S’adapter à des taux qui restent plus élevés
La forte hausse des taux d’intérêt de ces deux dernières années en réponse à l’inflation galopante a marqué le retour de conditions économiques qui n’avaient plus été observées en Europe et en Amérique du Nord depuis trois décennies, faisant émerger une certaine volatilité sur les marchés financiers et un nouveau paysage d’investissement. Les taux plus élevés et la fin définitive de l’environnement d’inflation quasi nulle devraient favoriser l’adoption d’approches différentes en termes de stratégies et d’actifs financiers et les investisseurs doivent s’assurer qu’ils sont bien positionnés pour profiter du changement*.
Les taux d’intérêt ont augmenté en réponse à la poussée inflationniste provoquée par plusieurs facteurs, à savoir les perturbations des chaînes d’approvisionnement dues à la pandémie de Covid-19, la politique monétaire qui est peut-être restée accommodante trop longtemps et la hausse des prix des matières premières induite par la reprise de la demande.
Si les taux d’inflation diminuent en réaction au resserrement monétaire, de nombreux économistes pensent qu’ils demeureront structurellement plus élevés à l’avenir, et assurément par rapport à la période allant de la crise financière mondiale à 2020. Les facteurs qui ont contribué à la faiblesse prolongée des prix, tels que la disponibilité de produits peu onéreux en provenance de Chine, qui dispose en outre d’une main-d’œuvre massive et bon marché, ne devraient pas exercer la même pression déflationniste dans les prochaines années.
Dans ce contexte, il est peu probable que les taux d’intérêt renouent avec les niveaux proches de zéro observés au cours de la dernière décennie. Ces dernières années, les marchés financiers ont été caractérisés par des taux d’intérêt bas, qui ont permis de distinguer les actifs performants de ceux qui sont restés à la traîne. Il peut être judicieux pour les investisseurs de réexaminer leurs portefeuilles en envisageant de les adapter afin de tenir compte de ce nouvel environnement.
Hausse de l’épargne
La hausse des taux d’épargne a constitué l’un des changements les plus notables. Si leurs économies n’ont généré que peu, voire pas, d’intérêts pendant plus d’une décennie, les épargnants peuvent désormais espérer obtenir jusqu’à 4%. Après une période de volatilité sur les marchés financiers, le fait de disposer d’un revenu régulier et apparemment fiable ainsi que la perspective de préservation du capital (sous réserve du niveau d’inflation futur) peut présenter un certain intérêt. Il s’agit là d’une différence significative par rapport à l’environnement précédent, dans lequel les investisseurs en quête de rendement étaient presque obligés de se tourner vers les marchés boursiers.
Les taux d’intérêt de nombreux comptes épargne dans la zone euro demeurent inférieurs à l’inflation, malgré le recul de cette dernière, ce qui signifie que les épargnants perdent de l’argent en termes réels.
Néanmoins, en dépit de taux plus élevés, les liquidités ont encore des limites. Les taux d’intérêt d’un compte épargne fluctuent en fonction de ceux des banques centrales, de sorte que le niveau de rendement n’est pas toujours prévisible. Par ailleurs, en détenant une part importante de leurs actifs sous forme de liquidités, les investisseurs sont plus vulnérables à une hausse future de l’inflation. Les taux d’intérêt de nombreux comptes épargne dans la zone euro demeurent inférieurs à l’inflation, malgré le recul de cette dernière, ce qui signifie que les épargnants perdent de l’argent en termes réels. Si les liquidités peuvent s’avérer adéquates pour l’épargne à court terme et la constitution de fonds d’urgence, les marchés financiers demeureront sans doute incontournables pour accroître la richesse au fil du temps.
Le dilemme est encore plus complexe en ce qui concerne les obligations en raison de l’inversion de plusieurs courbes de rendements (les rendements étant plus élevés pour les échéances à court terme que pour les échéances à long terme). Les rendements des obligations de référence à 10 ans émises par le gouvernement allemand ont oscillé autour de 2,5% pendant la majeure partie de l’année 2023, offrant un rendement négatif net de l’inflation dans la zone euro.
