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20 avril 2024

Comment l’investissement d’impact gagne en popularité

L’investissement d’impact est un segment encore relativement restreint qui connaît actuellement une croissance fulgurante. C’est l’investissement responsable par excellence. Plutôt que d’orienter un portefeuille vers le fournisseur d’énergie le moins critiquable ou le cigarettier géré le plus équitablement, les fonds à impact investissent uniquement dans des entreprises ou des projets qui ont un impact tangible et mesurable dans des domaines importants pour la société et/ou l’environnement, que ce soit en termes d’émissions de carbone, d’amélioration de la biodiversité, d’approvisionnement en eau potable ou de création d’emplois durables.

Les investissements responsables peuvent revêtir des formes bien différentes. Leur impact est donc difficile à cerner. En investissant dans une entreprise d’énergie propre, l’investisseur espère contribuer à réduire les émissions de carbone, mais il n’en a pas de preuve absolue. Si un gestionnaire d’investissement peut entamer un dialogue avec la direction d’une entreprise dont les activités ont des conséquences néfastes pour le climat ou l’environnement dans l’espoir de modifier son comportement, il faut souvent non pas des mois, mais bien des dizaines d’années pour mesurer les progrès réalisés. L’investissement d’impact est différent en ce qu’il permet à l’investisseur d’évaluer l’impact social ou environnemental aussi distinctement que le rendement financier.

Ces dernières années, l’investissement d’impact a gagné en importance et en influence au sein du secteur de l’investissement responsable. En 2022, le Global Impact Investing Network (GIIN) a estimé que plus de 3.300 organisations géraient 1.164 milliards USD d’investissements d’impact.

Du SFDR aux Objectifs de développement durable

Depuis lors, l’Union européenne a introduit son système de classification des fonds à finalité durable au travers de l’article 9 du Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR), qui englobe les fonds à impact.

Les stratégies d’investissement d’impact sont souvent axées sur les 17 Objectifs de développement durable des Nations unies.

Les stratégies d’investissement d’impact sont souvent axées sur les 17 Objectifs de développement durable des Nations unies. Créé en 2015, le cadre onusien pour les bonnes pratiques sociales et environnementales couvre des domaines tels que l’éradication de la pauvreté et de la faim, la santé et le bien-être, l’éducation, l’égalité des sexes, l’eau propre et l’assainissement, l’énergie propre et abordable, le travail décent… Il fournit également une structure permettant de mesurer et de rendre compte des progrès accomplis, et de demander des comptes aux entreprises.

Les investisseurs sont de plus en plus conscients qu’ils peuvent faire une réelle différence en utilisant leur argent de telle ou telle façon. D’où leur intérêt croissant pour le secteur de l’investissement durable dans son ensemble. De leur côté, les acteurs de la gestion d’investissements ont développé une vaste gamme de nouveaux produits.

Pour les investisseurs, cette multiplication de l’offre peut être déconcertante, car il faut pouvoir s’y retrouver à travers une myriade d’approches d’investissement durable et leur terminologie complexe. Gare aussi aux pratiques d’écoblanchiment (greenwashing), qui consistent à présenter un fonds comme durable en exagérant l’impact social ou environnemental de ses investissements.

Les investissements d’impact imposent-ils un sacrifice financier ?

Dans ce contexte, l’investissement d’impact est un concept plus facile à appréhender pour de nombreux investisseurs. Avec d’autres types d’investissement responsable, ils peuvent encore se retrouver avec des participations liées à l’extraction, la transformation ou la consommation de combustibles fossiles, ou à l’industrie de l’armement, et se demander si elles correspondent vraiment à leurs valeurs. L’investissement d’impact leur permet en revanche de déterminer les objectifs qui sont importants à leurs yeux (réduction des émissions de carbone, salaires plus justes ou préservation des habitats, par exemple).

Mais beaucoup se demandent encore s’ils doivent sacrifier les rendements financiers pour s’assurer que leurs investissements ont un impact positif sur le monde qui les entoure. Ces derniers mois, le débat a été brouillé par la guerre en Ukraine et l’impact des sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie. Les entreprises de combustibles fossiles ont ainsi été les premiers bénéficiaires de la flambée des prix du pétrole et du gaz. Les fournisseurs d’énergie alternative en ont profité également, notamment ceux qui peuvent demander des prix plus élevés pour la production d’électricité renouvelable, mais pas dans la même mesure.

