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27 avril 2024

Finances : ce que votre humilité révèle sur votre compétence

À l’ère de l’immédiateté et de la communication globalisée, nombreux sont les hypers communicants qui s’autoproclament experts et qui affirment détenir les recettes miracles pour bien gérer vos finances et investissements. Que faut-il en penser et comment évaluer votre propre compétence en la matière ? Une partie de la réponse se trouve dans votre rapport à une valeur fondamentale : l’humilité.

Vous définissez-vous comme une personne hyper connectée et hyper informée ? À l’heure de faire des choix financiers et d’investir votre argent, êtes-vous persuadé de pouvoir prendre les meilleures décisions, sans avoir recours à l’aide d’un expert financier ? Si la réponse est affirmative, avez-vous pris le temps de vous demander sur quoi repose cette confiance en vous ?

Peut-être que vous vous intéressez depuis plusieurs mois à ces nouvelles étoiles montantes des biotechnologies, que vous suivez l’évolution des cryptomonnaies sur des plateformes dédiées ou que vous lisez tout ce qu’il y a à savoir sur ces start-ups prometteuses qui vont réaliser leur entrée en Bourse. Est-ce vraiment suffisant ? Si le rôle de myLIFE n’est pas de dénigrer vos compétences, nous souhaitons vous inviter à prendre le temps de les évaluer correctement. Investir à bon escient et en toute autonomie est possible, à condition de pouvoir s’évaluer correctement et d’apprendre à sourcer et tracer les informations sur lesquelles nous basons nos décisions.

« L’ignorance engendre la confiance en soi plus fréquemment que ne le fait la connaissance » (Charles Darwin)

Apprendre n’est pas forcément savoir

Lorsqu’on s’intéresse à un nouveau sujet, on emmagasine rapidement beaucoup de nouvelles informations. Généralement, notre impression de connaissances dépasse alors très largement notre connaissance réelle ! Nous croyant plus compétent qu’en réalité, le risque est alors de manquer de prudence dans l’évaluation de l’information disponible et dans nos décisions. Ce qui peut avoir des conséquences dramatiques lorsque cela touche à nos finances. Pour le dire avec les mots de Charles Darwin : « L’ignorance engendre la confiance en soi plus fréquemment que ne le fait la connaissance ». Il est aisé de se croire savant lorsqu’on ne sait pas qu’on ne sait pas. Un fait divers survenu en 1995 aux États-Unis illustre cela parfaitement.

L’effet Dunning-Kruger

Quelques heures seulement après avoir cambriolé deux banques en plein jour et à visage découvert, McArthur Wheeler a été identifié et arrêté par la police suite au simple visionnage des caméras de surveillance des deux établissements. Lorsque les agents de police lui ont fait regarder les enregistrements vidéos, ce dernier parut tout à fait étonné que l’on puisse identifier son visage. Il était en effet persuadé que s’asperger le visage de jus de citron le rendait invisible aux caméras.

Sur base de cette histoire vraie, les deux professeurs américains de psychologie, Dunning et Kruger, ont commencé à s’intéresser aux mécanismes cognitifs liés à la conscience de la compétence. Ils ont alors mis en évidence « l’effet Dunning-Kruger » selon lequel les plus incompétents surestiment leurs compétences et n’ont dès lors pas conscience de la limite de leurs connaissances. À l’inverse, ayant conscience de leurs limites, les personnes les plus qualifiées ont tendance à se sous-estimer. Disposant de plus d’expertise et faisant preuve de davantage d’humilité, les plus compétents prennent souvent de meilleures décisions. Et ils ne s’en glorifient pas. Là où les incompétents crient leur pseudo expertise à qui veut l’entendre, les compétents auront plutôt tendance à bien cibler leurs prises de parole.

C’est l’expertise associée à l’humilité qui permet aux plus compétents de prendre de meilleures décisions.

Ce constat est important car, au-delà du fait divers évoqué, l’effet Dunning-Kruger peut s’observer dans beaucoup de domaines de la vie quotidienne comme la santé, l’éducation ou les finances. Que faire ? S’astreindre à l’humilité et s’assurer que l’on dispose des bonnes informations pour prendre une décision. Et c’est là qu’il y a un problème !

