Investissement locatif: diversification, revenus et erreurs à éviter
Dans un contexte de turbulences répétées sur les marchés financiers au cours des dernières années et d’incertitude persistante quant aux perspectives économiques mondiales, la stabilité de l’immobilier résidentiel en tant qu’actif bénéficie d’un regain d’intérêt de la part des investisseurs. L’immobilier locatif est devenu de plus en plus attrayant en tant que source de revenus et de croissance du capital à long terme au sein d’un portefeuille. Cependant, il existe des pièges potentiels qu’il ne faut pas ignorer.
Le marché de l’immobilier résidentiel luxembourgeois a connu une croissance fulgurante avec une hausse des prix des logements de pas moins de 131% entre début 2010 et le premier trimestre 2022 selon Eurostat. Mais l’inflation, des taux d’intérêt plus élevés et les conséquences économiques de la guerre en Ukraine pèsent depuis sur l’activité économique et la confiance des investisseurs, avec pour conséquence un fléchissement des prix de l’immobilier. Au cours des 12 mois précédant la fin septembre 2024, les prix des maisons luxembourgeoises ont baissé en moyenne de 2,4%, tandis que les prix des appartements ont diminué de 5,3%, selon le portail immobilier en ligne atHome.lu.
Les prix immobiliers luxembourgeois comptaient jusqu’ici parmi les plus stables dans l’UE, le pays n’ayant connu qu’une seule – et brève – période de dépréciation au XXIe siècle, dans le sillage de la crise financière mondiale en 2009. Les prix ont continué de bénéficier d’une hausse soutenue même pendant la pandémie de Covid-19, stimulés par des taux d’intérêt extrêmement bas.
Forte demande de logements de courte durée
Dans ce contexte, il est facile de comprendre pourquoi l’immobilier locatif continue de séduire. En plus d’encaisser les loyers, les investisseurs peuvent compter sur une croissance régulière de leur capital sur le long terme. Pour beaucoup, c’est également un bon moyen de profiter à moindre coût du marché immobilier luxembourgeois, extrêmement onéreux, par opposition à l’achat d’une maison familiale.
Ainsi, même si les prix de vente de logements au Grand-Duché sont en baisse, temporairement du moins, le marché locatif du pays demeure pour sa part très dynamique. Le marché a toujours été dopé par la forte demande de logements de courte durée. En effet, près de la moitié de la population (47,4% début 2023) n’a pas la nationalité luxembourgeoise, dans la mesure où le pays accueille des ressortissants de plus de 170 pays.
Selon atHome.lu, la baisse des prix de l’immobilier s’est accompagnée d’une hausse des coûts de location, les loyers des appartements augmentant en moyenne de 4,9% en glissement annuel à partir de septembre 2024 et les prix de location des maisons de 6,0%. Dans l’ensemble, les loyers moyens ont augmenté de 3,4 % pour atteindre 2.149€ par mois dans la région centrale du pays, qui comprend la ville de Luxembourg, et de 2,5% dans le sud pour atteindre 1.613€ par mois.
L’immobilier locatif permet en outre de diversifier les portefeuilles d’investissement par rapport aux actions et aux obligations, deux marchés qui ont affiché une forte corrélation en 2022, pâtissant de concert de la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Cette situation a poussé les investisseurs à rechercher des alternatives afin de construire des portefeuilles d’actifs plus équilibrés et plus résilients.
À cela s’ajoute un motif de couverture du capital. Dans la mesure où l’argent transmis à la génération suivante est souvent utilisé pour acheter un logement, investir ce capital dans l’immobilier permet de le protéger contre les fluctuations du marché dans un sens ou dans l’autre. Peu importe que la valeur en capital de l’actif immobilier augmente ou diminue si elle servira de toute façon à acheter un jour une maison dont la valeur a probablement évolué de la même manière. Dans le cas des placements sur les marchés financiers, en revanche, rien ne garantit que les actifs suivront le rythme du marché immobilier.
L’illiquidité et le casse-tête des taux d’intérêt
Cela dit, l’investissement immobilier en général et locatif en particulier peut également se heurter à certains écueils. L’immobilier n’est pas à l’abri des facteurs économiques qui affectent les actions et les obligations. La hausse des taux d’intérêt rend les prêts hypothécaires moins abordables et l’appréciation des coûts de remboursement a déjà contribué à renverser la tendance de l’évolution des prix immobiliers entre 2022 et 2024.