Modification des calculs pour les valeurs technologiques
Les nouvelles conditions ont également modifié le paysage sur les marchés actions. L’environnement de taux d’intérêt bas a été porteur pour les entreprises capables de prévoir une forte croissance à très long terme. Cela s’est en particulier vérifié au niveau des performances du secteur technologique, les plus grands groupes américains de technologie grand public ayant largement surperformé tous les autres domaines d’investissement pendant la majeure partie de la décennie écoulée.
La hausse des taux d’intérêt modifie les modalités de calcul pour ces entreprises. Si les taux d’intérêt sont plus élevés, la valeur de ces flux de trésorerie futurs pourrait diminuer. Les entreprises affichant des flux de trésorerie à court terme et des attentes en matière de dividendes élevés devraient être plus prisées par les investisseurs, une évolution déjà constatée au niveau de la performance des actions de valeur par rapport aux titres de croissance à court terme. L’indice MSCI Europe Value a progressé de 6,1% au cours des 12 mois jusqu’à novembre 2023, contre 5,4% pour l’indice MSCI Europe élargi.
Dans un contexte d’inflation plus élevée, les entreprises doivent faire face à une hausse de leurs coûts, notamment en ce qui concerne les salaires du personnel, les installations et équipements industriels, les bâtiments et les services. Pour maintenir leur rentabilité, elles doivent être en mesure de répercuter ces coûts sur leurs clients. Un produit unique, une part de marché dominante ou la présence sur un marché disposant de barrières à l’entrée élevées peuvent conférer un meilleur pouvoir de fixation des prix. Les entreprises qui vendent des produits indifférenciés sur des marchés concurrentiels sont plus exposées aux difficultés.
L’importance de bilans solides et d’un faible niveau d’endettement devrait également s’accroître si les taux d’intérêt et l’inflation demeurent plus élevés que ces dernières années.
L’impact de l’endettement des entreprises
L’importance de bilans solides et d’un faible niveau d’endettement devrait également s’accroître si les taux d’intérêt et l’inflation demeurent plus élevés que ces dernières années. La dette est devenue plus chère, risquant d’affecter la rentabilité des entreprises et de les rendre plus vulnérables à la volatilité des marchés. En revanche, les entreprises affichant un bilan solide disposent d’un éventail d’options plus large: elles peuvent acquérir des concurrents plus faibles, baisser leurs prix pour préserver leur part de marché ou investir pour renforcer leur offre de produits ou étendre leurs marchés.
Les dividendes pourraient également prendre de la valeur, même si cela semble contre-intuitif dès lors qu’en 2023, le rendement des dividendes est devenu inférieur au rendement des obligations d’État pour la première fois depuis plus d’une décennie. Toutefois, contrairement aux revenus des obligations, les dividendes peuvent augmenter au fil du temps. Un revenu de dividendes plus élevé permet de préserver la valeur après inflation d’un investissement.
Un nouveau climat d’investissement a émergé, dans lequel il est devenu plus aisé de dégager un revenu à partir d’actifs moins risqués tels que les obligations et les liquidités. Il s’avérera probablement plus problématique pour les entreprises à croissance rapide qui génèrent l’essentiel de leur valeur dans l’avenir, tandis que celles qui offrent des dividendes fiables et disposent de bilans solides et d’un faible niveau d’endettement ont plus de chances d’obtenir les faveurs des investisseurs. Si vous ne l’avez pas encore fait, il est temps de penser à analyser vos portefeuilles d’investissement pour évaluer l’impact de cette évolution, pour le meilleur ou pour le pire. L’aide d’un expert est fortement recommandée à cet égard.
Si les taux d’inflation diminuent en réaction au resserrement monétaire, de nombreux économistes pensent qu’ils demeureront structurellement plus élevés à l’avenir, et assurément par rapport à la période allant de la crise financière mondiale à 2020.
* N’oubliez jamais que les informations fournies doivent toujours être considérées en fonction de votre situation personnelle et qu’elles peuvent changer en fonction de la législation.