Investissements: méfiez-vous de ce qui semble trop familier
Outre les nombreux paramètres à considérer, bien investir nécessite de ne pas surestimer ses compétences, connaissances ou sources d’influence. Mais saviez-vous qu’il importe également de se méfier de ce que l’on croit connaître ou maîtriser? À trop investir dans ce qui nous semble familier, il existe un risque majeur de défaut de diversification et donc de concentration des risques.
Ce qu’il faut retenir
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Investir est toujours un processus décisionnel complexe fait de choix stratégiques et d’arbitrages délicats en fonction de votre profil d’investisseur et de vos objectifs de vie. C’est une des raisons pour lesquelles myLIFE vous encourage régulièrement à investir avec l’aide de professionnels si vous ne disposez pas du temps et des compétences pour le faire seul.
À côté de la dimension rationnelle, il y a aussi les émotions qui jouent et l’économie comportementale nous enseigne que celles-ci ne sont pas toujours bonnes conseillères. Surtout lorsqu’elles exercent une telle influence sur notre cerveau qu’elles orientent parfois nos actions à notre insu.
Le biais de familiarité
Dans la vie de tous les jours, nous avons tous nos préférences: chocolat noir plutôt que le chocolat au lait, une marque de vêtements plutôt qu’une autre, une équipe sportive plutôt que son grand rival. Nos préférences résultent d’un savant mélange entre les traits de notre personnalité, notre histoire, nos valeurs et les émotions qu’elles suscitent face aux événements de la vie. En soi, rien de plus normal. Pourtant, il arrive que ces préférences soient si marquées qu’elles nous font ignorer des éléments objectifs qui devraient pourtant influencer nos choix. Par exemple, vous restez fidèle à une marque de smartphone, même si elle n’est pas la plus performante du marché et que son prix a fortement augmenté. Vous continuez à parier sur votre équipe préférée même si ses résultats sont mauvais. À vrai dire, vous n’envisagez pas la question du changement car, quelque part, ces choix habituels vous rassurent et vous confortent dans votre identité.
Derrière la persistance de nos préférences se cache un schéma cognitif bien rodé. Au moment de décider, notre cerveau privilégie ce qu’il connaît, tant parce qu’il se sent rassuré que par souci d’économie d’énergie cognitive. Souvent inconscient, ce schéma nous oriente vers le confort de ce qui est connu plutôt que vers l’inconfort et le risque lié à l’inconnu. Ce confort cognitif a pourtant un coût: une sous-évaluation des éléments négatifs liés à nos choix familiers et la non-considération de nouvelles options potentiellement plus bénéfiques.
Ce phénomène cognitif porte un nom: c’est le biais de familiarité. Il fait référence à notre tendance à privilégier des options familières et à ignorer, consciemment ou non, des alternatives simplement parce qu’elles sont nouvelles ou inconnues.
Le biais de familiarité est la tendance à privilégier des options familières et à ignorer, consciemment ou non, des alternatives simplement parce qu’elles sont nouvelles ou inconnues.
La familiarité en investissement
Spontanément, il peut sembler judicieux de privilégier ce que l’on connaît ou croit connaître. C’est vrai, à condition que cette tendance ne se retourne pas contre nous en nous rendant aveugle à certains risques. Et c’est précisément ce qui est en jeu dans l’investissement. Le biais de familiarité est une force puissante qui peut nous pousser à investir contre nos propres intérêts en privilégiant à l’excès ce que nous pensons connaître. En investissement, ce biais peut se manifester de diverses manières:
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- en privilégiant exclusivement l’achat d’actions d’entreprises locales, nationales ou d’une même zone géographique;
- en investissant seulement dans des entreprises issues d’un secteur qui nous est familier ou dans lequel nous avons de l’expérience;
- en misant uniquement sur des actions d’entreprises ou de marques que l’on connaît.
En limitant la diversification, le biais de familiarité expose les investisseurs à des risques inutiles dont ils n’ont parfois même pas conscience. Par exemple, un geek pourrait avoir spontanément tendance à se constituer un portefeuille au sein duquel le secteur technologique serait sur-représenté. Même s’il diversifiait les zones géographiques, l’histoire a montré qu’il ne serait pas forcément à l’abri d’une bulle spéculative. En effet, dans un monde globalisé où les interconnexions entre secteurs et économies sont nombreuses et complexes, la diversification en investissement est plus difficile qu’il n’y paraît.
