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21 novembre 2024

Fake news financières: les identifier et s’en prémunir

Avant d’investir, il est primordial de bien s’informer et de s’assurer de ne pas être victime de fake news visant à influencer votre décision d’investissement. C’est d’autant plus important que les fakes news financières sont parfois plus élaborées et donc plus difficiles à détecter. Pas de panique, myLIFE vous explique comment les débusquer et s’en prémunir.

Ce qu’il faut retenir

    • Les fake news ont toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est la vitesse à laquelle elles se propagent à cause des canaux de diffusion numériques tels que les réseaux sociaux.
    • Plus sophistiquées et parfois plus difficiles à repérer, les fake news financières peuvent avoir un impact très sérieux sur les entreprises et les investisseurs. Ces derniers sont les plus vulnérables face aux fakes news. C’est pourquoi il est essentiel d’apprendre à en identifier les mécanismes et s’en protéger.
    • Notre cerveau confond fluidité et vérité. Plus une news est diffusée, plus elle semble vraie
    • Les émotions (affolement ou excitation) sont mauvaises conseillères car elles favorisent la surréaction au détriment de la réflexion, ce qui est l’objectif de ceux qui propagent les fake news.
    • Les algorithmes digitaux amplifient les fake news en fonctionnant comme des chambres d‘écho de ce que votre cercle de connaissances partage.
    • Pour se protéger des fake news, il faut réussir à casser le cercle vicieux de la pensée automatique émotionnelle et de la contagiosité. Cela implique de ne pas partager une information non vérifiée.

Aujourd’hui, tout le monde est familier du terme « fake news » que l’on traduit par « fausse information » ou par « infox » (la contraction des mots information et intoxication). Né à l’ère digitale, ce terme recoupe plusieurs réalités. Dans son sens premier, il se réfère à la désinformation, c’est-à-dire la diffusion délibérée d’informations fausses, incorrectes ou trompeuses dans l’intention de nuire à une personne ou une société, d’influencer les opinions ou de s’enrichir de manière frauduleuse. Les fake news englobent aussi la mésinformation, c’est-à-dire la diffusion de fausses informations de manière non intentionnelle, par mégarde ou par empressement. Si les fake news ne sont pas un phénomène nouveau, la vitesse à laquelle elles se propagent est inédite. Cela s’explique par la multiplication de canaux de diffusion numériques tels que les réseaux sociaux, mais aussi par la multiplication des « usines à trolls » à visées politiques ou économiques qui fabriquent sciemment de la désinformation.

70% des Européens ont été régulièrement exposés à des fake news en 2022 alors que seuls 12% d’entre eux se disaient confiants quant à leur capacité à pouvoir distinguer fake news et véritable information.

À l’ère du digital où tout va plus vite, nous avons presque tous tendance à repartager des informations jugées sensationnelles, sans se donner la peine d’en vérifier préalablement la véracité. Résultat, les fake news ou infox se propagent aussi vite que des virus et infectent un grand nombre de personne avant d’être vérifiées et démenties. Depuis leur influence sur des résultats électoraux à leur effet sur des comportements sanitaires, l’impact négatif de ces fake news n’est plus à prouver. À tel point que, pendant la pandémie de Covid-19, l’OMS n’a pas hésité à parler d’infodémie pour reprendre les similitudes de propagation avec le virus lui-même. Selon le très sérieux site de statistiques, Statista, 70% des Européens ont été régulièrement exposés à des fake news en 2022 alors que, dans le même temps, seuls 12% d’entre eux se disaient confiants quant à leur capacité à pouvoir distinguer une fake news d’une véritable information.

Fake news financières: des exemples pour comprendre

Dans le monde de la finance et de l’investissement, les fake news existent également et peuvent avoir un impact très sérieux pour les entreprises et les investisseurs. Souvent plus sophistiquées, elles sont parfois plus difficiles à repérer: faux communiqué de presse, rumeurs relayées à grande échelle, faux conseils de pseudo experts, baratin financier, etc. Même les très sérieuses agences de presse ont parfois du mal à identifier les fake news. La preuve avec quelques exemples qui ont secoué les marchés ces dernières années.

