Les grands vins bonifient-ils votre portefeuille d’investissement?
Dans les segments les plus haut de gamme, le vin, en plus de ravir le palais, peut également être source de diversification au sein d’un portefeuille de placement grâce à son absence de corrélation avec les actifs financiers traditionnels ou encore l’immobilier. Mais s’agit-il d’un investissement rentable sur le long terme?
Les grands millésimes ont toujours rencontré un franc succès auprès des particuliers fortunés. Pendant longtemps, ceux-ci les collectionnaient avant tout dans le but de les faire vieillir puis de les déguster, moyennant un prix initial raisonnable. Aujourd’hui, en revanche, l’achat de vin est davantage considéré comme un investissement à long terme, qui possède toutefois quelque chose d’un peu plus séduisant qu’un portefeuille d’actions.
Jusqu’à il y a peu encore, le vin constituait une alternative intéressante au sein d’un portefeuille d’investissement en période de forte volatilité des classes d’actifs traditionnelles. Le principal indice de référence des investissements dans le vin, le Liv-ex Fine Wine 100, qui reflète les variations de prix de 100 grands vins parmi les plus recherchés sur le marché secondaire, a ainsi baissé de 1,1% seulement au début de la pandémie de Covid-19 (février et mars 2020), alors que les marchés actions s’effondraient – temporairement – de 10% ou plus.
Les investissements dans le vin ont continué de surperformer les indices actions traditionnels en 2022, les prix des actions et des obligations étant tirés vers le bas par l’envolée de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement de la croissance économique. L’indice Liv-ex Fine Wine 100 a gagné 6,9% en GBP sur l’ensemble de l’année, selon la plateforme d’échange de vin.
Des marchés parfois florissants, parfois en difficulté
Ce succès s’explique certes par un environnement de marché exceptionnellement volatil, mais aussi par la bonne diversification que confère historiquement le vin par rapport aux marchés des actions et des obligations. Selon Liv-ex, les prix ont augmenté de 39% entre début 2020 et fin 2022, faisant même mieux que les actions mondiales au cours du marché haussier de 2021.
Cependant, l’indice Liv-ex Fine Wine 100 a depuis connu des difficultés, ce qui contraste avec le rebond des marchés boursiers mondiaux. Fin avril 2025, l’indice affichait une baisse de 10,3% sur un an et de 23,7% sur deux ans. Sa progression sur les cinq dernières années ressortait à 5,8%, contre plus de 30% deux ans plus tôt. Même constat pour l’indice de référence élargi Liv-ex Fine Wine 1000, en repli de 10,5% sur 12 mois et de 24,4% sur deux ans. Il signe une progression de 4,8% sur cinq ans, alors qu’il s’adjugeait 43,9% sur la même période fin janvier 2023.
Selon les analystes, la dépréciation des grands vins, en particulier ceux issus des vignobles de Bourgogne les plus prisés (-29,7% sur les deux dernières années), s’explique, d’une part, par la hausse récente des taux d’intérêt, qui a renforcé l’attrait d’actifs tels que les obligations par rapport au rendement historique moyen de 7% du vin, et, d’autre part, par le ralentissement de l’économie chinoise qui s’est imposée comme une source de plus en plus importante d’investissements dans le secteur du vin au cours des dernières années. Citons également l’effet de rebond: les vins qui se sont le plus appréciés au cours des cinq années précédant 2023 ont généralement souffert de manière disproportionnée depuis.
Demande sur les marchés émergents
L’investissement dans le vin se concentre habituellement sur les grands vignobles de Bordeaux, de Bourgogne et de certaines régions du nord de l’Italie, où certaines bouteilles peuvent valoir plusieurs milliers d’euros. Les investisseurs qui choisissent la bonne région peuvent bénéficier de rendements supérieurs à la moyenne. Cela dit, le Bordelais n’a en moyenne guère brillé récemment, avec une baisse de 5,8% sur la période de 5 ans clôturée en avril 2025. La Bourgogne a fait sensiblement mieux, à 17,7%, mais affichait une progression sur cinq ans de 105,6% en janvier 2023.
Tous les sous-indices du Liv-ex se sont inscrits en baisse sur un et deux ans en avril 2025, et plusieurs d’entre eux – dont le Rhône, le Porto, le reste du monde et les seconds vins – étaient en territoire négatif sur cinq ans. Certaines régions et variétés se sont toutefois mieux comportées. Le sous-indice Champagne 50, qui mesure l’évolution des prix des dernières cuvées pour les 13 champagnes les plus activement négociés, s’est adjugé 24,8% sur cinq ans, tandis que le sous-indice dédié aux vins italiens a grimpé de 17,2%.
Les prix du vin sont fonction, entre autres, de l’offre, des conditions climatiques et de la santé globale de l’économie mondiale. Les critiques influents jouent également un rôle décisif.
Les prix du vin sont influencés par toute une série de facteurs. Au début du XXIe siècle, les vignerons européens bénéficiaient d’une forte demande de la part des acheteurs des marchés émergents, en particulier en Chine. Mais les importations chinoises ont commencé à ralentir en 2017 et cette tendance s’est accentuée avec la pandémie.