Quand les fausses informations circulent plus vite que la vérité

Dans une société hyper connectée, n’importe qui peut ouvrir un compte sur un réseau social et avoir un discours entrant directement en concurrence avec un expert dans son domaine. Or, si on suit la logique de Dunning et Kruger, le plus compétent n’est pas forcément celui qui communique le plus, le mieux et qui a le plus de « followers » (myLIFE vous a invité ailleurs à vous méfier de l’effet mouton).

Durant la pandémie de Covid-19, les plateformes de recherche ont offert un libre accès à tous les papiers de recherche ayant un rapport proche ou plus lointain avec la pandémie actuelle. Confinés chez eux, un certain nombre de personnes ont ainsi tué les heures d’isolement à feuilleter ces fameuses recherches en les prenant à la source ou en lisant le partage – souvent partiel- de ces études. Certains individus ont ainsi certainement eu le sentiment d’acquérir en quelques jours des compétences solides en matière de virologie. Souvenez-vous de cette vidéo devenue virale pendant la pandémie car son auteur affirmait que le virus du Covid-19 avait été créé par l’Institut Pasteur. Profitant de l’information sur la pandémie rendue disponible par les plateformes de recherche, l’auteur de cette vidéo ne s’était arrêté que sur deux informations à sa disposition : le terme SARS-CoV et le fait qu’un brevet avait été déposé. Or ce terme désigne toute une famille de virus et le fait de déposer un brevet est un processus classique pour un institut qui envisage à terme de créer un vaccin. Finalement, l’Institut avait bien déposé un brevet en 2004 mais en rapport avec l’épidémie du virus plus particulier qui avait causé une épidémie en 2003.

Le souci c’est que dans notre monde hyper connecté et saturé en informations, des chercheurs ont montré que les fausses informations, souvent plus faciles à croire, circulent six fois plus vite et sont plus partagées et repartagées que les vraies informations. Ainsi, avant même qu’un démenti puisse faire son chemin, une infox sera partagée par des millions de personnes et aura bien du mal à être éliminée : le doute instillé par l’infox, cette fameuse première impression de vérité, a tendance à perdurer.

La quantité d’énergie nécessaire à réfuter des inepties est supérieure à celle qu’il faut pour les produire.

C’est la fameuse loi de Brandolini, aussi connue sous le nom de principe d’asymétrie du bullshit selon laquelle « la quantité d’énergie nécessaire à réfuter des inepties est supérieure à celle qu’il faut pour les produire ». Ici, un peu d’humilité et de discipline peut éviter de gober n’importe quoi.

L’humilité, un gage de compétence

Lorsque vous cherchez en toute autonomie des informations pour investir, retenez que ceux qui communiquent le plus leurs bons plans d’investissement ne sont pas nécessairement les plus compétents. Méfiez-vous des prétendus gourous de la finance sur les réseaux sociaux.

Les plus compétents sont généralement plus humbles et plus discrets. Ils ne cherchent pas forcément à partager avec le plus grand nombre leurs secrets d’investissement. Si vous vous intéressez à des domaines d’investissement très spécifiques, mieux vaut donc faire l’effort de se rapprocher d’un expert financier qui saura faire le tri pour vous entre infox, rumeur et véritable bon plan d’investissement.

Si vous décidez malgré tout de vous lancer seul dans l’aventure et de faire vos propres recherches, gardez en tête un principe majeur : ne pas zapper la lecture de la partie méthodologique d’un papier scientifique ou d’un prospectus financier. La plupart du temps l’illusion de compétence est basée sur une croyance qui supplante la pensée méthodique. Ainsi, si vous êtes capable de déchiffrer la méthodologie scientifique et le protocole d’une expérimentation, vous parviendrez à vous faire vous-même une idée de la robustesse des thèses avancées. Il en va de même pour les performances et le coût bénéfice-risque explicité dans un prospectus financier. Par contre, si vous n’êtes pas capable de comprendre ces éléments, il est peut-être préférable de faire preuve d’humilité, de reconnaître les limites de votre compétence et vous faire accompagner par un expert.

Que retenir de tout cela ? Que le véritable problème n’est pas un manque de compétence dans un domaine particulier, mais notre incapacité à voir la limite de vos connaissances. Face à cela, l’humilité sera toujours votre meilleure alliée pour poser les bons choix stratégiques d’investissement et pour reconnaître si l’aide d’un spécialiste est nécessaire.