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28 avril 2024

Investissement: les mégatendances des 20 prochaines années

Il peut être tentant pour un investisseur de chercher à dénicher le prochain Amazon, Microsoft ou Tesla. Rares sont ceux qui le trouvent. Parmi ceux-là, la plupart n’ont pas pu encaisser les replis auxquels ces sociétés ont dû faire face sur le marché boursier à certains moments de leur histoire. Dans la réalité, de telles success-stories durables sont l’exception. Mieux vaut d’abord identifier les segments de croissance structurelle au sein de l’économie mondiale, avant de chercher sur cette base les leaders de demain. Un portefeuille aligné sur les principaux thèmes socio-économiques peut favoriser une croissance plus rapide et de meilleurs rendements. À condition de faire preuve de prudence et d’humilité.

Un thème sera précieux pour les investisseurs s’il est puissant et disruptif, c’est-à-dire suffisamment important pour remodeler les économies, les entreprises et les sociétés. De tels changements prendront plusieurs décennies, plutôt que des mois ou des années. Parmi les exemples de ces dernières années, citons l’émergence de l’e-commerce, l’avènement du cloud en informatique et – potentiellement – le développement de la blockchain et de l’intelligence artificielle. En identifiant ces tendances, un investisseur pourra s’orienter vers les sociétés susceptibles de bénéficier d’une croissance à long terme supérieure à celle du marché dans son ensemble, et éviter celles qui risquent de ne pas tirer parti de ces bouleversements.

Ces changements feront des gagnants et des perdants, d’où l’importance d’identifier les uns et les autres. Ainsi, si le commerce électronique a profité aux groupes logistiques, aux entrepôts et aux fournisseurs de logiciels spécialisés, il a également remis en cause le modèle économique des commerces de détail traditionnels. Les centres-villes d’Europe et d’Amérique du Nord sont en effet truffés de surfaces vides occupées auparavant par des commerçants traditionnels qui ont perdu la partie. Tesla a non seulement révolutionné la construction automobile, mais a également contraint les groupes existants à changer. C’est ainsi que nombre d’entre eux se sont engagés à abandonner progressivement les véhicules à moteur à combustion au cours des deux prochaines décennies.

Les grands changements macroéconomiques prendront plusieurs décennies, plutôt que des mois ou des années, à l’instar de l’émergence de l’e-commerce, du cloud en informatique et potentiellement du développement de la blockchain.

De nombreux économistes et groupes d’investissement ont cherché à identifier ces mégatendances. Celles-ci peuvent parfois varier légèrement, mais un certain nombre de thèmes centraux sont récurrents.

Transition énergétique

Les efforts déployés pour repenser la production et la consommation d’énergie semblent pratiquement incontournables, du moins en Europe. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, afin de limiter le réchauffement de la planète au plafond recommandé de 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent atteindre leur maximum avant 2025 au plus tard et diminuer de 43% d’ici à 2030. Le GIEC affirme en effet qu’au-delà de 1,5°C, un impact plus grave sur le climat mondial serait inévitable, notamment en termes de perturbation majeure de l’approvisionnement alimentaire, de catastrophes naturelles plus fréquentes et de déplacements de populations.

Mais le respect de cette limite semble déjà de moins en moins probable. Depuis 1981, le rythme moyen du réchauffement climatique a doublé par rapport aux décennies précédentes. Selon le National Centers for Environmental Information, les dix années les plus chaudes enregistrées en 143 années de recensement se sont toutes produites depuis 2010, les neuf dernières années (2014-2022) étant les plus chaudes jamais enregistrées.

Les gouvernements reconnaissent sans doute tardivement l’urgence d’agir, en introduisant toute une série de nouvelles législations, qui s’accompagnent d’incitations financières, afin d’encourager les entreprises à réduire leurs émissions et le financement par le secteur privé de solutions en faveur du climat. Pour les investisseurs, les entreprises actives dans la lutte contre les problèmes climatiques, notamment dans les énergies renouvelables, les transports sans émissions et les bâtiments neutres en carbone, offrent de belles perspectives de croissance. En revanche, celles qui ne se lancent pas dans la transition risquent de se heurter à des restrictions réglementaires accrues et d’éprouver des difficultés à lever des fonds à des prix compétitifs sur les marchés publics.

Digitalisation

Bon nombre des tendances commerciales qui ont vu le jour pendant la pandémie de Covid-19 se sont révélées éphémères. Néanmoins, la transformation numérique, qui était déjà amorcée avant la pandémie mais a fortement bénéficié de l’impact des mesures de confinement, est plus ancrée qu’auparavant. Les entreprises de tous secteurs reconnaissent que l’utilisation des technologies numériques pour l’adaptation de leur modèle commercial leur permet de réaliser des gains d’efficacité et, dans de nombreux cas, de générer de nouveaux revenus. Les bénéficiaires de ces technologies vont des compagnies d’assurance, qui ont recours à la technologie numérique pour automatiser le traitement des sinistres, aux fabricants, qui déploient des outils intelligents à des fins d’ingénierie de précision.

Les sociétés qui maîtrisent le numérique devraient être plus à même de collecter, d’analyser et d’utiliser les données. Elles pourront ainsi identifier les domaines d’activité qui fonctionnent le mieux et ceux qui sont moins performants. Les technologies numériques devraient donc les aider à évoluer, à devenir plus productives et à se focaliser sur les activités qui offrent le plus fort potentiel de croissance. Les entreprises sont de plus en plus conscientes que, si elles sont utilisées de manière réfléchie, les technologies numériques peuvent leur procurer un avantage concurrentiel ou, du moins, leur permettre de ne pas rester à la traîne.