Le rôle des critiques de vin
Malgré les espoirs, la réouverture post-Covid de l’économie du pays n’a jusqu’ici pas permis de renverser la vapeur. Selon Ronan Laborde, président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux, les exportations de la région vers la Chine, Hong Kong et Macao ont diminué de moitié pour atteindre un niveau historiquement bas entre 2021 et 2023.
Bien que les importations aient légèrement rebondi en 2024, avec une augmentation de 39,6% en valeur et de 13,7% en volume pour atteindre 283 millions de litres, le principal bénéficiaire a été l’Australie, suite à la levée d’un droit de douane de 200% imposé en 2000 à la suite d’un désaccord politique entre Pékin et Canberra. Avec la France, elle représentait 68% des dépenses totales de la Chine en vin importé en 2024, les ventes australiennes totalisant 4,24 milliards de CNY (519 millions d’euros) et les ventes françaises 3,55 milliards de CNY (435 millions d’euros).
Les prix du vin sont par ailleurs fonction, entre autres, de l’offre, des conditions climatiques et de la santé globale de l’économie mondiale. Les critiques influents jouent également un rôle décisif, particulièrement dans le monde anglo-saxon. Le plus puissant d’entre eux était de loin l’Américain Robert Parker Jr, qui a pris sa retraite en 2019. Sa lettre d’information Wine Advocate, désormais propriété du Guide Michelin, compte quelque 50.000 abonnés. L’échelle de 100 points qu’il a lui-même conçue a un effet mesurable sur le prix du vin. D’autres experts de renom exercent également une influence sur les prix. C’est notamment le cas de James Suckling, Neal Martin, Tim Atkin et Jancis Robinson.
Les avantages et inconvénients d’un investissement direct
Le principal avantage d’un investissement direct dans le vin est manifeste – on peut bien évidemment le boire – mais il existe également des inconvénients majeurs. Le point d’entrée pour un novice peut être très élevé, puisque le prix peut atteindre 6.900€ (taxes comprises) pour une seule bouteille de Bordeaux Le Pin Pomerol 1990.
Les investisseurs courent le risque qu’une ou plusieurs bouteilles soient bouchonnées. Le vin doit par ailleurs être stocké correctement pour conserver sa valeur. Il convient également de tenir compte de la situation sur le marché secondaire: il ne s’agit pas d’un investissement sur le marché actions où il y aura pratiquement toujours un teneur de marché ou un acheteur disposé à acquérir un titre.
Le vin doit être stocké correctement pour conserver sa valeur.
Les courtiers en vins peuvent y apporter leur concours, mais leurs relations avec les investisseurs doivent s’inscrire dans la durée. Ils peuvent ainsi apporter une aide pour le stockage (moyennant un coût) et peuvent aider les investisseurs à trouver leurs marques sur le marché secondaire s’ils souhaitent vendre. Certains courtiers en vin ont développé des plateformes qui facilitent l’achat et la vente de vin. Il est toutefois préférable de commencer par effectuer des recherches, au risque de payer le prix fort.
Il existe également des plateformes de crowdfunding qui cherchent à mettre en relation des investisseurs et des entrepreneurs, notamment des viticulteurs, en quête de financements. Le point d’entrée est généralement inférieur et les investisseurs seront souvent remboursés sous forme de vin livré directement chez eux pendant un certain nombre d’années. Si les chances de faire fortune sont minces, cette option peut s’avérer intéressante.
Les achats en primeur permettent également d’acquérir du vin à moindre coût. Les investisseurs achètent le vin lorsqu’il est jeune sans savoir s’il deviendra un grand millésime bien noté et très recherché. Les vins primeurs sont généralement moins chers que le prix futur du vin sur le marché libre, et certains vignobles vendent uniquement leur vin de cette façon.
L’importance de la liquidité
Aujourd’hui, il est également possible d’investir dans un fonds vinicole, qui constitue une alternative (relativement) liquide et peu coûteuse pour tirer parti de la hausse des vins tout en bénéficiant d’une meilleure diversification. Les investisseurs des fonds pourraient se montrer plus objectifs que les experts en vin vis-à-vis des marchés vinicoles. Au lieu de se pencher sur l’éclat du vin, ils évalueront sa liquidité, la demande sur le marché final et le prix actuel.
Les structures peuvent toutefois s’avérer complexes: l’investisseur pourrait ne pas avoir droit au vin détenu par le fonds si l’investissement tourne mal. Un récit édifiant est celui du fonds vinicole Nobles Crus, domicilié au Luxembourg, qui a été suspendu en 2013 après que des médias ont laissé entendre que les valorisations étaient surfaites. Cela a déclenché une hausse des demandes de rachat qui a mis en évidence la liquidité limitée des actions et verrouillé pendant des années les capitaux des investisseurs. La controverse a attiré l’attention sur les méthodes de valorisation utilisées par les gérants, qui se sont montrés plus prudents depuis lors.
Pendant des années, les grands vins ont généré de solides rendements pour les investisseurs et ont pu être considérés comme actifs de diversification en périodes de turbulence économique et de volatilité sur les marchés financiers. Toutefois, il ne suffit pas pour les investisseurs d’être de fins connaisseurs, ils doivent également comprendre les marchés du vin et solliciter les conseils de professionnels.