Parole d’expert : « pas de pause estivale »
De nombreux événements méritant des commentaires ont parsemé le mois de juillet. De manière incontestable, les marchés sont restés suspendus à l’activité des banques centrales. Durant la majeure partie du mois, les investisseurs ont tenté de deviner dans quelle mesure les grandes banques centrales donneraient suite aux déclarations conciliantes du mois de juin. La BCE a évoqué la possibilité d’un assouplissement accru et la Fed a réduit ses taux de 25 points de base, tout en renonçant aux mesures de resserrement quantitatif. Fredrik Skoglund, CIO à la BIL, et son équipe reviennent sur les événements marquants de juillet 2019 et leurs implications pour les investisseurs.
En début de mois, les actifs risqués ont accueilli favorablement la nomination de Christine Lagarde comme successeur de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne, à compter du 1er novembre. Les différents acteurs considèrent que Mme Lagarde perpétuera le positionnement conciliant adopté par son prédécesseur.
De l’autre côté de l’Atlantique, les marchés d’actions ont fluctué au gré des messages contradictoires de la Réserve fédérale (Fed). Plus tôt dans le mois, le témoignage accommodant de M. Powell devant le Congrès a poussé le S&P 500 au-dessus de la barre des 3.000 points pour la première fois de son histoire. Les propos de M. Powell ont dissipé les craintes d’annulation d’une baisse des taux très attendue dans le sillage de la publication de données sur l’emploi plus robustes que prévu aux États-Unis (selon le ministère du Travail, le secteur non agricole a créé 224.000 emplois nets en juin, dépassant largement des prévisions qui tablaient sur un chiffre de 160.000). Ni ces données (qui peuvent s’avérer volatiles), ni la croissance robuste de 2,1 % du PIB au deuxième trimestre n’ont suffi à éclipser l’incertitude économique mondiale et le recul des PMI manufacturiers qui assombrissent les perspectives. Plus tard dans le mois, le vice-président de la Fed, Richard Clarida, a confirmé son ton conciliant, déclarant que la situation économique était satisfaisante mais qu’il « n’était pas question d’attendre » que les données se dégradent pour agir. Peu de temps après, John Williams, président de la Fed de New York, a renchéri : « Lorsque les outils de relance dont vous disposez sont limités, il convient d’agir rapidement et d’abaisser les taux dès les premiers signes de difficultés économiques », s’appuyant sur une comparaison avec la vaccination des enfants contre les maladies.
« Lorsque les outils de relance dont vous disposez sont limités, il convient d’agir rapidement et d’abaisser les taux dès les premiers signes de difficultés économiques »
Ce ton conciliant a incité les marchés à parier rapidement sur une baisse des taux d’intérêt de 50 points de base (pb) lors de la réunion de la Fed au mois de juillet, plutôt que sur une baisse plus modeste de 25 pb. Dans un geste rare, la Réserve fédérale de New York a ensuite pris la parole pour clarifier les commentaires de M. Williams, affirmant qu’ils ne concernaient pas les intentions de la Fed pour sa réunion de juillet. Donald Trump n’a pas manqué d’intervenir en se faisant l’écho des paroles de John Williams sur son compte Twitter.
Cette attitude a suscité les critiques d’analystes estimant que la communication de la Fed était brouillée, « trop de cuisiniers gâtant la sauce ».
Finalement, la réunion des 30 et 31 juillet a donné lieu à une réduction de 25 points de base. La Fed a également décidé de mettre fin à la normalisation de son bilan en août, soit deux mois plus tôt que prévu. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, le président Jerome Powell a mentionné trois raisons justifiant cette décision : l’affaiblissement de l’économie mondiale, l’incertitude liée au commerce et la modération des pressions inflationnistes. Si M. Powell a présenté cette décision comme un ajustement de milieu de cycle plutôt que comme le début d’un long cycle d’assouplissement, il n’exclut pas une autre baisse (« je n’ai pas dit que nous nous limiterions à une seule baisse des taux »). Le marché a interprété le discours de Jerome Powell comme un message de fermeté, avec une réaction brève mais violente, notamment sur la partie courte de la courbe des taux.
La saison des résultats, qui bat son plein, a orienté le marché des actions. Alors que près de la moitié des entreprises du S&P 500 ont communiqué leurs résultats au moment de la rédaction du présent rapport, 77 % d’entre elles ont annoncé une surprise positive au niveau des bénéfices et 61 % au niveau du chiffre d’affaires.
À l’Est, la Chine a ouvert son « Shanghai Star Market », censé être la réponse de l’Asie au NASDAQ. Cette avancée a été perçue comme un effort supplémentaire de Pékin pour encourager la déréglementation et favoriser un financement plus direct. L’inauguration de ce nouveau marché boursier semble obéir à un calendrier parfait, alors que les licornes chinoises cherchaient d’autres lieux de cotation que Wall Street par crainte d’une nouvelle escalade dans le conflit commercial. Les fonds ont afflué sur le « Star Market », mais surtout au détriment d’autres bourses nationales, les indices Hang Seng et Shanghai Composite chutant tous deux de plus de 1 % le premier jour. Certains acteurs craignent que les gains initiaux n’aient été trop élevés. Au sein de cette nouvelle bourse, les autorités ont tenté de freiner les comportements hautement spéculatifs en limitant les transactions aux investisseurs disposant de deux ans d’expérience de trading et d’au moins 74.000 dollars.
La menace réglementaire qui plane sur les géants de la technologie s’est accentuée en juillet, lorsque les ministres des Finances du G7 se sont réunis à Chantilly (France). Ces derniers estiment en effet que des règles fiscales internationales vieilles de plusieurs décennies ne sont pas appropriées pour des entreprises comme Facebook et Apple, qui peuvent aisément comptabiliser leurs bénéfices dans des pays à faible fiscalité. L’apparition de monnaies numériques telles que le prototype « Libra » de Facebook a également fait l’objet de débats approfondis, alors qu’une certaine répression semble inévitable.
Le Brexit est revenu sur le devant de la scène, comme un risque clé menaçant les perspectives. Avec Boris Johnson à la barre, un Brexit sans accord semble encore plus probable.
Le Brexit est revenu sur le devant de la scène, comme un risque clé menaçant les perspectives. Avec Boris Johnson à la barre, un Brexit sans accord semble encore plus probable. Le nouveau premier ministre a entamé son mandat en s’engageant à mettre en place, coûte que coûte, le Brexit avant la date limite du 31 octobre. Par la suite, Michael Gove, le ministre responsable de la planification d’un Brexit sans accord, a déclaré que ce cas de figure constituait désormais l’hypothèse de travail du gouvernement. La livre sterling s’est fortement dépréciée. Vers la fin du mois, elle a chuté en dessous du seuil psychologique important de 0,91 EUR/GBP. Nous ne faisons pas de paris directionnels sur la devise.