Transformation des soins de santé

Derrière toutes les tragédies qu’elle a provoquées, la pandémie a démontré ce qui pouvait être réalisé lorsque les communautés internationales de l’industrie pharmaceutique et des soins de santé œuvraient de concert avec les gouvernements pour faire face à des défis pressants. Elle a également donné un coup d’accélérateur aux progrès: la technologie de l’ARN messager utilisée pour mettre au point les vaccins Pfizer BioNTech et Moderna contre le Covid-19 avait été conçue à l’origine pour le traitement du cancer, mais elle a permis de protéger des milliards d’êtres humains contre le virus.

Parmi les autres avancées majeures, citons l’immuno-oncologie, qui vise à exploiter le système immunitaire de l’organisme pour combattre les tumeurs et qui promet d’être un traitement moins invasif et plus efficace que la chimiothérapie pour lutter contre certains cancers. La génomique alliée à l’IA va plus que jamais élargir le champ de la recherche de médicaments et accélérer celle-ci. Face au vieillissement des populations dans de nombreux pays développés et en Chine, les secteurs de la biotechnologie et des soins de santé ont considérablement gagné en dynamisme.

Évolution démographique

En 2022, la population mondiale a atteint 8 milliards d’habitants, bien que le taux de natalité à l’échelle mondiale ait diminué de moitié depuis les années 1950. Les progrès dans les domaines de la médecine et de la nutrition ont permis d’allonger l’espérance de vie. On le constate notamment dans certaines économies développées, comme le Japon. Ces tendances persistent malgré une pandémie mondiale, une crise de l’obésité dans de nombreux pays développés et la lenteur des progrès pour combattre certaines maladies très répandues.

Cette situation a également des conséquences pour les investisseurs, notamment dans la mesure où certains secteurs, comme celui des soins de santé, bénéficient naturellement d’un soutien. Si les gens vivent plus longtemps, ils ne jouissent pas toujours d’une meilleure santé. Cette situation est favorable à des secteurs tels que la gestion de patrimoine, dans la mesure où les particuliers doivent épargner en vue d’une retraite susceptible de durer plusieurs décennies plutôt que plusieurs années. Elle porte également préjudice aux finances publiques, car la population active est moins nombreuse pour subvenir aux besoins d’un plus grand nombre de personnes âgées dépendantes. Elle risque même d’affecter l’équilibre des puissances économiques mondiales, car les pays dotés d’une population jeune et dynamique affichent une croissance plus forte que les autres.

Perturbations sur le front géopolitique

Du conflit en Ukraine aux tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis, le monde ne cesse de se diviser depuis quelques années. Parallèlement à l’impact de la pandémie, cette situation menace de perturber l’ordre mondial, ce qui aurait un effet sur les chaînes d’approvisionnement, le commerce et la défense à l’échelle mondiale.

C’est dans le secteur des technologies, où le protectionnisme augmente, que ce changement a été le plus fortement ressenti. Aux États-Unis, la loi CHIPS and Science Act qui vient d’être adoptée prévoit une enveloppe de 57 milliards de dollars pour renforcer les capacités domestiques de fabrication de semi-conducteurs, la R&D et le développement de la main-d’œuvre, ainsi que 24 milliards de dollars de crédits d’impôt pour la production de puces. Toutefois, les sociétés qui investissent dans de nouvelles activités de production et de R&D en Chine ne pourront pas bénéficier de ces fonds. L’époque où la propriété intellectuelle liée aux technologies était rapidement répandue à travers le monde semble aujourd’hui révolue.

Le plus gros problème de l’investissement thématique est que, trop souvent, d’autres personnes ont également décelé les thèmes en question. Les investisseurs risquent donc de devoir payer trop cher pour miser sur une croissance qui risque de ne pas se concrétiser.

Comment investir dans des thèmes

Le plus gros problème de l’investissement thématique est que, trop souvent, d’autres personnes ont également décelé les thèmes en question. Les investisseurs risquent donc de devoir payer trop cher pour miser sur une croissance qui risque de ne pas se concrétiser. En outre, il peut être difficile d’accéder directement à certains de ces thèmes. Dans de nombreux cas, les initiatives les plus prometteuses ne représentent qu’une petite partie d’une entreprise technologique plus vaste. Dans le cas de la transition énergétique, des entreprises en place à faible croissance pourraient être à l’origine d’innovations.

Toutefois, de plus en plus de fonds d’investissement cherchent à exploiter ces tendances. Souvent, ils définissent des paramètres concernant les revenus issus d’un thème donné, par exemple, 80% de revenus issus directement de la numérisation. Ces véhicules spécialisés peuvent constituer un bon choix pour les investisseurs qui cherchent à accroître l’exposition de leurs portefeuilles à des entreprises tournées vers l’avenir, mais ils peuvent s’avérer concentrés et volatils. En effet, toutes les innovations ne remplissent pas leurs promesses ou ne peuvent pas être reproduites à grande échelle.

D’autres thèmes peuvent davantage être liés à la gestion des risques qu’à l’identification d’opportunités de croissance. Les investisseurs doivent adapter leur exposition aux entreprises en place qui sont confrontées à certains défis du fait de l’évolution de la situation.

L’investissement visant à tirer parti de thèmes spécifiques ne constitue pas nécessairement une garantie de croissance. Néanmoins, les thèmes peuvent permettre d’identifier les secteurs qui présentent un potentiel de croissance ou sont susceptibles de s’inscrire en repli. Les investisseurs disposent souvent d’un horizon de 20 à 30 ans. Il est donc intéressant de maximiser les chances que les entreprises dans lesquelles ils investissent perdureront sur le long terme.