres mais refusant de s’y réfugier. Cet optimisme à toute épreuve est incroyablement puissant. Faisons face à la réalité fondamentale de l’humanité en tant qu’une des créatures de notre biosphère, toutes connectées et dépendantes les unes des autres pour survivre.

Les feuilles de route en matière d’investissements financiers devraient s’appuyer sur un optimisme à toute épreuve.

Ne vous méprenez pas, je ne plaide pas ici pour une nouvelle récession provoquée par l’homme ni même pour une nouvelle pause dans l’activité économique destinée à protéger notre planète. Les feuilles de route en matière d’investissements financiers devraient plutôt s’appuyer sur un optimisme à toute épreuve. L’investissement durable est une façon de donner vie à des actions urgentes, en leur donnant un but qui vient compléter la quête de performance financière.

Nous devons passer outre notre sentiment d’impuissance, pour agir maintenant afin d’éviter la tragédie de l’horizon6 sur le chemin d’un avenir régénérateur. C’est un choix pour nous tous.


1 https://www.newyorker.com/culture/annals-of-inquiry/the-coronavirus-and-our-future

2 http://conference.iza.org/conference_files/environ_2019/palacios_j24419.pdf
https://www.nber.org/papers/w22328

3 La courbe de Laffer est une théorie développée par l’économiste de l’offre Arthur Laffer visant à illustrer la relation entre les taux d’imposition et le montant des recettes fiscales perçues par les gouvernements. La courbe est utilisée pour illustrer l’argument de Laffer selon lequel une baisse des taux d’imposition peut parfois faire augmenter le total des recettes fiscales.

4 https://www.newyorker.com/culture/annals-of-inquiry/the-coronavirus-and-our-future

5 How to shift your mindset and choose your future (Comment changer les mentalités et choisir son avenir) – Tom Rivett-Carnac.

6 Discours de Mark Carney en septembre 2015.