    • Le mardi 22 novembre 2016, les agences Bloomberg, AFP, Reuters et d’autres organes de presse reçoivent par courriel un communiqué semblant provenir du service de presse du groupe Vinci. Le document portant la signature du service de presse de l’entreprise annonce des détournements de fonds massifs, ainsi que le licenciement du Directeur Général adjoint et du Directeur financier. Tout semble authentique et l’information fut largement relayée par les médias le jour-même. Conséquence directe en Bourse: le cours de Vinci chute de presque 20% en quelques minutes avant que le communiqué ne soit vivement démenti par les services de Vinci. Trop tard, 7 milliards d’euros se sont évaporés dans la tourmente boursière à cause d’un faux document. Pire, le cours n’a pas retrouvé son niveau avant la fin de la journée et a clôturé en baisse malgré le démenti, lui aussi largement relayé.
    • Au printemps 2022, la start-up américaine Lithium Corporation a vu son cours s’envoler de 250% en l’espace d’une demi-heure après la diffusion d’un faux communiqué annonçant son rachat par Tesla. Elon Musk, le patron du constructeur américain, avait bien twitté sur la nécessité de sécuriser ses approvisionnements en lithium, mais jamais aucun contact n’avait été établi entre lui et la start-up. La fake news a été relayée sans être vérifiée par Sawyer Merritt, un des meilleurs connaisseurs de Tesla, et le nombre de transactions sur le titre a été multiplié par 100 dans la journée. Une infox ayant bien servi les intérêts de ses auteurs qui avaient bien pris soin d’acheter des actions de l’entreprises avant de lancer la rumeur.
    • Les fake news pouvant être très lucratives, certaines sociétés se sont spécialisées dans l‘écriture de ces fausses informations pour servir les intérêts de clients peu scrupuleux. Ainsi, en 2017, plusieurs contributeurs de Seeking Alpha, une plateforme d’informations financières indépendante, ont été approchés par des entreprises de dark communication désireuses de les rémunérer contre la publication d’articles faussement élogieux sur certaines valeurs financières. La fraude a été détectée grâce à un lanceur d’alerte travaillant pour la plateforme.

De nombreuses grandes entreprises telles que Bank of America, General Electric, Pfizer, Intel, Shell, Google ou encore BlackRock ont toutes été victimes de fake news plus ou moins élaborées. Si les conséquences sont bien réelles, elles se normalisent heureusement assez rapidement dans la grande majorité des cas. Cela étant, elles ont parfois des impacts financiers conséquents. En revanche, il est beaucoup plus délicat de dénombrer le nombre et l’impact des fake news qui concernent de plus petites entreprises. Les fraudeurs savent bien que leurs fake news ont plus de chance de passer sous le radar si elles concernent des entreprises moins connues, ce qui leur laisse plus de temps pour abuser les investisseurs avant d’être découverts.

La démocratisation et le développement de l’intelligence artificielle augmente le degré de sophistication des fake news, surtout quand elles prennent la forme d’images. En mai 2023, les marchés financiers aux États-Unis ont été secoués par une fake news visuelle générée par l’IA. L’image montrait une épaisse fumée noire près du bâtiment du Pentagone. Cette image a été massivement repartagée sur Twitter par le compte des médias d’État russes RT, ainsi que par des utilisateurs qui usurpaient le nom de sites d’informations reconnus comme Bloomberg. Une fois l’image devenue virale, le S&P500, l’un des principaux indices boursiers aux États-Unis, a enregistré une baisse provisoire de 0,26%. Le marché s’est ensuite rapidement redressé lorsqu’il est devenu évident que l’image était fabriquée et que des démentis officiels et vérifiés aient circulé.

Les investisseurs individuels sont les plus vulnérables, d’où l’importance de connaître les mécanismes des fake news pour s’en protéger.

Comme ces exemples l’illustrent, l’impact des fake news sur les marchés est bien réel. Fort heureusement, il est bien souvent temporaire et ne dure que le temps pour les professionnels des marchés de vérifier l’information. Reste que, dans l’intervalle, certaines entreprises peuvent perdre beaucoup d’argent et le partage sans vérification sur les réseaux sociaux peut faire très mal aux investisseurs individuels. Un investisseur pris de panique pourrait vendre et subir de lourdes pertes s’il n’a pas les nerfs assez solides pour accepter une baisse temporaire de ses investissements en attendant la correction de marché une fois l’information vérifiée. Les investisseurs individuels sont les plus vulnérables face aux fakes news. C’est pourquoi il est si important de connaître les mécanismes de ces infox pour s’en protéger.

Comment les fakes news nous infectent?

Pourquoi les fake news ont-elles un tel pouvoir de nuisance? Parce qu’elles sont diffusées massivement et très rapidement grâce à Internet. Face au partage ou repartage ultra rapide de ces informations, notre cerveau succombe à l’effet de vérité illusoire qui consiste à confondre familiarité et véracité. Entendre quelque chose de manière répétée augmente le sentiment de familiarité. Or, notre cerveau confond fluidité et vérité: des affirmations répétées, même fausses, semblent plus susceptibles d’être vraies. Ainsi, plus une fake news est diffusée, plus elle semble vraie.

Ce phénomène est malheureusement renforcé par les algorithmes digitaux qui ont tendance à polariser les opinions et à fonctionner comme des chambres d‘écho ce que votre cercle de connaissances a partagé. Ces algorithmes décuplent le partage des fake news, ce qui accroît leur aura de véracité. Difficile de ne pas y succomber, à moins de faire un effort conscient de mise en doute de cette « vérité » partagée encore et encore.

Qu’il s’agisse d’annoncer un échec d’une entreprise ou son rachat, les fake news les plus convaincantes et les plus partagées sont en généralement celles qui génèrent des sentiments tels que la peur, la colère, l’excitation. De telles émotions sont mauvaises conseillères car elles favorisent la surréaction au détriment de la réflexion. C’est exactement l’objectif recherché par ceux qui propagent les fake news.

