Investir en prévision d’une longue vie

Un bébé né aujourd’hui en Europe ou en Amérique du Nord a plus de chances de vivre jusqu’à 105 ans que de ne pas atteindre cet âge – c’est la conclusion stupéfiante de Lynda Gratton et Andrew Scott, auteurs de «The 100-Year Life». Avec de nouveaux traitements disponibles contre l’obésité et le cancer, l’espérance de vie continue d’augmenter, avec des implications pour la société, mais aussi pour les individus et la manière dont ils gèrent leurs finances.*

Que la durée de vie moyenne dépasse ou non réellement 100 ans d’ici quelques décennies, il ne fait aucun doute que l’Europe est déjà confrontée à un profond changement démographique. Ainsi, la proportion de personnes de plus de 65 ans dans l’UE devrait passer de 21% en 2023 à 29% d’ici 2050. L’espérance de vie à 65 ans dépasse désormais 20 ans, les gens vivant beaucoup plus longtemps qu’ils ne l’ont jamais fait par le passé.

Jusqu’à présent, la majorité des gens ont suivi un modèle financier de base: ils se forment, ils travaillent, et ils prennent leur retraite. Dans un monde où la longévité augmente, ce modèle risque d’être solidement bousculé, d’autant plus que des innovations telles que l’intelligence artificielle menacent de provoquer des changements radicaux sur le lieu de travail.

Goldman Sachs estime que jusqu’à deux tiers des professions aux États-Unis pourraient être exposées à un certain degré d’automatisation par l’IA. Les gens devront être beaucoup plus flexibles dans leur approche du marché de l’emploi et prêter attention aux implications de ce nouveau paradigme pour leurs finances.

Un départ plus tardif à la retraite

Au Luxembourg comme ailleurs, même dans les pays l’ayant déjà reculé, l’âge de la retraite est susceptible d’être repoussé. Alors que les générations précédentes pouvaient espérer vivre entre 10 et 15 ans après avoir cessé de travailler, les retraités d’aujourd’hui passent jusqu’à 30 ans à la retraite. Cette évolution risque fort de s’avérer financièrement insoutenable pour les gouvernements, les entreprises et les individus. Au Royaume-Uni, par exemple, le coût des pensions d’État s’élevait à 112,6 milliards de livres sterling pour l’année financière 2022-23, soit une augmentation de 5,8 milliards de livres par rapport à l’année précédente. En 2023, la France a dépensé 13,4% de son PIB en pensions.

Certains gouvernements ont réussi à différer l’âge de la retraite, ou à coopter les citoyens et les entreprises pour qu’ils fassent des contributions plus importantes aux pensions, mais, d’année en année, le fardeau du paiement des revenus de retraite devient de plus en plus lourd. À moins de revoir complètement nos modèles de société, les individus seront progressivement obligés de devenir financièrement plus autonomes. Non seulement cela impliquera de prendre sa retraite plus tard, d’épargner davantage et de pousser les entreprises à augmenter les contributions des employeurs, mais il faudra de surcroît très vraisemblablement accepter une réduction des revenus de la pension légale.

Avec une retraite de plus en plus tardive, les gens seraient alors confrontés à la perspective épuisante d’une carrière pouvant durer 50 ans ou plus.

Avec une retraite de plus en plus tardive, les gens seraient alors confrontés à la perspective éreintante d’une carrière pouvant durer 50 ans ou plus. La réalité, c’est que le monde du travail est sur le point de changer. Le choix d’une éducation continue, voire d’une pause à mi-carrière pour se former à nouveau et se reconvertir, pourraient devenir plus courant.

Selon cette approche, les employés prendront des pauses de courte durée avant de retourner sur le marché du travail. De plus, beaucoup de gens travailleront d’une manière complètement différente –combinant un emploi à temps partiel avec la gestion de leur propre entreprise, ou en devenant des nomades numériques qui travaillent depuis différents endroits à travers le monde.

Par ailleurs, la retraite est de moins en moins susceptible d’être un événement unique dans le temps. Son financement devenant plus exigeant, les gens pourraient devenir plus sélectifs quant aux carrières qu’ils choisissent et être plus enclins à travailler plus longtemps. Ils pourraient se lancer dans le conseil – par exemple pour leur ancien employeur où ils travaillaient jusque-là à temps plein – ou créer tardivement des entreprises «silver starter», lorsqu’ils ont les réserves financières, le focus et l’expérience nécessaires pour réussir.

