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22 novembre 2024

Les voitures anciennes, une passion rentable?

Les rassemblements de voitures anciennes sont parfois appelés « Concours d’élégance ». Un terme bien mérité pour ces bijoux de design et d’ingénierie, les innovations de l’automobile moderne suscitant rarement la même passion. Mais outre le plaisir indéniable qu’elles procurent en les admirant, en les conduisant ou en étant vu à leur volant, les voitures anciennes peuvent-elles faire gagner de l’argent aux investisseurs?

Les véhicules vedettes, à l’histoire palpitante, font parfois grimper les enchères à des niveaux impressionnants. En juillet 2018, par exemple, l’Aston Martin DB5 conduite par Pierce Brosnan dans Goldeneye, film de la franchise James Bond sorti en 1995, s’est arrachée aux enchères pour deux millions GBP dans le cadre du Festival of Speed de Goodwood en Angleterre, alors qu’elle avait été estimée entre 1,2 et 1,6 million GBP.

C’est bien moins que les 48 millions USD payés la même année pour une Ferrari 250 GTO de 1962, un record lui-même effacé en 2022 par un collectionneur qui a déboursé 135 millions EUR pour s’offrir une Mercedes-Benz 300 SLR Uhlenhaut Coupé de 1955.

« Je n’ai pas trouvé la voiture de sport de mes rêves, alors je l’ai construite » – Ferdinand Porsche

Un marché fluctuant

Le marché des voitures anciennes a connu une décennie en or jusqu’en 2017. D’après le consultant international en immobilier Knight Frank, la valeur des voitures anciennes a bondi de 469% sur les 10 années qui ont pris fin en février 2016. Le marché a toutefois fluctué depuis cette date et la pandémie de COVID-19 a notamment fait stagner ou reculer les prix de la plupart des catégories de voitures de collection selon Hagerty Group, fournisseur de données sur les voitures de luxe au Royaume-Uni. Le cabinet Knight Frank indique néanmoins que les prix ont augmenté de 185% sur la décennie qui s’est achevée début 2023.

En 2022, l’indice Gold mis en place par Hagerty, qui comprend des voitures telles que la Ferrari F40 et la Mercedes-Benz 300SL Gullwing, a vu sa valeur grimper en flèche. La société précise toutefois que les indices qui suivent les prix des Porsche ont à peine bougé au cours des cinq années écoulées depuis février 2018, l’indice Ferrari baissant quant à lui de 5% sur la même période.

Les fluctuations du marché s’expliquent de multiples façons. Au-delà de l’impact des pics et des creux économiques, et de l’attrait relatif que peuvent exercer d’autres types d’investissement tels que les marchés boursiers et obligataires, ainsi que, plus récemment, les crypto-monnaies, les experts affirment que les taux de change peuvent avoir une influence non négligeable sur la fixation des prix, en particulier dans les segments les plus haut de gamme.

Une fiscalité allégée

Abstraction faite des aléas du marché, des arguments irréfutables plaident en faveur de l’achat de voitures anciennes plutôt que neuves. Dans la mesure où toutes les voitures neuves (à l’exception d’une poignée de modèles déjà chers, rares et très recherchés) se déprécient rapidement, une personne qui s’apprête à dépenser de grosses sommes pourrait privilégier un véhicule ancien, plus à même de conserver sa valeur.

Il pourrait même être exonéré de certaines taxes sur les véhicules. Au Luxembourg, la législation sur les véhicules anciens entrée en vigueur en 2016 prévoit une diminution significative de la taxe de circulation pour les véhicules ayant le statut de véhicule historique. Le véhicule doit avoir au moins 30 ans, être en bon état de marche, présenter l’aspect qu’il aurait eu au moment de sa fabrication et être certifié par un expert de l’autorité de transport routier, la SNCA.

Les voitures anciennes peuvent également bénéficier d’un traitement plus avantageux au regard de l’impôt sur le capital. Au Royaume-Uni, aucun impôt sur les plus-values n’est exigible sur les bénéfices de la vente d’une voiture ancienne. Quel que soit le type, les voitures sont réputées être un « actif défectible » d’une durée de vie utile inférieure à 50 ans, même si elles sont encore en parfait état.

