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19 avril 2024

Parole d’expert : « Un aller-retour pour les actions »

Les statistiques économiques et les résultats des entreprises publiés en août montrent que la reprise suit son cours, mais aussi qu’elle demeure inégale et que de nombreux nuages assombrissent toujours l’horizon. Néanmoins, l’indice MSCI All Country World, le Nasdaq et le S&P 500 ont bouclé la dernière étape de leur voyage aller-retour entre les points bas de la crise du Covid-19 et les sommets qu’ils avaient tutoyés avant la pandémie.

Quels sont les moteurs des marchés actions ?

L’ascension des marchés actions est essentiellement alimentée par les injections de liquidité des banques centrales. La Réserve fédérale et la Banque centrale européenne, pour ne citer que les plus grandes, maintiennent leurs politiques monétaires ultra-accommodantes et les marchés savent qu’un durcissement de celles-ci est peu probable à court terme. En temps normal, si l’inflation dépasse les objectifs des banques centrales, ces dernières y mettent un frein en relevant les taux. Mais la situation est aujourd’hui quelque peu différente : la Réserve fédérale américaine s’est déclarée prête à laisser filer l’inflation au-delà de l’objectif « pendant un certain temps ». Lors du symposium virtuel de Jackson Hole sur la politique économique – la grand-messe des banquiers centraux du monde entier – le président de la Réserve fédérale Jerome Powell a annoncé que son institution abandonnerait son objectif d’inflation de 2 % (une politique qui remonte à 2012) en faveur d’un régime de taux d’inflation moyen, lui permettant de passer « modérément » au-dessus de 2 %. Justifiant cette décision, il a souligné les dangers d’une inflation faible et persistante et la spirale négative que celle-ci pourrait engendrer. Pour les épargnants et les détenteurs d’obligations, ce changement de politique signifie qu’ils ne doivent pas s’attendre à une remontée des rendements de sitôt. Cette décision de la Fed pénalise fortement le dollar, qui était déjà en perte de vitesse. Alors que la reprise économique se poursuit lentement, afin de se prémunir contre d’éventuelles pressions inflationnistes, les investisseurs font aujourd’hui preuve d’un certain appétit pour les obligations d’État indexées sur l’inflation et pour l’or.

L’ascension des marchés actions est essentiellement alimentée par les injections de liquidité des banques centrales.

Et les actions européennes dans tout ça ?

De l’autre côté de l’Atlantique, en Europe, le resserrement monétaire semble plus lointain encore, les chiffres de l’inflation pour juillet s’affichant dans le rouge pour la première fois depuis 2016 (-0,2 % en glissement annuel). Si les actions européennes ont connu leur meilleur mois d’août depuis 2009, elles n’en demeurent pas moins à la traîne par rapport à leurs homologues mondiales dans le contexte d’un euro plus fort et des craintes d’une nouvelle vague de Covid-19 sur le continent. La distanciation sociale s’est aujourd’hui érigée en règle d’or et pour les établissements qui fonctionnent en dessous de leur capacité, le « business as usual » s’apparente à une lointaine réalité. Le point positif est que la plus grande économie de l’UE, l’Allemagne, devrait au final se redresser plus rapidement que prévu. En avril, la coalition au pouvoir d’Angela Merkel tablait sur une croissance de -6,3 % pour 2020, alors que les nouvelles projections s’établissent à -5,8 %. L’Allemagne est déterminée à éviter un deuxième confinement et, pour atténuer le coup porté par le premier, elle a prolongé son régime de soutien des salaires (Kurzarbeit) jusqu’à la fin de 2021.

Bien que les données s’améliorent, l’Europe abrite très peu des grands noms de la technologie impliqués dans l’envolée des marchés actions. Le rebond observé depuis le creux du mois de mars a pour l’essentiel été emmené par une poignée de grands noms, principalement des méga-capitalisations technologiques, alors attention au risque de concentration. Le cas d’Apple, qui est devenu la toute première entreprise valorisée à plus de 2.000 milliards USD, en est la parfaite illustration. Pour la première fois dans l’histoire, la capitalisation boursière du secteur technologique américain, qui s’élève à 9.100 milliards de dollars, dépasse celle de l’Europe, Royaume-Uni et Suisse inclus, totalisant désormais 8.900 milliards de dollars. Pour rappel, en 2007, l’Europe pesait quatre fois plus lourd que les valeurs technologiques américaines.

Qu’en est-il du virus ?

Les bonnes nouvelles sur le front épidémiologique font également souffler un vent favorable sur les actions. Dans les pays où une deuxième vague se dessine, on note que le taux de mortalité semble plus modéré que lors de la première vague. En outre, la mise au point d’un vaccin avance à grands pas. AstraZeneca et l’université d’Oxford ont d’ailleurs lancé des essais humains à grande échelle aux États-Unis, et prévoient de tester le vaccin sur pas moins de 30.000 adultes. Un essai en phase finale est déjà en cours au Royaume-Uni et pourrait livrer ses premiers résultats dès le mois prochain. Il ne s’agit là que de l’un des 33 vaccins suivis par l’OMS qui ont atteint le stade des essais cliniques, tandis que 143 autres sont en cours d’évaluation préclinique.

Sans vaccin en circulation, difficile d’affirmer que les actions aient pu atteindre une altitude de croisière confortable et les investisseurs doivent dès lors s’attendre à des turbulences continues.

Sans vaccin en circulation, difficile d’affirmer que les actions aient pu atteindre une altitude de croisière confortable et les investisseurs doivent dès lors s’attendre à des turbulences continues. Alors que la distanciation sociale reste d’actualité, il faudra un certain temps avant que les bénéfices des entreprises se redressent complètement, au grand dam des investisseurs qui espèrent un retour rapide à la normale. On peut même affirmer que le poids de leurs attentes dépasse la limite de bagages autorisés pour ce long voyage vers la reprise. Dans le même temps, les élections américaines et les escarmouches entre les États-Unis et la Chine vont certainement déclencher plus d’une fois le signal « Attachez vos ceintures ». Une approche prudente du risque peut donc être justifiée, de manière à ce que les investissements soient protégés si le temps devait virer à l’orage.