Champagne et investissement: des rendements qui pétillent?
Depuis plus d’un millénaire, le champagne s’est imposé comme la boisson de fête par excellence, un véritable signe de richesse et le symbole d’un certain statut social. Lorsque Hugues Capet fut couronné roi de France en 987 en la cathédrale de Reims, le vin servi au banquet provenait de la région, la Champagne. Mais cette tradition millénaire en fait-elle pour autant un bon placement aujourd’hui?
Le breuvage que consommèrent à cette occasion le Roi de France et ses convives n’était en réalité pas le désormais célèbre vin mousseux, mais une piètre copie rose pâle de ce que produisait les vignerons de Bourgogne, à base de Pinot noir. L’un des obstacles à la production vinicole en Champagne est que les températures hivernales y étaient si basses que le processus de fermentation était interrompu, pour ne reprendre qu’au printemps, causant l’apparition de bulles de gaz carbonique dans le vin.
Les viticulteurs locaux, parmi lesquels le célèbre moine bénédictin Dom Pérignon, considéraient la présence de ces dernières comme un défaut, qu’ils cherchaient à éliminer du processus de production. Outre des considérations gustatives, la présence de gaz carbonique entraînait également un risque d’explosion de la bouteille. La version pétillante fut toutefois accueillie avec enthousiasme par les consommateurs d’outre-Manche et gagna ainsi en popularité auprès de la famille royale et de la haute société.
La marque la plus ancienne produite selon la célèbre méthode champenoise est Dom Pérignon, du nom de ce moine, maître de chais de l’Abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers entre 1668 et 1715, qui mit au point plusieurs techniques utilisées aujourd’hui encore par les producteurs de vins mousseux les plus réputés, parmi lesquels Pol Roger, Cristal, Taittinger et autres Bollinger.
Un marché en pleine expansion
Plus de 10 siècles après le couronnement d’Hugues Capet, le marché poursuit son inexorable croissance. Une étude menée par Straits Research, basé en Inde, prévoit que les ventes mondiales passeront de 8,63 milliards de dollars estimés en 2025 à 13,96 milliards de dollars d’ici 2033. La majorité des consommateurs de champagne comptent parmi les 10% d’individus les plus riches au monde. Le breuvage demeure du reste associé un certain prestige et sa popularité augmente à mesure que des gens s’enrichissent aux quatre coins du monde.
Le champagne devient de plus en plus prisé en Asie, où l’augmentation de la richesse et le développement de la classe moyenne stimulent la demande.
Depuis longtemps en vogue au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui restent ses deux plus grands marchés d’exportation, le champagne devient de plus en plus prisé en Asie, où l’augmentation de la richesse et le développement de la classe moyenne stimulent la demande. Les exportations vers la Chine se montaient à 59,5 millions d’euros en 2023 sur un total d’importations de vins mousseux de 78,5 millions de dollars pour le pays.
Le champagne reste généralement la référence parmi les vins mousseux et propose les marques les plus prestigieuses, malgré la concurrence accrue d’alternatives plus abordables. Le prosecco italien gagne des parts de marché, tout comme que le cava espagnol; on voit même la production de vin mousseux se développer dans des pays comme le Royaume-Uni.
Cette concurrence accrue a incité certains producteurs de champagne à envisager de nouvelles initiatives pour doper la demande. Moët Hennessy USA a ainsi lancé Bottles and Bubbles, un «skill» interactif sur l’assistant numérique Alexa d’Amazon, qui propose des informations et des conseils sur le champagne, y compris des accords mets et vins.
La Champagne produit en moyenne plus que toute autre région viticole de qualité en France, ce qui maintient l’offre à un niveau élevé. Ceci dit, la demande suit globalement l’augmentation de l’offre.
Le champagne en tant qu’investissement
La Champagne produit en moyenne plus que toute autre région viticole de qualité en France, ce qui maintient l’offre à un niveau élevé. Ceci dit, la demande suit globalement l’augmentation de l’offre et demeure à peu près constante à travers les cycles économiques.
Au cours des cinq années jusqu’à mai 2025, le champagne a été le sous-segment le plus performant de l’indice Liv-ex 1000, qui mesure la performance relative d’investissement de différentes catégories de vins d’exception, avec une augmentation de 23,3% – bien que sa croissance sur cinq ans ait été de 93% à la fin de 2022 – comparé à 3% pour l’indice dans son ensemble.
Historiquement, les prix du champagne se sont avérés moins volatils que ceux des vins de grandes régions viticoles comme la Bourgogne et le Bordelais. Pendant la crise financière mondiale, le repli mensuel des vins champenois n’a pas dépassé 2,5%, contre 15,0% pour les Bordeaux. Dans l’ensemble, le champagne confère généralement des qualités défensives à un portefeuille d’investissement, avec des rendements réguliers et une volatilité des prix moindre que d’autres investissements dans le vin.
Le champagne offre généralement des qualités défensives à un portefeuille d’investissement, avec des rendements réguliers et une moindre volatilité que d’autres investissements dans le vin.
Certes, ses performances ne sont pas toujours très enthousiasmantes. Les prix ont en effet stagné pendant un long moment entre mi-2013 et mi-2016. Ils sont en revanche moins sensibles à l’appréciation des millésimes que les vins de Bordeaux par exemple. Pour les plus grandes marques de champagne, les prix tendent en effet à augmenter au fil du temps indépendamment des variations de millésime ou de qualité.
Un produit qui se bonifie avec l’âge
Si les prix du champagne sont généralement demeurés élevés ces dernières années, ils peuvent varier considérablement d’une marque à l’autre. Les prix du Dom Pérignon et du Cristal ont ainsi augmenté de manière significative, tandis que ceux du Bollinger, moins à la mode, ont baissé en comparaison.
Le champagne se boit en général plus tôt après la production que les vins rouges, de sorte que les millésimes plus anciens sont plus rares et donc plus chers. Contrairement aux idées reçues, la plupart des experts s’accordent à dire que le champagne, à l’instar des autres vins, peut se bonifier avec l’âge.
Les investisseurs dans le vin ont coutume de faire appel à un négociant en vins spécialisé, qui non seulement connaît bien les meilleurs millésimes, mais qui pourra aussi les aider à conserver le champagne à la bonne température ou les conseiller en matière d’assurance pertes et dommages. Le défi consiste souvent à trouver un commerçant de renom, qui aura à cœur de fournir les meilleurs conseils. Mieux vaut bien se renseigner, voire se rendre sur place pour chercher conseil auprès des viticulteurs, et toujours rester vigilants afin d’éviter les arnaques à l’investissement potentiel.
Un investissement dans un champagne de qualité supérieure peut être tout aussi rémunérateur, voire davantage, qu’un investissement dans d’autres vins d’exception; le marché s’est avéré largement stable malgré les turbulences économiques et le consommateur est toujours au rendez-vous. Et quand bien même l’investissement ne s’avérerait pas rémunérateur, il pourra toujours être dégusté à l’apéritif.