Mes finances, mes projets, ma vie
24 avril 2024

Parole d’expert : « Un mois de novembre sans limite pour les actions »

Les indices boursiers américains ont atteint des sommets en novembre, compte tenu de l’évolution favorable des pourparlers commerciaux entre les États-Unis et la Chine et du soutien des banques centrales. Fredrik Skoglund, CIO à la BIL, et son équipe reviennent sur les événements marquants de novembre 2019 et leurs implications pour les investisseurs.

Échanges commerciaux : le pilier de l’humeur des marchés

L’humeur des marchés a été essentiellement dictée par les échanges commerciaux cette année. Si les investisseurs pressentent qu’un quelconque accord se profile à l’horizon, le marché part à la hausse. Si un tweet ou une actualité vient semer le doute, il se replie. À l’heure d’écrire ces lignes, les espérances sont grandes qu’un accord commercial de phase 1 pourra être conclu avant le 15 décembre, date à laquelle de nouveaux droits de douane sur les produits chinois devraient entrer en vigueur. Deux éléments étayent cette thèse : la récente déclaration du conseiller américain à la sécurité nationale, Robert O’Brien, selon laquelle un accord commercial préliminaire avec la Chine d’ici la fin de l’année était toujours envisageable et l’annonce par la Chine de nouvelles directives visant à mieux protéger la propriété intellectuelle. La suprématie technologique a constitué la pomme de discorde entre les deux pays. À la lumière de cet optimisme retrouvé, les trois principaux indices américains (le Dow, le NASDAQ et le S&P 500) ainsi que l’indice MSCI World Equity ont atteint une série de nouveaux sommets records. Selon le scénario le plus optimiste, nous pourrions même assister à une diminution des tarifs douaniers existants. Celle-ci devrait se traduire par des avantages économiques plus larges à l’heure où la croissance mondiale ralentit et pourrait également constituer l’élément déclencheur d’une éventuelle hausse des taux. À l’inverse, un échec pur et simple des discussions représente un risque baissier.

Peut-être les marchés se reposent-ils sur leurs lauriers, en supposant que les banques centrales seront toujours là pour sauver la mise.

Les banques centrales poursuivent sur leur lancée

Peut-être les marchés se reposent-ils sur leurs lauriers, en supposant que les banques centrales seront toujours là pour sauver la mise. C’est exactement ce qu’elles ont tenté de faire jusqu’à présent, mais le moment viendra sans doute où leurs efforts devront être soutenus par des mesures budgétaires des gouvernements nationaux, ainsi que l’a précisément demandé la nouvelle présidente du FMI, Kristalina Georgieva, parmi d’autres.

Après avoir abaissé les taux à trois reprises cette année, dans le cadre de son « ajustement de milieu de cycle », la Réserve fédérale américaine (Fed) marque une pause, sans pour autant fermer la porte à de nouvelles réductions si les données futures venaient à les justifier. Les prix des contrats à terme indiquent que les opérateurs s’attendent à une nouvelle baisse en 2020. Loin des projecteurs, la Fed injecte des milliards de dollars sur le marché des pensions depuis septembre (le marché des opérations de pension sous-tend l’ensemble du système financier américain, en permettant aux banques de disposer des liquidités nécessaires pour satisfaire leurs besoins opérationnels quotidiens et maintenir des réserves suffisantes). Même si J. Powell, le président de la Fed, a déclaré « Ce n’est pas de l’assouplissement quantitatif. Il ne s’agit en aucun cas d’un QE », le bilan de la Fed s’alourdit une fois de plus. Appelez ça comme vous voulez.

La Banque centrale européenne (BCE) déploie tout son arsenal et tient les promesses faites par son président sortant Mario Draghi. Au cours des deux premières semaines de novembre, elle a redémarré en fanfare son Programme d’achat d’obligations d’entreprises (CSPP), aspirant pour 2,5 milliards de dollars d’obligations d’entreprises, soit plus que ce que le marché avait anticipé. La Présidente, Christine Lagarde, a profité de son premier discours officiel à la tête de l’institution de Francfort pour exhorter les gouvernements européens à stimuler l’innovation et la croissance en augmentant les taux d’investissement public.

Les mesures prises par les banques centrales et un regain d’appétence pour le risque ont fait grimper l’ensemble des taux en octobre et en novembre.