Même les marchés bien développés peuvent se caractériser par la prédominance de quelques grandes entreprises dans un indice boursier régional. C’est ce que l’on appelle le risque de concentration. Au dernier trimestre 2023, les dix plus grandes entreprises cotées à l’indice FTSE 100 au Royaume-Uni avoisinaient 45% de la capitalisation boursière totale. Autant dire que la diversification n’y est pas si importante que ce qu’un investisseur non averti pourrait penser.
Le biais de familiarité peut également avoir des conséquences dramatiques lorsqu’on mise tout sur ce que l’on croit connaître le mieux. Ainsi, si la diversification constitue un défi de taille pour les entrepreneurs qui ont tendance à mettre tous leurs avoirs dans leur entreprise, elle ne va pas non plus de soi pour les salariés. Aux Etats-Unis, des millions d’Américains investissent pour leur retraite grâce au plan d’épargne appelé 401(k). Introduits au début des années 1980, les plans 401(k) permettent aux salariés d’y investir directement une partie limitée de leur salaire avant impôts. Cette formule est d’autant plus intéressante que les employeurs versent souvent une partie, voire la totalité de cette contribution.
Le biais de familiarité peut avoir des conséquences dramatiques lorsqu’on mise tout sur ce que l’on croit connaître le mieux.
Si les salariés peuvent choisir parmi une variété d’options d’investissement, généralement des fonds communs de placement, nombreux sont ceux qui optent pour un investissement dans les actions de leur propre compagnie. Cette option leur semble plus simple et elle les rassure dans la mesure où ils ont le sentiment (pas toujours fondé) de bien connaître la solidité de leur entreprise. Mais ce manque de diversification peur avoir des conséquences dramatiques comme l’illustre le cas de Lehman Brothers en 2008. Quand la banque a fait faillite, les employés ont non seulement perdu leur emploi, mais certains ont également perdu toute leur épargne retraite.
Elargir sa concentration à un secteur plutôt qu’une seule entreprise ne met pas l’investisseur à l’abri pour autant. Ceux qui ont tout misé sur l’immobilier aux Etats-Unis et qui ont subi la crise des subprimes sont bien placés pour le savoir. Dans une moindre mesure, ceux qui, bercés par l’illusion que les prix ne pouvaient pas baisser, ont tout misé sur l’immobilier au Luxembourg ont été brusquement rappelés à la réalité en 2022.
Que retenir de tout cela? Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier c’est bien, ne pas tout miser sur des œufs issus du même élevage ou de la même race de poule c’est mieux!
Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, c’est bien. Ne pas tout miser sur des œufs issus de la même race de poules, c’est mieux.
En prenant conscience de l’existence du biais de familiarité et en cherchant activement à se diversifier entre secteurs, classes d’actifs et régions géographiques, les investisseurs peuvent améliorer la résilience de leur portefeuille et son potentiel sur le long terme.
Quelques clés pour combattre le biais de familiarité
Tout le monde est sous l’influence du biais de familiarité. Ne pas en tenir compte en investissement augmente non seulement les risques, mais aussi les chances de passer à côté d’opportunités de croissance dans des secteurs ou marchés qui nous sont moins familiers. Mais comment le combattre? Il existe des outils et des stratégies pour tenter d’éradiquer ce frein à la croissance de votre portefeuille d’investissements. En voici les principaux.
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- Forcez-vous à diversifier votre portefeuille. En diversifiant vos investissements dans différents secteurs, géographies et classes d’actifs, vous réduisez l’impact du biais de familiarité. Même si nous avons vu que la diversification peut s’avérer complexe, cette approche minimise votre dépendance à un seul investissement, tout en augmentant votre exposition à d’autres opportunités potentielles.
- Recherchez activement des informations fiables sur des investissements qui sortent de votre zone de confort. En explorant de nouveaux secteurs ou marchés, vous pouvez élargir vos connaissances. Cela vous permettra de prendre des décisions plus éclairées et d’identifier de nouvelles opportunités.
- Faites-vous accompagner par des experts. Les conseillers financiers sont là pour vous épauler et vous fournir des recommandations permettant de diversifier votre portefeuille tout en tenant compte de votre tolérance au risque, de vos objectifs et de votre horizon de placement.
- Examinez et rééquilibrez régulièrement. L’examen et le rééquilibrage périodiques de votre portefeuille permettent de détecter d’éventuelles surconcentrations de risques et de maintenir la diversification tout en vous assurant qu’il continue bien de répondre à vos objectifs d’investissement. Si ce travail vous semble trop fastidieux, pourquoi ne pas envisager la gestion discrétionnaire, qui consiste à donner mandat à votre banque de gérer vos avoirs en votre nom et pour votre compte, en respectant une stratégie d’investissement définie au préalable avec vous.
Vous voulez mieux investir? Apprenez à ne plus subir votre biais de familiarité!