Les grands vins bonifient-ils votre portefeuille d’investissement ?
Pour beaucoup, le vin a pu être source de réconfort lors de la pandémie et de la période de trouble économique qui s’est ensuivie, mais aurait-il également pu avoir un effet salutaire sur votre portefeuille d’investissements ?
Alors que la demande émanant des restaurants a chuté durant la crise sanitaire, de nombreux négociants en vin ont fait état d’un intérêt croissant de la part des investisseurs privés. Ceux-ci disposaient non seulement de plus de temps pour étudier les différentes options, mais le vin offrait également un certain confort. Si l’investissement ne fonctionne pas, les investisseurs ont au moins le plaisir de déguster les bouteilles choisies, ce que ne permet pas un portefeuille d’actions.
Ces dernières années, alors que les cours des actifs traditionnels étaient soumis à une forte volatilité, le vin s’est révélé être une source de stabilité bienvenue pour les portefeuilles. Le principal indice de référence des investissements dans le vin, le Liv-ex Fine Wine 100, qui reflète les variations de prix de 100 grands vins parmi les plus recherchés sur le marché secondaire, a baissé de 1,1% seulement au début de la pandémie (février et mars 2020), alors que les marchés actions se sont – temporairement – effondrés.
Les investissements dans le vin ont continué de surperformer les indices actions traditionnels en 2022, les prix des actions et des obligations étant tirés vers le bas par l’envolée de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement de la croissance économique. L’indice Liv-ex Fine Wine 100 a gagné 7,1% en GBP sur les 11 premiers mois de l’année, selon la plateforme d’échange de vin.
Si l’environnement de marché exceptionnellement volatil de ces dernières années a contribué à ce succès, ce n’est pas l’unique raison. Le vin a toujours présenté de bonnes caractéristiques de diversification par rapport aux marchés des actions et des obligations et constitue un investissement solide sur le long terme. Ainsi, l’indice Liv-ex Fine Wine 100 s’est apprécié de 32,4% sur la période de cinq ans allant jusqu’à fin janvier 2023, tandis que l’indice de référence élargi Liv-ex Fine Wine 1000 s’est adjugé 43,9%. Si l’indice de référence des vins ne devance pas tous les fonds indiciels traditionnels du marché actions (le S&P 500 a progressé de 47,6% sur cinq ans, contre seulement 21,6% pour le STOXX Europe 600 et 10,4% pour le FTSE 100), il se distingue toutefois par sa constance.
Demande sur les marchés émergents
L’investissement dans le vin se concentre habituellement sur les grands vignobles de Bordeaux, de Bourgogne et de certaines régions du nord de l’Italie, où certaines bouteilles peuvent valoir plusieurs milliers d’euros. Pour les investisseurs qui choisissent la bonne région, les rendements ont été encore plus élevés: le Bordelais est resté à la traîne ces dernières années (croissance de 18,3% seulement en cinq ans), devancé par la Bourgogne (+105,6%), la Champagne (+88,5%), l’Italie (+46,2%), et même la Californie (+43,0%).
Les prix sont fonction de la demande, mais aussi de l’offre, des conditions climatiques et de la santé globale de l’économie mondiale.
Les prix du vin sont influencés par toute une série de facteurs. Ces dernières années, la demande des acheteurs des marchés émergents, en particulier de la Chine, a été considérable, mais les prix sont également fonction de l’offre, des conditions climatiques et de la santé globale de l’économie mondiale. Toutefois, les importations depuis la Chine s’inscrivent en baisse depuis quelques années, une tendance qui a été particulièrement marquée durant la pandémie. Selon les autorités douanières du pays, la valeur totale des importations de vins en 2022 s’est montée à 9,6 milliards CNY (1,4 milliard USD), soit un repli de 12,5% par rapport à l’année précédente et le quatrième recul annuel consécutif. Les exportateurs de vins espèrent assister à un retournement de tendance avec la réouverture de l’économie chinoise, qui fait suite à la levée des restrictions imposées pour endiguer le Covid-19.
Les critiques influents jouent également un rôle décisif. Le plus puissant d’entre eux est de loin Robert Parker Jr, dont la lettre d’information Wine Advocate compte quelque 50.000 abonnés. S’il a confié à ses collègues la couverture d’autres régions, il continue de noter les vins de Bordeaux et du Rhône.
