Le nouveau rôle des trusts dans la planification patrimoniale
Les trusts ont toujours été considérés comme une solution fiscalement avantageuse de transmission de patrimoine entre les générations. Toutefois, au cours des dernières décennies, les décideurs politiques et autorités fiscales à travers l’Europe ont multiplié les mesures pour empêcher l’utilisation des trusts à des fins d’évasion fiscale. Ils continuent à jouer un rôle précieux dans la planification patrimoniale, en particulier dans le cadre de la gestion des successions, de la préservation des actifs et de dons à des organismes de bienfaisance.
Étant donné la structure de nombreuses familles modernes, qui peuvent inclure des beaux-enfants et des demi-frères et sœurs dispersés dans plusieurs pays ou continents, et des membres ayant des intérêts et des besoins différents, les testaments ou les règles nationales en matière de droits de succession se révèlent bien souvent inadaptés lorsqu’il s’agit de répartir une succession complexe pouvant comprendre des biens immobiliers, des investissements et des actifs commerciaux. Les trusts constituent un outil parmi d’autres pour résoudre ce problème.
Les trusts font partie des systèmes de droit commun (« common law ») existant au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans de nombreuses autres juridictions anglo-saxonnes, par opposition au droit civil qui prévaut au Luxembourg et dans les pays voisins, dont la France (à laquelle le Grand-duché emprunte une grande partie de sa jurisprudence). Toutefois, la vocation du Luxembourg à devenir un centre financier international et, en particulier, une plateforme de la gestion de patrimoine, l’a amené à reprendre ou du moins à reconnaître certains concepts et structures relevant du droit commun, notamment les sociétés en commandite. Les trusts sont une question plus compliquée.
Controverse en cours concernant les actifs
Les trusts permettent au « settlor » – la personne qui constitue le trust – de contrôler les actifs dès le départ et, dans certains cas, de façon permanente. Les settlors décident qui doit recevoir les actifs détenus par le trust, et quand. Ils doivent être en mesure d’évaluer la personnalité des intéressés et de juger du moment approprié auquel certains héritiers doivent prendre possession des actifs du trust.
Les trusts peuvent donner aux personnes physiques le droit de percevoir le revenu d’un actif, plutôt que d’en être le propriétaire. Par exemple, un portefeuille d’actifs peut être légué à un enfant, tandis que le parent survivant bénéficie d’un intérêt viager. Les trusts peuvent également permettre d’éviter de longues querelles entre héritiers au sujet des biens et de clarifier les intentions du settlor.
Ils peuvent également avoir une fonction de protection. Dans un cas extrême, il peut s’agir de problèmes découlant de l’instabilité politique d’un pays, mais le trust peut également protéger le patrimoine d’une dilapidation en cas d’éclatement de la cellule familiale; le settlor peut souhaiter empêcher le conjoint d’un enfant de percevoir une part importante de son patrimoine en cas de divorce.
Les trusts peuvent également être utilisés pour les dons à des organismes de bienfaisance, puisque le settlor peut donner une somme d’argent ou des actifs au trust et fournir aux trustees des instructions sur la manière dont il souhaite que le capital soit distribué à des causes ou organisations particulières.
Si les avantages fiscaux des trusts en termes d’évitement de droits de succession ont diminué au cours des dernières décennies, en contrôlant quand et comment la succession d’une personne est distribuée, les trusts peuvent encore aider à gérer, plutôt qu’à éviter, les obligations fiscales.
Si les avantages fiscaux des trusts en termes d’évitement de droits de succession ont diminué au cours des dernières décennies, en contrôlant quand et comment la succession d’une personne est distribuée, les trusts peuvent encore aider à gérer, plutôt qu’à éviter, les obligations fiscales, en particulier l’impôt sur la succession, même si les avantages dépendent de la juridiction du settlor et des bénéficiaires. L’adoption de la bonne stratégie nécessite l’aide d’un conseiller fiscal qualifié. Toutefois, il est évident que les trusts ne peuvent pas être utilisés pour contourner les règles obligatoires en matière de succession applicables au Luxembourg et dans d’autres pays.
