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29 mars 2024

Argent : gare aux faux prophètes !

À l’ère de l’immédiateté et de la communication globalisée, nombreux sont les experts autoproclamés qui prétendent détenir la recette miracle pour bien gérer vos finances et vos investissements. Que faut-il en penser et comment évaluer vos propres compétences en la matière ? C’est la question à laquelle nous allons essayer de répondre.

Lorsqu’on s’intéresse à un nouveau sujet, on emmagasine rapidement beaucoup d’informations, ce qui nous conduit généralement à surestimer très largement nos connaissances réelles. Cet excès de confiance nous fait alors courir le risque de manquer de prudence dans l’évaluation des informations disponibles ainsi que dans nos décisions, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques lorsque cela touche à nos finances.

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Il est déjà arrivé à une personne sur trois de ne pas reconnaître une fausse information et de la considérer comme véridique. Telle est la conclusion d’une enquête en ligne menée auprès de 4.000 participants de plus de 18 ans par le groupe de réflexion allemand « Stiftung Neue Verantwortung » en 2021. Les fake news sont donc un problème bien réel, même dans les démocraties aux normes éducatives élevées.

Pour reprendre les mots de Charles Darwin : « L’ignorance engendre la confiance en soi plus fréquemment que ne le fait la connaissance ». Il est aisé de se croire savant lorsqu’on ne sait pas qu’on ne sait pas. Cette thèse est à l’origine des travaux publiés par David Dunning et Justin Kruger en 1999. Les deux psychologues américains étaient arrivés, dans le cadre d’études précédentes, à la même conclusion que Charles Darwin en son temps. Pour étayer leur hypothèse, ils ont demandé à des étudiants de l’Université Cornell de New York d’évaluer leurs propres compétences en matière de raisonnement logique ou encore de grammaire.

Les ignorants se surestiment

Résultat : les étudiants qui s’estimaient très compétents n’ont guère brillé à l’examen suivant, alors que ceux qui se sous-estimaient ont fait beaucoup mieux que prévu. Dunning et Kruger ont ensuite formulé quatre niveaux de perception de soi, qu’ils mettent également en relation avec le quotient intellectuel et l’autoréflexion.

    • Les plus incompétents se surestiment souvent.
    • Ils n’ont pas conscience de la limite de leurs connaissances.
    • En raison de leur ignorance, ils ne développent pas leurs compétences.
    • Ce faisant, ils sous-estiment les capacités supérieures des autres.

Ignorance et incompétence peuvent par ailleurs former un mélange dangereux. L’un des exemples les plus connus – et loufoques – est celui de McArthur Wheeler, un Américain qui avait braqué deux banques l’une après l’autre à Pittsburgh en 1995. L’homme avait été identifié le jour même grâce aux enregistrements des caméras de surveillance puisqu’il ne portait pas de masque, à la grande surprise de la police.

Il est aisé de se croire savant lorsqu’on ne sait pas qu’on ne sait pas.

Lors de son arrestation, McArthur Wheeler parut tout à fait étonné, et pour cause : il s’était aspergé le visage de jus de citron avant le braquage et était donc persuadé qu’on ne pourrait pas le reconnaître sur les enregistrements. Après tout, ce jus n’est-il pas aussi utilisé comme encre invisible ? Incroyable mais vrai !

Fake news et bullshitters

Dans notre société hyper connectée, n’importe qui peut ouvrir un compte sur un réseau social et tenir un discours contredisant directement celui d’un véritable expert. Or, si on suit la logique de Dunning et Kruger, le plus compétent n’est pas forcément celui qui communique le plus et le mieux ou qui a le plus de « followers ». Ce phénomène est devenu particulièrement visible pendant la pandémie.

Des chercheurs ont démontré que, dans notre monde hyper connecté et saturé en informations, les fausses informations à première vue plausibles circulent six fois plus vite et sont davantage partagées et repartagées que les faits avérés. Avant même qu’un démenti puisse faire son chemin, une infox sera reprise par des millions de personnes et profondément ancrée dans le réseau, si bien que le doute ainsi instillé aura tendance à perdurer et à résonner dans la société. C’est la fameuse loi de Brandolini, aussi connue sous le nom de principe d’asymétrie du bullshit, selon laquelle « la quantité d’énergie nécessaire à réfuter des inepties est supérieure à celle qu’il faut pour les produire ». Les fabulateurs et autres complotistes ont donc la vie plus facile que ceux qui entendent convaincre par des faits et de véritables arguments.

À cela s’ajoute le fait que les « bullshitters » diffèrent des menteurs. Il convient bien entendu de garder un œil sur les deux, mais le menteur connaît la vérité et en éloigne les autres, alors que le bullshitter ne la connaît pas ou s’en moque, étant surtout intéressé par le fait d’imposer sa vérité et d’en tirer des avantages.

Discrétion et connaissances

Revenons maintenant aux questions financières. Lorsque vous cherchez des renseignements en vue d’investir, retenez qu’ici aussi, ceux qui font le plus de bruit ne sont pas nécessairement les plus compétents. Méfiez-vous des bonimenteurs et des gourous de l’investissement qui prolifèrent sur Internet.

Les véritables experts sont généralement humbles et discrets.

Les véritables experts sont généralement plus humbles et plus discrets. Ils ne cherchent pas forcément à partager leurs idées d’investissement avec le plus grand nombre. Si vous vous intéressez à des domaines d’investissement très spécifiques, mieux vaut donc faire appel à un expert financier qui vous aidera à faire la différence entre une fausse information, une rumeur et une bonne stratégie d’investissement.

Si vous décidez malgré tout de vous lancer seul dans l’aventure et de faire vos propres recherches, gardez en tête un principe majeur : ne pas zapper la lecture de la partie méthodologique d’un papier scientifique ou d’un prospectus financier. Et, surtout, reconnaître les limites de ses propres compétences.

Le véritable problème ne tient pas à un manque de compétence dans un domaine particulier, mais à notre incapacité à reconnaître où s’arrêtent nos connaissances. Face à ce constat, l’humilité sera toujours votre meilleure alliée pour prendre les bonnes décisions d’investissement et déterminer si l’aide d’un spécialiste est nécessaire.