Epargne à long terme

Ces changements dans les modes de travail et les perspectives de retraite affecteront la manière dont vous allez investir tout au long de votre vie. En particulier, il pourrait devenir plus important de constituer des économies suffisantes et/ou de développer des sources de revenus alternatives pour soutenir les périodes pendant lesquelles vous pourriez gagner moins, avoir besoin de vous reconvertir, ou même profiter d’une brève retraite temporaire du monde du travail. Votre épargne et vos investissements pourraient devoir être plus flexibles.

La protection contre l’inflation constituera également un enjeu accru. Si vous investissez sur une période plus longue, l’impact de l’inflation peut être significatif. Sur 10 ans, la valeur réelle de 20.000€ d’économies chuterait à 16.400€, en supposant un taux d’inflation de 2%, l’objectif de la Banque centrale européenne, et à 12.190€ sur 25 ans. En d’autres termes, là où un investisseur pourrait être tout juste capable de faire face pendant 10 ans avec des économies de retraite ne suivant pas le rythme de l’inflation, une période de 30 ans signifierait un changement drastique de niveau de vie.

Cette réalité incitera probablement de nombreuses personnes à investir davantage d’argent sur les marchés, et cela pendant plus longtemps afin d’exploiter le potentiel de croissance supplémentaire qu’ils offrent. Les hypothèses de marché à long terme de JPMorgan prévoient que, à long terme, le rendement des liquidités ajusté à l’inflation se situe entre 2% et 3%, tandis que les rendements des investissements en actions au niveau mondial se situent entre 7% et 8%.

La santé financière est également liée à la santé physique. Peu de choses érodent plus rapidement le patrimoine familial que les frais de maison de retraite.

La santé financière est également liée à la santé physique. Peu de choses érodent plus rapidement le patrimoine familial que les frais de maison de retraite. Le Luxembourg a le coût moyen quotidien le plus élevé pour les soins résidentiels en Europe à 305€ par jour, contre 240€ en Suisse et 110€ en France – l’Espagne offre l’option la moins chère avec une moyenne de 55€ par jour. Le coût potentiel des soins dans les dernières années de vie doit également être pris en compte dans la planification financière.

Des choix d’investissement complexes

Lorsqu’ils investissent pour une vie plus longue, les investisseurs doivent certes faire preuve de discernement, mais ils doivent aussi se méfier de l’excès de prudence. Ils ont besoin que leur argent croisse autant que possible, et ils doivent intégrer le fait qu’ils disposent de beaucoup de temps pour surmonter les épisodes de volatilité du marché boursier. C’est un atout qui devrait leur permettre d’au moins envisager, en plus des placements de base dans les actions classiques, d’investir dans des secteurs à plus forte volatilité et offrant des opportunités de croissance plus importante. Des secteurs tels que la technologie, les petites entreprises ou les marchés émergents.

L’allongement de la durée de vie offre également des opportunités d’investissement. Les gens sont habitués à se couvrir contre les risques de change ou d’autres risques, mais investir dans des secteurs tels que les soins de santé peut constituer une protection contre la longévité. Les dépenses de santé continueront d’augmenter dans le monde entier à mesure que les populations vieillissent. L’OCDE souligne que si les gens vivent plus longtemps, leur vie n’est pas forcément plus saine: plus de la moitié de la vingtaine d’années qu’ils sont susceptibles de vivre au-delà de 65 ans sera en moyenne affectée par des maladies chroniques et des handicaps.

Les entreprises de services financiers ne manqueront pas de saisir l’opportunité de fournir des solutions adaptées pour aider les personnes cherchant à épargner davantage pour subvenir à leurs besoins à un âge avancé. Pour ceux qui prennent leur retraite en bonne santé, il existe également un marché en plein essor dans les activités de loisirs adaptées aux personnes plus âgées – les voyages de luxe, par exemple.

L’augmentation de la durée de vie est une bonne nouvelle, mais elle a des implications en matière d’investissement et de gestion patrimoniale. Cet allongement perturbera les modèles traditionnels de vie professionnelle et de revenus, et les investisseurs devront intégrer une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs finances. Cependant, les principes d’investissement les plus importants ne changeront pas: commencez tôt, investissez autant que vous le pouvez, ne succombez pas à l’excès de prudence et soyez attentif à l’inflation. De cette façon, vous pourrez profiter de votre vie sans stress financier, y compris au-delà de 100 ans si la chose se produit.

*Contenu traduit de l’anglais par l’outil d’IA BIL GPT