Pendant ce temps, la Banque populaire de Chine affine sa politique en faveur de la croissance. Les actions ont reçu un coup de pouce à chaque nouvelle mesure annoncée, qu’il s’agisse d’une réduction des taux des prises en pension à 7 jours (à 2,50 %), d’une injection de 180 milliards de yuans (26 milliards de dollars) dans le système financier via des opérations d’open market ou de réductions du taux préférentiel officiel (LPR) à 1 an et 5 ans – le coût de l’emprunt pour les entreprises et les ménages – à 4,15 % et 4,80 % respectivement, soit une baisse de 5 pb.

La liquidité fait tout et à titre d’exemple, si l’on considère le volume combiné des actifs de la Fed, de la BCE et de la BoJ, ce chiffre est fortement corrélé à l’indice S&P 500. Les mesures prises par les banques centrales et un regain d’appétence pour le risque ont fait grimper l’ensemble des taux en octobre et en novembre. Malgré cela, de nombreuses obligations d’État en Europe offrent toujours un rendement négatif.

Tandis que les nouvelles mesures de relance commencent à s’infiltrer dans l’économie, la situation s’améliore peu à peu sur le plan macroéconomique. Le secteur manufacturier (qui a été le talon d’Achille de l’économie, durement touché par la chute des exportations, la perte de confiance due à l’incertitude entourant la guerre commerciale et le ralentissement des investissements) tente de se reprendre vaille que vaille. Les indices PMI du secteur semblent s’être stabilisés et ont même augmenté sur certains marchés émergents. Cependant, pour l’Europe en particulier, le problème est que le secteur des services, inextricablement lié au manufacturier, semble déjà manifester certains symptômes. Reste à voir si son état s’aggravera ou pas. Pour l’heure, le danger réside dans le fait que les investisseurs en actions ont peut-être surinterprété la stabilisation des données macroéconomiques, y voyant les prémices d’un véritable rebond. Nous restons neutres sur les actions, dans l’attente d’une confirmation par les fondamentaux de cette soi-disant renaissance.

Au diable l’avarice !

Si un rebond se concrétise, la consommation en sera sans doute le moteur. Des États-Unis au Japon, en passant par l’Europe et la Chine, la consommation est la pierre angulaire de l’économie. Le moral des consommateurs reste au beau fixe, soutenu par la vigueur des marchés du travail. Le 11 novembre, un nouveau record a été battu en Chine à l’occasion de la journée des célibataires, avec des dépenses de plus de 38 milliards de dollars. Il reste quelques rendez-vous importants aux États-Unis – le Black Friday et le Cyber Monday – et la tant attendue période de Noël approche à grands pas.

Mais les consommateurs ne sont pas les seuls à relâcher les cordons de la bourse. À la fin du mois, nous avons assisté à une vague d’acquisitions d’entreprises. Le joaillier Tiffany & Co a été racheté par le groupe français LVMH dans le cadre d’une opération de 16,2 milliards de dollars. Viagogo a acheté la plateforme de billetterie StubHub de EBay Inc. pour 4,05 milliards de dollars et Charles Schwab Corp a déclaré qu’elle achèterait la société de courtage à escompte TD Ameritrade, dans le cadre d’une transaction entièrement en actions évaluée à environ 26 milliards.

Les investisseurs doivent veiller à ne pas se laisser bercer par un sentiment de confort fallacieux, source d’un risque de crédit excessif pour leurs portefeuilles

Dans l’obligataire aussi, les dépenses vont bon train. Les gestionnaires d’actifs se portent acquéreur de toutes les obligations d’entreprises possibles, tant aux États-Unis qu’en Europe, et s’arrachent aujourd’hui des transactions autrefois boudées. Dans l’investment grade européen, nous avons déjà battu le record d’émissions annuelles établi l’an dernier. Les spreads des obligations d’entreprises se rapprochant de leurs plus bas de l’année, certaines sociétés se pressent à émettre pour profiter des faibles coûts de l’emprunt. Si les négociations commerciales achoppent, les taux augmenteront de nouveau, et les entreprises ne veulent pas perdre de temps. De leur côté, les investisseurs doivent veiller à ne pas se laisser bercer par un sentiment de confort fallacieux, source d’un risque de crédit excessif pour leurs portefeuilles.

Il faudra que le paysage macroéconomique s’améliore sensiblement pour que les actions poursuivent leur ascension. À défaut, les entreprises peineront à répondre aux attentes de bénéfices exigeantes que les analystes ont fixées pour 2020. Bien entendu, les négociations commerciales (le facteur le plus important en somme) devront rester constructives.

Pour lire d’autres analyses de Fredrik Skoglund et son équipe, rendez-vous sur le blog Investment Insights.