De nombreux investisseurs se demandent encore s’ils doivent sacrifier les rendements financiers pour s’assurer que leurs investissements ont un impact positif sur le monde qui les entoure. (…) Les données actuelles suggèrent qu’aucun compromis n’est nécessaire.

L’investissement d’impact est un concept relativement neuf, surtout à l’échelle actuelle, et il peut être complexe d’en évaluer les performances. Cela dit, les données actuelles suggèrent qu’aucun compromis n’est nécessaire. Un rapport du GIIN, Evidence on the Financial Performance of Impact Investments, a examiné diverses études analytiques sur l’investissement d’impact, dont voici les conclusions : « Il est possible pour les investisseurs d’impact de dégager des rendements comparables à ceux du marché.

Dans toute une série de stratégies et de classes d’actifs, les fonds du premier quartile qui ciblent des rendements au taux du marché font aussi bien que leurs pairs conventionnels. Dans de nombreux cas, les performances médianes sont très similaires également. Toutefois, comme sur les marchés traditionnels, les performances varient d’un fonds à l’autre, et la sélection des gestionnaires est donc essentielle pour obtenir des performances solides. Le spectre des rendements des fonds à impact est généralement similaire à celui des fonds conventionnels. »

Augmenter le coût du financement du carbone

Il est clair que les investisseurs à impact sont susceptibles d’être exposés à diverses tendances structurelles à long terme, notamment les pressions plus ou moins fortes qui s’exercent au niveau mondial en faveur de la réduction des émissions de carbone, et bien souvent soutenues par des mesures gouvernementales visant à encourager la transition vers le zéro carbone.

L’Union européenne a déjà pris des engagements importants avec l’initiative RepowerEU et le Green Deal européen, tandis que la loi américaine de 2022 sur la réduction de l’inflation (1.200 milliards USD) prévoyait d’allouer quelque 370 milliards USD à des domaines tels que les infrastructures vertes, l’efficacité énergétique, la biodiversité et les transports décarbonés.

Dans le même temps, les investisseurs obligataires et les banques font de plus en plus la distinction entre les entreprises durables et celles confrontées à des défis à long terme en raison de leur impact environnemental ou social. Il est de toute évidence devenu plus difficile et plus coûteux d’emprunter de l’argent pour les entreprises qui ne prennent pas en compte les risques en matière de durabilité, ce qui pourrait à terme compromettre l’exercice même de leurs activités. Leur performance boursière à long terme risque d’en être affectée également, du moins pour ce qui est des entreprises cotées.

Disponibilité des données, le grand défi

L’investissement d’impact doit encore relever un certain nombre de défis. La transparence des données reste imparfaite, et il n’est pas toujours facile pour les investisseurs d’impact d’obtenir les informations dont ils ont besoin. Si la plupart des entreprises compilent des données fiables sur les émissions de gaz à effet de serre, elles sont nettement moins nombreuses à publier des informations sur leur impact en matière de biodiversité ou sur les risques que leurs activités font peser sur la potabilité de l’eau. Certains domaines sont plus faciles à évaluer que d’autres – alors que les émissions de carbone peuvent être aisément mesurées, l’impact social, en matière de droits du travail par exemple, est généralement plus difficile à quantifier.

Les pratiques s’améliorent néanmoins. La directive européenne relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) fournit un cadre à cet égard, et les investisseurs d’impact font eux-mêmes pression sur les entreprises pour qu’elles fournissent des informations plus nombreuses et de meilleure qualité. Les volumes de données produites sont chaque année plus importants, ce qui facilite les comparaisons et permet de mesurer l’impact avec plus de précision.

Si le secteur de l’investissement d’impact n’en est encore qu’à ses débuts, il devrait gagner en sophistication dans les années à venir. Il a déjà fait vibrer une corde sensible chez bon nombre d’investisseurs, et en attirera probablement d’autres avec l’amélioration du reporting et de l’évaluation, en particulier si aucun compromis ne s’avère nécessaire entre leurs valeurs et le rendement financier. L’investissement d’impact pourrait être l’avenir de l’investissement durable.

L’investissement d’impact est différent des portefeuilles ciblant des entreprises en transition en ce qu’il permet à l’investisseur d’évaluer l’impact social ou environnemental aussi distinctement que le rendement financier.