Fonctionnement d’un trust
Le settlor fournit le capital pour le trust et décide qui doit en bénéficier, quand et comment, mais une fois le trust constitué, il renonce à ses actifs et n’a plus aucun droit sur ceux-ci. À ce stade, la responsabilité de l’utilisation ou de la distribution de l’argent incombe aux trustees, qui doivent le gérer conformément à l’acte de fiducie établi par le settlor. D’autres personnes physiques, à commencer par les bénéficiaires, peuvent contester la gestion du trust par les trustees s’ils estiment que ceux-ci ne suivent pas les instructions énoncées dans l’acte.
Les bénéficiaires seront également nommés ou définis dans l’acte de fiducie. Ils ne doivent cela dit pas forcément exister au moment où l’acte est rédigé. Le capital peut être mis de côté pour les enfants à naître de personnes vivantes. L’histoire regorge de personnes fortunées qui ont utilisé des trusts pour court-circuiter leurs enfants rebelles au profit de leurs futurs petits-enfants. Le settlor peut également ajouter de nouveaux bénéficiaires à l’acte s’il le souhaite.
La création d’un trust n’est pas plus complexe sur le plan administratif que la création d’une société. Le settlor est tenu de donner des actifs spécifiques pour le trust, sous forme d’argent ou sous une autre forme. L’identité du settlor, ainsi que celles des bénéficiaires et des trustees doivent toutes être enregistrées dès le départ. Le trust doit porter un nom spécifique afin d’empêcher toute confusion avec une autre entité juridique ou un autre trust. La durée de vie du trust – jusqu’à un maximum de 100 ans – doit également être enregistrée lors de sa création.
Sur le plan technique, le concept de trust n’existe pas en droit luxembourgeois, bien qu’il reconnaisse un concept qui lui ressemble beaucoup, appelé fiducie – un contrat fiduciaire. Par conséquent, lorsqu’un trust étranger possède des actifs pour le compte d’un particulier résidant au Luxembourg, le produit est simplement attribué à ce particulier à des fins fiscales. Les règles fiscales peuvent être différentes pour certains trusts discrétionnaires et irrévocables, mais il s’agit d’un domaine complexe qui nécessite l’avis d’un professionnel.
Les trusts continuent de jouer un rôle important dans la planification patrimoniale, pour faciliter l’administration de successions complexes et faire en sorte que les bonnes personnes reçoivent les bons actifs au moment opportun. Mais il est essentiel de pouvoir compter sur l’expertise d’un professionnel pour s’y retrouver dans les questions juridiques et fiscales, surtout dans les pays de droit civil comme le Luxembourg.
Les trusts au Luxembourg
Le droit luxembourgeois autorise la création de trusts internationaux, ce qui permet aux citoyens étrangers qui ne résident pas habituellement au Grand-duché d’y établir des trusts. Ni le settlor, ni les bénéficiaires ou les trustees ne sont tenus d’être des résidents luxembourgeois. Les actifs détenus au sein du trust peuvent être domiciliés partout dans le monde.
Le Parlement luxembourgeois a adopté en juillet 2020 une loi portant création d’un registre des fiduciaires et des trusts, dans le cadre d’un ensemble de mesures requises par les règles de l’UE visant à prévenir le blanchiment de capitaux. En vertu de la loi, tous les trusts doivent désormais être enregistrés et les trustees sont tenus de conserver des informations détaillées concernant leurs bénéficiaires. Il en découle de nouvelles obligations administratives qui incombent en grande partie aux trustees. Les sociétés luxembourgeoises qui agissent en tant que trustees doivent être autorisées par le régulateur financier du pays, la CSSF.
Même si le trust tel que conçu dans la « common law » n’existe pas au Luxembourg, certaines structures peuvent être utilisées de la même manière. Le type de structures le plus populaire est celui dédié au patrimoine familial, généralement organisé comme une société en commandite spéciale. Comme dans les juridictions anglo-saxonnes, le créateur de la structure la dote d’un capital ou d’actifs et en détermine la gestion et l’utilisation.
Les trusts peuvent donner aux personnes physiques le droit de percevoir le revenu d’un actif, plutôt que d’en être le propriétaire. Les trusts peuvent également permettre d’éviter de longues querelles entre héritiers au sujet des biens et de clarifier les intentions du settlor.