L’échelle de 100 points qu’il a lui-même conçue a un effet mesurable sur le prix du vin. D’autres experts de renom ont également une influence sur les prix. C’est notamment le cas de James Suckling, Neal Martin, Tim Atkin et Jancis Robinson.
Les avantages et inconvénients d’un investissement direct
Le principal avantage d’un investissement direct dans le vin est manifeste – on peut bien évidemment le boire – mais il existe également des inconvénients majeurs. Le point d’entrée pour un novice peut être très élevé, puisque le prix peut atteindre 6.000 euros pour une seule bouteille de Bordeaux Le Pin Pomerol 1990.
Les investisseurs courent le risque qu’une ou plusieurs bouteilles soient bouchonnées. Le vin doit par ailleurs être stocké correctement pour conserver sa valeur. Il convient également de tenir compte de la situation sur le marché secondaire: il ne s’agit pas d’un investissement sur le marché actions où il y aura pratiquement toujours un teneur de marché ou un acheteur disposé à acquérir un titre.
Le vin doit être stocké correctement pour conserver sa valeur.
Les courtiers en vins peuvent y apporter leur concours, mais leurs relations avec les investisseurs doivent s’inscrire dans la durée. Ils peuvent ainsi apporter une aide pour le stockage (moyennant un coût) et peuvent aider les investisseurs à trouver leurs marques sur le marché secondaire s’ils souhaitent vendre. Certains courtiers en vin ont mis en place des plateformes qui facilitent l’achat et la vente de vin. Il est toutefois préférable de commencer par faire des recherches, au risque de payer le prix fort.
Il existe également des plateformes de crowdfunding qui cherchent à mettre en relation des investisseurs et des entrepreneurs, notamment des viticulteurs, en quête de financements. Le point d’entrée est généralement inférieur et les investisseurs seront souvent remboursés sous forme de vin livré directement chez eux pendant un certain nombre d’années. Si les chances de faire fortune sont maigres, cette option peut s’avérer intéressante.
Les achats en primeur permettent également d’acquérir du vin à moindre coût. Les investisseurs achètent le vin lorsqu’il est jeune sans savoir s’il deviendra un grand millésime bien noté et très recherché. Les vins primeurs sont généralement moins chers que le prix futur du vin sur le marché libre, et certains vignobles vendent uniquement leur vin de cette façon.
L’importance de la liquidité
Aujourd’hui, il est également possible d’investir dans un fonds vinicole, qui constitue une alternative (relativement) liquide et peu coûteuse pour tirer parti de la hausse des vins tout en bénéficiant d’une meilleure diversification. Les investisseurs des fonds pourraient se montrer plus objectifs que les experts en vin vis-à-vis des marchés vinicoles. Au lieu de se pencher sur l’éclat du vin, ils évalueront sa liquidité, la demande sur le marché final et le prix actuel.
Les structures peuvent toutefois s’avérer complexes : l’investisseur pourrait ne pas avoir droit au vin détenu par le fonds si l’investissement tourne mal. Un récit édifiant est celui du fonds vinicole Nobles Crus, domicilié au Luxembourg, qui a été suspendu en 2013 après que des médias ont laissé entendre que les valorisations étaient surfaites. Cela a déclenché une hausse des demandes de rachat qui a mis en évidence la liquidité limitée des actions et verrouillé pendant des années les capitaux des investisseurs. La controverse a attiré l’attention sur les méthodes de valorisation utilisées par les gérants, qui se sont montrés plus prudents depuis lors.
Ces dernières années, les grands vins ont généré de solides rendements pour les investisseurs. Ils peuvent donc être intéressants en tant qu’actifs de diversification à une époque où les marchés boursiers et obligataires demeurent volatils. Toutefois, il ne suffit pas pour les investisseurs d’être de fins connaisseurs, ils doivent également comprendre les marchés du vin et, sauf dans de rares cas, solliciter les conseils de professionnels.
Le vin a toujours présenté de bonnes caractéristiques de diversification par rapport aux marchés des actions et des obligations et constitue un investissement solide sur le long terme.