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22 décembre 2024

Parole d’expert : « Le soufflé des actions peut-il encore monter ? »

Fredrik Skoglund, CIO à la BIL, et son équipe reviennent sur les événements marquants de juin 2019 et commentent leurs implications pour les investisseurs.

Après l’effondrement des marchés entre octobre et décembre 2018, le soufflé des actions est parvenu à remonter au premier semestre 2019. L’agent levant déterminant a sans doute été la perspective d’une liquidité toujours abondante et d’un assouplissement de la politique des grandes banques centrales. En juin, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ont enfin répondu en partie aux attentes des marchés en s’engageant à assouplir les conditions monétaires si la conjoncture et les perspectives d’inflation ne s’améliorent pas rapidement. Dans la zone euro comme aux États-Unis, la trajectoire des prix est aussi plate qu’un pancake. L’inflation se situe loin des objectifs fixés et le consensus ne la voit pas remonter de sitôt. En avril, l’inflation en zone euro mesurée par l’IPCH est ressortie à 1,2 %, tandis qu’aux États-Unis, l’inflation mesurée par l’indice PCE (le baromètre privilégié de la Fed) est ressortie à 1,6 %.

C’est la BCE qui a ouvert le bal de l’assouplissement monétaire. À l’issue de la réunion du Conseil des gouverneurs du mois de juin, son président Mario Draghi a tenu des propos qui n’étaient pas sans rappeler son discours de 2012 dans lequel il s’était engagé à faire « tout ce qu’il faut » pour soutenir l’économie. Cette fois-ci, il a déclaré qu’en l’absence d’embellie économique, la BCE était prête à prendre de nouvelles mesures de relance monétaire, à l’instar de nouvelles baisses de taux ou d’une reprise de son programme d’achat d’actifs auquel elle a déjà consacré 2.600 milliards d’euros. La Fed est entrée dans la danse le 19 juin. Même si le « dot-plot » (graphique des projections de taux du FOMC) suggère qu’elle ne prévoit pas de baisser ses taux avant 2020, la Fed ne mentionne plus le mot « patience » dans son communiqué. En prenant acte des « vents contraires » (notamment les tensions commerciales) qui menacent les perspectives, son président Jerome Powell a garanti que la Fed était prête à « agir le cas échéant pour entretenir l’expansion ».

Après ces efforts concertés visant à consoler les marchés, les actions ont grimpé et le rendement des emprunts d’État de référence a fortement baissé. Le rendement du Bund allemand est tombé à un nouveau plus bas historique. Ses équivalents français et suédois sont devenus négatifs pour la première fois de l’histoire. Ces fluctuations sont intervenues malgré l’accentuation des tensions au Moyen-Orient (après la destruction par l’Iran d’un drone américain) et la hausse des cours du pétrole, ce qui souligne que la liquidité ne constitue que l’un des ingrédients essentiels à la poursuite de la hausse des marchés.

Avant le virage accommodant des banques centrales, le rebond des actions sur fond de hausse des ratios cours/bénéfices reposait sur d’autres lueurs d’espoir qui, pour la plupart, ne se sont pas encore concrétisées.

Que faut-il surveiller désormais ?

Avant le virage accommodant des banques centrales, le rebond des actions sur fond de hausse des ratios cours/bénéfices reposait sur d’autres lueurs d’espoir qui, pour la plupart, ne se sont pas encore concrétisées. La trajectoire future des actifs risqués en dépendra, notamment :

  1. un accord commercial sino-américain. Le sommet du G20 à Osaka a accouché de nouvelles assez encourageantes sur ce front. En effet, les États-Unis et la Chine ont convenu de reprendre leurs négociations commerciales. Par ailleurs, l’administration Trump a mis de l’eau dans son vin concernant Huawei et a indiqué qu’elle s’abstiendrait de mettre à exécution sa menace d’un élargissement des droits de douane à 300 milliards de dollars d’importations supplémentaires en provenance de Chine. Toutefois, il convient de se souvenir que chaque tweet belliqueux de Donald Trump sur le sujet fait retomber l’enthousiasme des investisseurs, tel un pâtissier qui ouvrirait la porte du four avant que son soufflé soit prêt.
  2. un Brexit en douceur. La Première ministre britannique Theresa May a démissionné. Le favori à sa succession est Boris Johnson, ce qui accentue la probabilité d’un Brexit mouvementé alors que la date butoir du 31 octobre se rapproche. Un Brexit sans accord conduirait au désastre, de part et d’autre de la Manche.
  3. une stabilisation des indicateurs macroéconomiques chinois. Le discours ambiant sur la stabilité des indicateurs n’aura tenu que deux mois : les statistiques publiées en juin suggèrent un nouvel accès de faiblesse, signe que le bras de fer commercial avec les États-Unis a un impact négatif. La croissance de l’investissement en immobilisations s’est encore tassée (de 6,1 % à 5,6 %) lors des cinq premiers mois de l’année (le consensus s’attendait à une évolution stable). La croissance de la production industrielle a également ralenti à son plus bas niveau depuis 2002 (+5,0 % en mai, contre +5,4 % en avril). Toutefois, nous pensons que Pékin a les moyens et la volonté de faire ce qu’il faut pour stimuler l’économie intérieure, même si cela pourrait mettre un certain temps à rejaillir sur les statistiques macroéconomiques.
  4. une stabilisation de l’économie européenne. Le ralentissement se poursuit en Europe, à en juger par les statistiques dévoilées fin juin. La question est désormais de savoir combien de temps les secteurs non manufacturiers européens (qui représentent l’essentiel du PIB) resteront à l’abri de cette faiblesse prolongée. Le PMI manufacturier d’IHS Markit pour la zone euro est ressorti à 47,8 en juin, quasi inchangé par rapport à son niveau de 47,7 en mai et inférieur au seuil des 50 points, ce qui indique une contraction. En Allemagne, les investisseurs ne semblent pas très optimistes, à en juger par l’indice de confiance ZEW qui est ressorti en nette baisse en juin, à -21,1 contre -2,1 le mois précédent, et ce alors que le marché n’anticipait qu’une légère détérioration à -5,6. Cette baisse de moral est imputable à divers facteurs tels que l’incertitude grandissante concernant l’avenir de l’économie mondiale, la guerre commerciale, le risque d’un Brexit sans accord et le risque de conflit militaire au Moyen-Orient. Comme toujours, étant donné la nature de son économie, l’Europe est très vulnérable aux répercussions indirectes de ces facteurs.

Pour les banques centrales, il ne s’agit plus d’empêcher une surchauffe de l’économie mondiale mais plutôt d’éviter le coup de froid.

Pour les banques centrales, il ne s’agit plus d’empêcher une surchauffe de l’économie mondiale mais plutôt d’éviter le coup de froid. Malgré l’absence de progrès sur les points susmentionnés, la BCE et la Fed ont pour le moment sauvé les meubles à grand renfort de communication. La conjoncture fragile pourrait effectivement donner lieu à de nouvelles mesures d’assouplissement, donnant ainsi un coup de fouet artificiel au marché. Cette seule perspective soutient les actifs risqués dans l’immédiat, c’est pourquoi nous avons porté début juillet notre allocation aux actions à un niveau neutre en achetant des actions européennes et émergentes.

Tous les regards sont désormais rivés sur la prochaine saison des résultats. Les attentes sont similaires à celles du premier trimestre : raisonnables, avec une modeste croissance prévue en Europe et une contraction de près de 3 % aux États-Unis. Les révisions de bénéfices aux États-Unis sont en passe de devenir positives, tandis que la tendance est déjà à la hausse pour les marchés émergents et l’Europe.