Rien ne garantit que les prix des logements continueront de grimper comme ils l’ont fait par le passé. La décennie, bordée globalement par la crise financière mondiale d’une part et la pandémie de Covid-19 d’autre part, a été particulièrement favorable aux investissements immobiliers grâce à des taux d’intérêt exceptionnellement bas – qui semblent maintenant peu susceptibles d’être de retour dans un avenir prévisible. Et si les prix des loyers peuvent être dynamiques en ce moment, rien ne garantit qu’ils suivront l’évolution du coût de l’immobilier. Il est bon ici de se souvenir qu’ils ont augmenté de moins de 20% entre le début de 2010 et le premier trimestre de 2022.
Compte tenu de la nature illiquide de l’immobilier, l’achat d’un bien à louer doit être considéré comme un investissement à long terme.
Compte tenu de la nature illiquide de l’immobilier, l’achat d’un bien à louer doit être considéré comme un investissement à long terme. Dès lors que la vente d’un bien peut prendre des mois, ce n’est peut-être pas la meilleure manière de placer de l’argent dont on pourrait avoir besoin dans l’urgence. Les transactions impliquent également d’importantes mises de fonds initiales (droits d’enregistrement et frais de notaire notamment), les coûts liés à l’obtention d’un prêt et, le cas échéant, des coûts de rénovation pour rendre le bien louable.
Les investisseurs qui envisagent l’achat d’un bien à louer doivent donc prendre le temps de faire leurs calculs. On pourrait être tenté de considérer les revenus locatifs minorés des coûts liés au remboursement de l’emprunt comme des bénéfices, mais ce serait oublier toute une série de coûts récurrents (réparations, honoraires des agents immobiliers, assurances, frais de service, etc.). Toute habitation est exposée à un risque d’événements imprévisibles et il peut suffire d’un seul sinistre, tel qu’une inondation ou un toit endommagé, pour réduire à néant le bénéfice d’une année entière, voire plus.
Il convient également de tenir compte de la fiscalité. Les revenus locatifs pourraient un jour être imposés au taux marginal du contribuable, c’est-à-dire à son niveau d’imposition le plus élevé. Si les dépenses telles que l’entretien et les réparations, les paiements d’intérêts, l’amortissement et les frais de gestion peuvent être déduites des profits, il n’en reste pas moins qu’une part importante du revenu est soumise à l’impôt. En outre, les investisseurs qui vendent un bien locatif devront peut-être s’acquitter de l’impôt sur les plus-values au titre du bénéfice éventuellement réalisé. La résidence principale d’un contribuable est exonérée d’impôt sur les plus-values au Luxembourg, mais les plus-values réalisées sur d’autres biens immobiliers sont normalement taxées à 21% (plus un prélèvement de 1,4% au titre de l’assurance dépendance), si le bien a été détenu pendant au moins deux ans.
Apprendre à connaître le marché
Il est impératif pour un propriétaire d’identifier le type de locataires auquel s’adresse son bien (étudiants, jeunes actifs, expatriés, etc.). Inutile en effet d’acheter un bien et de le rénover selon des standards élevés pour constater ensuite qu’il ne trouvera pas preneur au niveau de loyer nécessaire pour en faire un investissement rentable.
Les investisseurs doivent se faire une idée claire des revenus locatifs qu’ils peuvent espérer et du montant à emprunter. Les prêts en vue d’un investissement locatif sont souvent soumis à des conditions différentes de celles régissant les prêts accordés aux propriétaires-occupants, notamment au niveau du multiple de prêt, généralement déterminé par le rendement locatif plutôt que par le salaire de l’acheteur.
Il est toujours payant de veiller au bien-être de ses locataires, car plus ils sont satisfaits, plus longtemps ils sont susceptibles de rester.
La clé de tout investissement locatif est d’éviter les périodes d’inoccupation, dans la mesure où il est nettement plus coûteux de laisser le bien vide pendant quelques mois que de baisser quelque peu le loyer. Il est toujours payant de veiller au bien-être de ses locataires, car plus ils sont satisfaits, plus longtemps ils sont susceptibles de rester. Les agences de location peuvent aider si les propriétaires n’ont pas le temps ou l’envie de gérer le bien eux-mêmes, mais il convient de se renseigner au préalable car toutes n’offrent pas la même qualité de service.
Les décisions à prendre en vue de l’achat d’un bien à louer ne sont pas les mêmes que lorsque l’on achète une maison pour y vivre. Différents facteurs économiques entrent en jeu, une réalité que les acheteurs doivent garder à l’esprit lorsqu’ils arrêtent leur choix. L’investissement locatif est intéressant pour obtenir un revenu fiable tout en faisant fructifier son capital, mais gare aux déceptions sur le front des rendements si l’on ne prend pas suffisamment le temps de la réflexion.