Maintenance et réparations

Ce marché ne s’adresse toutefois pas aux novices et aux acheteurs désargentés. La possession d’une voiture ancienne n’est pas comparable à la détention d’une nouvelle voiture: le garage « du coin » ne pourra pas intervenir pour chaque réparation et les coûts de fonctionnement et de maintenance peuvent être considérables.

Même pour les propriétaires qui se considèrent compétents pour effectuer les réparations, les voitures anciennes nécessitent souvent des compétences techniques spécialisées. De plus, il y a de grandes chances qu’elles consomment beaucoup plus de carburant que les voitures modernes; il s’agit de véhicules « d’exposition », faits pour être présentés au public, mais beaucoup moins pratiques pour les trajets quotidiens.

De nombreux acquéreurs de voitures anciennes achètent des véhicules aux enchères ou écument les magazines spécialisés à la recherche de joyaux méconnus. Pour commencer, il est nécessaire d’établir un budget précis, qui devra inclure le coût de l’assurance et des taxes pour la voiture, les frais de vente aux enchères le cas échéant, et la livraison à domicile.

La « provenance » est un élément crucial selon les experts. Presque toutes les voitures anciennes ont subi des réparations – parfois d’envergure – à un moment ou à un autre, et les acheteurs voudront obtenir des garanties quant à l’exécution de ces réparations dans les règles de l’art. Un historique de propriété et de maintenance long constitue la meilleure protection.

Des fonds investis en voitures anciennes

Bernie Ecclestone, le milliardaire et ancien propriétaire de la franchise de courses Formule 1, qui a débuté comme vendeur de voitures d’occasion à Londres, est un fervent collectionneur de voitures anciennes. Son conseil aux personnes qui souhaitent gagner de l’argent avec ce type de véhicule est simple: « Achetez bon marché ». Pourtant, M. Ecclestone est connu pour sa capacité à s’emballer s’il trouve la perle rare. Il a déboursé 4,1 millions EUR pour s’offrir la McLaren 1993 d’Ayrton Senna. Par ailleurs, la restauration des voitures anciennes étant lente et onéreuse, payer le prix de la qualité peut s’avérer un conseil plus avisé pour un nouvel investisseur.

Le conseil de l’ancien patron de la Formule 1, Bernie Ecclestone, pour gagner de l’argent avec les voitures anciennes est simple: « Achetez bon marché ».

À l’image d’autres objets de collection comme le vin, les montres et l’art, et compte tenu du prix élevé de chaque actif, des fonds d’investissement ont été créés afin de mettre en commun l’argent des investisseurs dans le but d’investir dans ces véhicules. Le gérant d’actifs suisse Hetica Capital a lancé en 2021 un fonds luxembourgeois à capital fixe de 50 millions EUR, qui vise des rendements compris entre 9% et 15% après sept années. En 2023, le gérant d’actifs spécialisé italien Azimut Investments prévoit de lancer ce qui sera, selon lui, le premier fonds evergreen au monde, également domicilié au Grand-Duché, ciblant les véhicules de collection et investissant dans des automobiles valant au moins 1 million d’euros.

Les analystes estiment toutefois que les fonds de voitures de collection ont connu des résultats mitigés. Si les gérants mettent en avant leur expertise en matière d’achat et de vente de voitures anciennes, ils prélèvent souvent des frais de gestion annuels élevés, et l’investissement minimum dans chacun de ces fonds s’élève à 125.000 EUR. Dietrich Hatlapa, fondateur de la société de recherche sur les voitures de collection HAGI, qui fournit des données sur le secteur à Knight Frank, est sceptique: « Plus d’une centaine de projets de création de fonds ont déjà été envisagés. Personne n’a réussi à constituer à la fois une base diversifiée d’investisseurs et un portefeuille diversifié de voitures. »

Par ailleurs, il manque aux fonds d’investissement deux éléments essentiels, qui font tout le plaisir de la détention d’une voiture ancienne: la possibilité de la contempler et de la conduire. Bien que certains fonds permettent d’admirer, voire même de conduire occasionnellement les véhicules, cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir sa voiture dans le garage, prête à sortir pour faire un tour en ville.

Ce marché ne s’adresse toutefois pas aux novices et aux acheteurs désargentés – le garage « du coin » ne pourra pas intervenir pour chaque réparation et les coûts de fonctionnement et de maintenance peuvent être considérables.