Une fake news, même si elle est démentie, risque d’instiller un doute puissant et durable dans votre cerveau.

Non seulement il est difficile de prendre du recul, mais ces émotions ont de surcroît le pouvoir d’enraciner profondément une information dans nos mémoires. Ainsi, une fake news, même si elle est démentie, risque d’instiller un doute puissant et durable dans votre cerveau sur, par exemple, la santé financière d’une entreprise. Au point de ne plus vouloir y investir malgré le démenti.

Quelles techniques pour se protéger des fake news?

Il est possible d’apprendre à mieux détecter et à mieux se protéger du pouvoir de nuisance des fake news en suivant les quelques conseils.

    • Apprenez à ralentir. C’est à la fois le conseil le plus simple et le plus important à appliquer. En faisant appel à nos émotions, les fake news sollicitent notre cerveau automatique et primitif qui surréagit rapidement et prend des décisions irrationnelles. La réponse? Prendre le temps, d’analyser et de vérifier l’information qui vous est présentée. Ne succombez pas à la fausse urgence ressentie de devoir à tout prix liquider vos positons sous prétexte qu’une mauvaise nouvelle surgie de nulle part vient de tomber.
    • Exercez votre esprit critique et apprenez à comprendre vos réactions. La plupart des fake news sont conçues pour provoquer des réactions émotionnelles fortes, telles que la peur ou la colère. Lorsqu’une information génère de telles émotions, astreignez-vous à la critique: pourquoi cette histoire a-t-elle été écrite et qui la partage? Promeut-elle un programme ou un investissement particulier? Quel risque réel cela représente-t-il pour mes investissements? À qui profite « le crime »?
    • Apprenez à distinguer fluidité et véracité. Ce n’est pas parce qu’une information largement partagée et commentée vous semble plausible et en phase avec ce que vous pensez qu’elle est vraie. Ces éléments ont trait à la fluidité cognitive, qui permet à un individu de mieux adhérer à une information, mais ils ne sont en aucun cas synonymes de vérité. Questionnez-vous systématiquement lorsqu’il est trop facile d’adhérer à une information qui génère des émotions fortes en vous.

Ce n’est pas parce qu’une information largement partagée et commentée vous semble plausible et cohérente avec ce que vous pensez qu’elle est vraie.

    • Ne partagez ou ne repartagez pas une information sans la vérifier. Les fake news prennent d’autant plus d’ampleur et affectent d’autant plus les marchés qu’elles sont massivement diffusées sans être mises en doute. Pour stopper une fake news, il faut casser le cycle de la contagiosité. Comment? En vérifiant toujours une information avant de la partager. Cela rend non seulement service à votre propre portefeuille d’investissement, mais aussi au marché dans son ensemble.
    • Vaccinez-vous pour mieux vous protéger. Les fake news se diffusent et infectent les individus ou les marchés comme des virus. Or, il est possible de se vacciner contre les fake news comme on le fait contre un virus. C’est du moins la thèse du spécialiste international en fake news, Sander Van der Linden, qui explique qu’on peut se vacciner contre ces fake news en s’y exposant à petites doses. Vous avez connaissance d’une fake news? Exposez-vous à celle-ci et essayez de comprendre pourquoi elle a si bien fonctionné en exerçant votre esprit critique et en remontant la chronologie de son partage et de ses effets.
    • Vérifiez et croisez vos différentes sources. Recherchez toujours la source primaire de l’information et ne vous arrêtez pas à son dernier repartage par votre collègue ou votre cousin. Le site web où l’information est proposée, son auteur, le compte de l’auteur ou d ‘autres éléments comme des erreurs peuvent vous permettre d’identifier une potentielle fake news.
    • Utilisez des sites de fact checking. il existe aujourd’hui de nombreux sites qui vous permettent de vérifier la véracité des informations, tant les textes que les images. N’hésitez pas à y avoir recours sans modération.
    • Faites appel à un professionnel. Vous vous sentez dépassé par l’impact potentiel d’une information et ne savez pas comment réagir? Appelez votre banquier! Les professionnels de la finance sont familiers du pouvoir de nuisance des fake news et entraînés à les détecter. De plus en plus d’établissements financiers sont par ailleurs équipés d’outils de type IA qui permettent de détecter les fake news. N’hésitez pas à demander de l’aide avant de faire n’importe quoi avec vos positions financières sous le coup de la panique.

Vous l’avez compris, les fake news sont bien présentes dans la sphère financière et peuvent causer des dégâts. Le plus important à retenir est l’importance de casser le cercle vicieux de la pensée automatique émotionnelle, de la contagiosité et du partage. C’est utile pour vous en prémunir, mais aussi pour préserver les autres acteurs du marché. Adopter les bons réflexes est à la fois une question de responsabilité collective et d’intérêts particuliers. Face aux informations sensationnelles, restez calme, faites une pause et prenez le temps d’exercer votre esprit critique.